Un rapport qui vient d’être publié par l’Institut tunisien des études stratégiques a décrypté la conjoncture économique actuelle de la Tunisie. La reprise économique a été confirmée au premier trimestre 2018, le taux de croissance du PIB, rappelons-le, a été de 2.5% en glissement annuel.
Quant au tourisme, selon les données de la BCT relatives à la balance des paiements, les recettes touristiques, pour le premier semestre 2018, ont augmenté de 46.1% en glissement annuel.
Des secteurs fragilisés
Toutefois, le sous-secteur du bâtiment et des matériaux de construction a connu une baisse de la croissance de l’ordre de 5.3% suite à la baisse de la demande interne en raison de l’augmentation de la TVA de 1% selon les dispositions de la loi des finances de 2018. Celle-ci a également impacté le secteur de l’immobilier qui rame depuis quelques années, connaissant une chute des ventes de 7000 unités entre 2011 et 2017.
La croissance a aussi été pénalisée par les difficultés relatives aux activités extractives, où il été enregistré une baisse de la production du phosphate de 38% par rapport au premier trimestre 2017, puis une baisse de production de l’industrie chimique de 24%, et enfin une baisse de la production de pétrole de 50% par rapport à 2010, représentant un manque à gagner pour l’économie.
L’investissement bat de l’aile
L’investissement, vecteur de croissance, connaît plusieurs défis. Pour les quatre premiers mois, les intentions d’investissement dans l’industrie et les services sont en baisse, en raison de l’instabilité politique et de la qualité du climat des affaires. Toutefois, pour ce qui est de l’agriculture, les intentions d’investissement sont en hausse.
En ce qui concerne la part de la Tunisie dans les investissements directs de l’étranger (IDE) en Afrique du Nord, elle est tombée à 6.5% les deux dernières années. Aujourd’hui, les IDE ne représentent que 2% du PIB. Selon l’Agence de promotion des investissements extérieurs (FIPA), durant les cinq premiers mois de l’année 2018, les IDE ont atteint 922 MD contre 795 MD à la même période en 2017. 48.7% des sommes étaient destinés au secteur énergétique, 14.6% aux services alors que 36% étaient pour les industries manufacturières.
La propension de l’investissement à créer des emplois et assez faible et insuffisante pour résorber un chômage avoisinant les 15.3%. Selon les prévisions du FMI, le taux de chômage devrait se maintenir à 15% en 2018 puis baisser à 14.8% en 2019 si les réformes sont appliquées. Mettre l’accent sur les industries manufacturières est primordial selon l’ITES.
Inflation qui bat tous les records
Constat indéniable , l’accélération de l’inflation depuis janvier 2016. Le taux d’inflation est passé de 3.5% à 7.7%. en raison de l’effet conjugué de la hausse des coûts de production et de la dépréciation du dinar, plus connu sous le terme d’inflation importée.
Dans le cadre de la lutte contre l’inflation et dans un objectif de stabilisation des prix, la BCT a augmenté le taux directeur de 75 et de 100 points de base respectivement en mars et en juin 2018. Une pratique que l’ITES a jugée inefficace. La BCT a eu,en effet ,six fois recours à cette hausse du taux directeur en moins de six ans. Ce taux est ainsi passé de 3.5% à la fin de 2011 à 5.75% en mars 2018 alors même que le taux d’inflation de 4.9% en août 2012, a atteint 7.6% en mars 2018. Ce taux est aujourd’hui à hauteur de 6.75%, amenant à une décélération de la croissance des crédits. Celle-ci n’est pas sans effets sur la consommation et sur le PIB. Il n’en reste pas moins que les crédits accordés aux professionnels, plus particulièrement dans l’industrie et les services ont continué à augmenter, pour se stabiliser à 15% en 2018.
Ceci dit, la relation entre le taux directeur et l’inflation n’est pas visible à l’œil nu. L’explication fournie par le rapport est que l’inflation n’est pas d’origine seulement monétaire. Elle provient essentiellement de l’augmentation des coûts de production, en l’occurrence les matières premières et l’énergie. L’augmentation des salaires, sans augmentation,en parallèle,de la productivité, et l’accentuation de l’économie souterraine sont également des facteurs en rapport avec cette hausse de l’inflation . Par conséquent, toute augmentation du taux directeur n’aura d’effet que sur la baisse de consommation et de l’investissement privé, à en croire le rapport.
Néanmoins, les effets de la dépréciation du dinar sur l’inflation n’ont pas à être ignorés mais pas non plus à être exagérés. De récentes estimations révèlent que l’inflation importée serait seulement de 2%. En conséquence, les facteurs internes jouent plus que les facteurs externes.
Endettement alarmant
Quant à la dette publique, elle est de 70% du PIB en 2017, soit une augmentation de 29 points par rapport à 2010. La dette extérieure est à 80% du PIB, moyennant une augmentation de 30 points. Cette situation découle des effets cumulés du solde commercial négatif malgré l’amélioration du taux de couverture de 4.6 points par rapport aux cinq premiers mois de 2017 et du déficit budgétaire qui a augmenté de 5 points par rapport à 2010.
En ce qui concerne les recettes budgétaires, jusqu’au mois de mars 2018, les objectifs de la loi des finances 2018 n’ont pas été atteints. En particulier, les recettes provenant de l’impôt sur les sociétés durant le premier trimestre 2018 qui ont atteint 567 MD, alors que 613 MD étaient prévus. Même chose pour la TVA qui est à hauteur de 1634 MD contre des prévisions de 1785 MD. Une constatation de pertes sèches est donc visible. Fait alarmant d’après l’ITES, qui a prévu un renforcement du déficit budgétaire.
L’étude suggère alors une optimisation des dépenses publiques, le ciblage des subventions ainsi que l’augmentation des recettes en élargissant l’assiette fiscale au lieu du relèvement des taux. Il est impérieux,par ailleurs, de réduire les dépenses publiques, en l’occurrence la masse salariale. A noter que seulement 9 pays, en l’occurrence la Libye, l’Arabie Saoudite, la Micronésie, le Lesotho,les Iles Marshal,l’Irak, le Danemark, le Koweït et le Zimbabwe ont un ratio masse salariale/ PIB supérieur à celui de la Tunisie.
Malgré ces difficultés, la conjoncture économique mondiale pour l’année 2018 est plutôt favorable pour stimuler une reprise de la croissance économique en Tunisie, à condition de mettre en place les réformes recommandées.