Des klaxons, des youyous et des cris ont retenti toute la nuit à travers la Tunisie. La foule s’amasse dans les rues, brandissant de grands drapeaux tunisiens. Depuis 21h s’enchaînent les informations. Les médias sont sous haute tension pour relayer tous les rebondissements d’une nuit qui restera gravée dans l’histoire de la Tunisie.
Dans la soirée du dimanche 25 juillet, jour de la fête de la République, en s’appuyant sur l’article 80 de la Constitution, le président Kais Saied a annoncé quatre décisions qui présentent un vrai tournant dans la scène politique : le limogeage du chef du gouvernement Hichem Mechichi, le gel des activités de l’ARP durant 30 jours, la levée de l’immunité diplomatique sur les députés de l’ARP et la prise du pouvoir exécutif par le président et un chef du gouvernement que le président désignera lui-même.
Cette décision a causé une suite d’événements en cascade, dont l’appel du président de l’ARP Rached Ghannouchi à se rendre à l’Assemblée et le blocage de l’Assemblée par l’armée. Rached Ghannouchi a réagi en qualifiant cette décision de “coup d’Etat constitutionnel”.
Que dit exactement l’article 80 de la Constitution ?
Sur le site du Marsad, l’article 80 est présenté ainsi : “En cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures nécessitées par cette situation exceptionnelle, après consultation du Chef du gouvernement et du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le président de la cour constitutionnelle. Il annonce les mesures dans un communiqué au peuple.
Ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir le retour dans les plus brefs délais à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Durant toute cette période, l’Assemblée des représentants du peuple est considérée en état de réunion permanente. Dans ce cas, le Président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple et il ne peut être présenté de motion de censure contre le gouvernement.
A tout moment, trente jours après l’entrée en vigueur de ces mesures, et à la demande du Président de l’Assemblée des représentants du peuple ou de trente membres de ladite Assemblée, la Cour constitutionnelle est saisie en vue de vérifier si la situation exceptionnelle persiste. La décision de la Cour est prononcée publiquement dans un délai ne dépassant pas quinze jours.
Ces mesures cessent de prendre effet dès que prennent fin les circonstances qui les ont engendrées. Le Président de la République adresse un message au peuple à ce sujet.”
Le président de l’ARP nie avoir été informé de cette décision avant son annonce publique. Quant à Mechichi, il n’y a pas eu de déclaration le concernant. Certains articles sortis après l’annonce présidentielle, comme celui de France Culture, qualifient cette action de “coup d’Etat constitutionnel”. Les réactions sur les réseaux sociaux sont nombreuses, avec la peur d’une future dictature où le président détiendrait tous les pouvoirs.
L’article mentionne que : “le Président de la République peut prendre les mesures nécessaires par cette situation exceptionnelle, après consultation du Chef du gouvernement et du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le président de la cour constitutionnelle”. Il n’y a pas de Cour constitutionnelle. Il s’agirait donc d’un coup d’Etat constitutionnel si le président de l’ARP et le chef du Gouvernement n’avaient pas été informés de cette décision.
L’avenir demeure flou. La Cour constitutionnelle doit décider de l’issue de la situation, puisque “la Cour constitutionnelle est saisie en vue de vérifier si la situation exceptionnelle persiste” alors qu’elle n’existe pas. Comment gérer les affaires courantes avec un gouvernement sans tête ? Passé les 30 jours de gel, comment l’activité reprendra-t-elle ? Et étant donné que l’immunité parlementaire a été levée, les députés seront-ils jugés sur leurs actes passés tels la gifle donnée à Abir Moussi en pleine séance de l’ARP ?