Dans une conférence de presse animée par Chris Geiregat, le Chef de mission du FMI, et Jérôme Vacher, le représentant du FMI en Tunisie, quelques précisions importantes ont été apportées, en complément du rapport publié.
La première concerne le potentiel de croissance de la Tunisie. Pour Geiregat, la Tunisie a tous les atouts pour se transformer en un hub pour les investissements étrangers. C’est une jeune démocratie, proche de l’Europe et qui dispose d’une main d’œuvre hautement qualifiée. Ces points doivent être mieux communiqués par les autorités. Néanmoins, il y a des carences qu’il faut traiter, surtout au niveau de la logistique, la bureaucratie ainsi que le système fiscal. L’exemple des ports est la meilleure illustration. Nous sommes un pays exportateur et à un moment où les chaînes de valeur sont plus que jamais intégrées, le mode de fonctionnement actuel de nos ports est obsolète.
Par ailleurs, Geiregat a mentionné la question des monopoles publics et privés qu’il convient de déverrouiller et l’ouverture de tous les secteurs économiques à la concurrence. Tous ces points empêchent la Tunisie de concrétiser son potentiel en matière d’attraction d’IDE.
Le second point concerne les entreprises publiques, qui consomment près de 8% du PIB et sont fortement endettées. La solution est multi-dimensionnelle. Il faut d’abord les classer par importance et par rôle social. Selon les résultats de ce travail, un plan d’intervention à moyen terme pourrait être développé. Au niveau organisationnel, il serait meilleur de basculer d’un modèle de gouvernance décentralisé vers le rattachement de ces entreprises à une seule structure centralisée, qui gère les questions financières. Il y a le besoin d’une meilleure structure interne de ces entités, avec des conseils d’administration plus indépendants et une grande transparence. Geiregat a même cité l’exemple de Tunisair qui n’a pas encore publié ses états financiers de 2018. Aujourd’hui, l’État supporte le fardeau de ces entreprises qui bénéficient de ses garanties. Autrement dit, en cas de difficultés financières, c’est à l’État de supporter les conséquences.
Globalement, des réformes profondes doivent être entreprises. Elles sont difficiles et aujourd’hui, il n’y a pas de consensus nécessaires sur les mesures à prendre. Un plan préparé uniquement par les autorités ne serait pas suffisant, et il faut avoir l’aval des autres parties prenantes.
Toutefois, il ne s’agit pas d’une condition sine qua non pour lancer des négociations sur un nouveau programme, insiste Geiregat, mais une telle démarche aidera le pays à gagner la confiance de ses partenaires et avancer rapidement dans ses intentions. Le FMI est prêt à accompagner la Tunisie dans tout plan de transformation économique sérieux et qui est capable d’unir les forces vives du pays autour d’une feuille de route claire.
En attendant cela, la croissance de 2021 sera modeste et prendra plutôt la forme d’un rebond technique après la dégringolade de 2020. Geiregat a reconnu que le rythme des années à venir reste insuffisant même en adoptant les réformes. Pour être réaliste, elles vont prendre des années pour se concrétiser et leur effet ne serait pas immédiat.
Concernant la politique monétaire, la BCT doit accorder la priorité à deux points essentiels. Le premier est la stabilité du secteur bancaire qui a subi les conséquences de la crise sanitaire et des décisions prises par le régulateur afin de soutenir les entreprises. Veiller à sa résilience est l’une des conditions pour une bonne reprise de l’économie. Par ailleurs, la BCT doit mettre un plan pour une relance dès la sortie de la crise, surtout pour les secteurs les plus fragilisés, comme le tourisme.
Enfin, une précision importante a été apportée : la Tunisie n’a fait aucune demande de ré-échellement ou de restructuration de sa dette. Pour le moment, les autorités se focalisent sur la mobilisation de maximum de ressources en interne tout en préparant le terrain pour un nouveau round avec l’institution de Bretton Woods.