Une petite dose d’inflation est toujours bonne pour l’économie. Les banques centrales fixent généralement l’objectif de 2% par an comme une cible parfaite. Elle permet aux entreprises d’ancrer leurs anticipations de hausses des prix à moyen et long terme. Ce caractère prévisible est favorable à la prise de décision d’investir, car il réduit l’incertitude sur les revenus futurs engendrés par un projet.
Cela incite par ailleurs les ménages à placer leurs excédents de liquidités plutôt qu’à les thésauriser ou à les conserver sur leurs comptes bancaires. Une inflation modérée contribue donc à assurer l’équilibre entre le niveau d’épargne et celui de l’investissement, sans lequel les taux d’intérêt s’envolent, limitant ainsi les projets d’investissement des entreprises.
En Tunisie, nous sommes à une inflation à deux chiffres. Pour l’Etat, qui se préoccupe avant tout de ses recettes fiscales, c’est une aubaine. Il peut bénéficier d’un prix de base élevé pour les différents produits et services pour empocher des droits de consommation et une TVA encore plus importants. En 2021, ces deux taxes ont permis l’encaissement de 11 968 MTND. Ce chiffre est passé à 13 656 MTND en 2022 et serait de 15 151 MTND en 2023.
Des taux d’intérêt élevés sont également une bonne affaire. Les ménages épargnent davantage et les banques trouvent plus de ressources pour investir dans les titres de créance souverains, indispensables pour clôturer le budget. Les établissements financiers, principaux contributeurs à l’impôt sur les sociétés, vont gagner plus et payer encore plus d’impôts sur les bénéfices.
L’inflation mondiale est également une occasion pour justifier des mesures restrictives en matière d’importations, ainsi que la levée des subventions. Elle conduit à des droits de douane plus élevés, qui atteindraient un record cette année, selon les projections du ministère des Finances, à 2 060 MTND. Avec la stagnation de l’activité économique, une telle progression ne peut résulter que d’un effet prix.
Mais attention, cela ne peut fonctionner que pour une courte période. L’absence d’investissement va porter un coup fatal à la croissance et la création de richesse pour des années. Les entreprises qui vont se donner les moyens pour s’acquitter de leurs impôts en 2023 ne vont pas nécessairement les trouver pour le faire en 2024. L’impact social n’est pas mesurable et il serait grave de le négliger.