Douja gharbi, VP Conect
Propos recueillis par Sahar Mechri Kharrat
Afin de garantir l’accès des PME aux marchés publics, les syndicats patronaux jouent un double rôle : sensibiliser les entreprises quant à leurs droits et fédérer les efforts pour accélérer les réformes. Douja Gharbi, 1ère vice-présidente de la Conect nous livre son point de vue.
Cet intérêt pour les marchés publics, émane-t-il d’un besoin de vos adhérents ?
La question des marchés publics présente un intérêt certain à plus d’un titre ! L’État, les collectivités locales et les entreprises publiques représentent des acteurs économiques importants de par le nombre et le volume de leurs commandes en biens et services et leur large diversité.
Plus de sept mille commandes publiques touchant pratiquement à l’ensemble des secteurs économiques sont faites chaque année. En facilitant l’accès à ces marchés publics pour le plus grand nombre d’entreprises, dans la transparence et la bonne gouvernance requises, les donneurs d’ordre publics s’assureront certainement des meilleures conditions d’offres au niveau surtout des prix, de la qualité et des délais tout en stimulant la concurrence entre les opérateurs économiques.
L’ouverture de ces marchés aux TPE et PME constituerait une opportunité d’évolution et de développement pour cette catégorie d’entreprises. C’est une forme de partenariat entre les secteurs public et privé qui peut contribuer à la réalisation de nombreux projets de développement dans les meilleures conditions et favoriser la relance économique surtout à l’échelle régionale.
Pour toutes ces raisons la CONECT, en sa qualité d’organisation patronale d’entreprises citoyennes qui prône la transparence, la bonne gouvernance et l’équité a porté un intérêt particulier à ce sujet par une participation active à la mise en œuvre et à l’introduction des réformes nécessaires concernant ce domaine, l’information, la sensibilisation et la vulgarisation des nouvelles pratiques basées sur l’utilisation des nouvelles technologies pour simplifier et faciliter l’accès aux marchés publics à toutes les catégories d’entreprises qu’elles soient petites, moyennes ou grandes.
Nous avons également veillé à développer des actions de partenariat avec la Présidence du Gouvernement, le Ministère de la Fonction Publique et de la Gouvernance et l’Instance de Lutte Contre la Corruption «INLUCC» pour réussir cette réforme et développer de nouveaux rapports entre le public et le privé basés sur la complémentarité des rôles, la transparence, la responsabilité et l’efficience.
Dans la chaîne de valeur du système des marchés publics, quel est le maillon à traiter en urgence (réglementations, intervenants, procédures du système d’intégrité, corruption) ?
Tous ces facteurs constituent des maillons qu’il convient de traiter pour réussir la réforme.
Il faut commencer par le cadre juridique qui doit être adapté aux nouvelles exigences de rapidité et d’efficacité tout en garantissant le respect strict des règles de bonne gouvernance et le respect de la loi. La législation et les procédures relatives aux marchés publics sont lourdes, caduques et contraignantes aussi bien pour l’administration que pour les entreprises concernées.
Les donneurs d’ordre publics sont contraints à donner la priorité aux procédures et à la forme aux dépens de l’efficacité et de l’optimisation des choix. La notion du temps perd toute sa portée avec les mouvements de va et vient entre les administrations concernées et les obligations d’accords préalables de la hiérarchie et des autorités de tutelle. Le souci de chaque intervenant dans la chaîne est porté sur le respect des procédures plus que sur les délais et les résultats.
Les cumuls de retards se traduiraient inévitablement par d’importants surcoûts pour l’administration et donc pour les contribuables et grèveraient sensiblement les marges des entreprises concernées les engageant souvent dans des situations de déséquilibres financiers lourdes de conséquences.
A l’ère des nouvelles technologies de communication et de l’administration électronique, il est inadmissible de continuer à gérer des dossiers aussi importants selon des méthodes et des procédures non seulement désuètes mais qui ouvrent les portes, facilitent et alimentent même les tentations de corruption et d’influence.
L’enjeu et les intérêts sont tellement importants que certaines parties essaient toujours de barrer le chemin à d’autres intervenants pour retrouver à chaque appel d’offres les mêmes soumissionnaires. Plus inquiétant encore certains appels d’offres donnent l’impression qu’ils ont été élaborés «sur mesure» pour favoriser une marque ou un fournisseur donné!
La digitalisation du système, la transparence dans l’élaboration des appels d’offres et dans la publication des résultats des adjudications et la bonne gouvernance sont de rigueur pour faire face à de telles situations.
Le fractionnement des commandes faciliterait aussi l’accès d’un plus grand nombre d’entreprises surtout de TPE et PME aux marchés publics et contribuerait au développement de la synergie recherchée.
L’octroi de bonus au profit des entreprises tunisiennes et celles des régions de l’intérieur ou celles utilisant des produits locaux et éco-responsables serait aussi l’un des moyens les plus recommandés pour faciliter la relance économique et soutenir les entreprises locales surtout au cours de cette période de conjoncture difficile.
Que peut faire un patronat tel que la Conect pour améliorer le système des marchés publics, avez-vous des propositions ?
Les stratégies de développement adoptées depuis l’indépendance ont certes contribué à la réalisation de nombreux acquis mais ne sont plus adaptées aux nouvelles exigences de l’environnement économiquement tant national qu’international.
Notre pays doit passer aujourd’hui à un autre palier pour s’intégrer dans l’économie mondiale et assurer le positionnement de nos entreprises sur les marchés internationaux. Notre nouvelle stratégie doit être basée sur la performance, la compétitivité, l’initiative et la bonne gouvernance.
Ce sont des facteurs clés d’attractivité des investisseurs locaux et étrangers.
En tant que centrale patronale et force de proposition, la CONECT a fondé toute sa stratégie, ses initiatives et ses actions sur ces facteurs de compétitivité, d’innovation et de bonne gouvernance. L’intérêt que notre organisation porte au sujet des marchés publics s’inscrit dans ce cadre.
La conférence que nous avons organisé au mois de janvier dernier sur ce sujet en partenariat avec l’INLUCC et la Haute Instance de la Commande Publique (HAICOP) a suscité un vif intérêt au niveau de l’administration, des entreprises et des experts dans le domaine.
Nous organiserons une nouvelle rencontre au début du mois d’avril prochain avec les mêmes partenaires et la participation de plus de deux cents chefs d’entreprises responsables de nos structures régionales et sectorielles pour vulgariser davantage la réforme des marchés publics et informer les opérateurs économiques sur les nouvelles dispositions et facilitations d’accès à la commande publique notamment à travers la plateforme d’achats publics TUNEPS.
Nous poursuivrons aussi nos efforts visant la promotion du partenariat public-privé dans le souci de rattraper l’énorme retard dont souffre notre pays au niveau de l’infrastructure et de certains types de projets pouvant constituer des locomotives de développement économique et social.
Des séances de formation en faveur des entreprises et particulièrement des PME sur l’utilisation de la plateforme d’achats en ligne TUNEPS, démarreront à partir de mois de Mars en coopération avec la BERD sur le grand Tunis mais aussi et surtout dans les régions.