Yassir El Ismaili El Idrissi, CEO de Tayara
En seulement près de 5 années de présence sur le marché tunisien, tayara.tn a réussi à devenir le 5ème site le plus consulté en Tunisie d’après le classement d’Alexa. En pleine croissance, la société double son chiffre d’affaires sur les deux dernières années. Derrière cette performance un talentueux CEO, Yassir El Ismaili El Idrissi.
À travers une interview accordée au magazine Le Manager, Yassir El Ismaili El Idrissi nous mène dans les méandres de son voyage vers le succès, partageant son profil de leadership. Interview.
Au début, si vous nous parlez de Tayara.
Pendant les trois premières années, l’équipe sur place faisait partie du groupe scandinave Schibsted. Ce dernier, visant à étendre les périmètres de son business, a choisi de se lancer en Tunisie et cette expérience constitue une très belle opportunité pour nous. Elle répond vraiment aux besoins des gens de vendre et d’acheter gratuitement sur Internet. C’est ainsi que j’ai été recruté au poste de CEO.
Nous sommes un connecteur entre des particuliers ou des professionnels qui vont échanger entre eux. Avec plus de 80 mille annonces d’emplois actives sur le site, nous encourageons l’emploi. Ma tâche consiste en la création de la technologie, des équipes et du trafic autour de la digitalisation du commerce local et la vente de la publicité responsable.
Qu’est-ce que vous entendez par la publicité responsable ?
En matière de publicité digitale, plusieurs technologies permettent de traquer les gens et d’être, à la limite abusif, comme ceci a été le cas par exemple avec Facebook. A Tayara.tn nous faisons un ciblage en fonction de ce que vous voulez voir sans utiliser les données personnelles des personnes naviguant sur notre site et qui représentent un potentiel d’achat important.
Cette attitude serait possible technologiquement mais elle est contraire à notre éthique, puisque c’est contre l’intérêt de nos utilisateurs. Notre objectif est de construire une entreprise modèle et pérenne.Donc, aujourd’hui, il y a une responsabilité digitale qu’il faudrait assumer. Malheureusement, les lois sont toujours en retard par rapport à la technologie.
Au fait, ces publicités responsables sont importantes dans notre business modèle mais ne représenteront à terme que le 1/3 de notre chiffre d’affaires.
Et quels produits représentent les 2/3 restants ?
Il s’agit des services payants de professionnels et des services payants de particuliers. En effet, certains professionnels nous demandent des services supplémentaires qui sont évidemment rémunérés à l’instar de certaines agences immobilières ou des magasins d’électronique.
Ils sont intéressés par le développement d’un mini-site dans tayara.tn pour que les gens puissent connaître leurs localisations. Certains particuliers expriment également leur intérêt à payer pour des services tels que le placement d’un logo « Urgent » sur un produit qu’ils veulent vendre rapidement. Il n’en reste pas moins vrai que dans l’ensemble, 99% de nos services demeurent gratuits.
On connaît bien les produits Tayara: Tayara Pro et Tayara Shop. Pouvez-vous nous les présenter ?
Tayara Pro est toute l’activité de publicité responsable qui est assurée par notre équipe. Nous avons développé Tayara Télé ; en effet, à l’approche du mois saint de Ramadan, certains annonceurs ont décidé de migrer vers une solution digitale vu que la publicité à la télé leur coûte très cher, ne permettant pas d’avoir le nombre exact des personnes atteintes.
Tayara Télé permet de classer les spots-télé selon les catégories et de fournir les statistiques indiquant le nombre de personnes ayant vu le spot. Quant à notre deuxième produit, en l’occurrence Tayara Shop, il a émané de la volonté des professionnels de voir leur commerce en ligne.
Maintenant si vous nous parliez un peu du CEO qui est à la tête de cette évolution. Votre parcours à vous.
J’ai eu d’abord un parcours de consultant à Paris sur des sujets d’accompagnement stratégique de changement. J’ai travaillé pour Accenture sur les fusions et acquisitions pendant de nombreuses années, durant lesquelles j’ai pu réaliser quelques projets chez Airbus, Carrefour, EDF, HP Compaq, …
En bref, c’était un travail sur la transformation avec un axe plus focalisé sur l’humain où je me rendais compte que l’entreprise gagnerait fortement quand tous les collaborateurs sont alignés. Ensuite, j’ai intégré Webhelp, un important centre de contact en France, où j’ai occupé le poste de DRH pour l’Afrique du Nord, pendant quelques années au Maroc. C’est à travers ce poste que je me suis initié aux questions du leadership.
C’est dire que dans un centre de contacts, le superviseur d’une équipe doit impérativement inspirer son équipe pour éviter une baisse de motivation et une chute des résultats financiers. Après cette expérience chez des entreprises françaises de renommée, j’ai cédé aux chants de sirènes de l’entrepreneuriat et j’ai décidé de lancer ma propre start-up. Depuis 18 mois, j’ai rejoint Tayara.
Quelles sont, d’après vous, les qualités qui permettraient à un manager d’inspirer ?
Il y en a plusieurs mais la première qualité qui me vient en tête c’est l’exemplarité autrement dit, toujours faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait. Je demande toujours à mon équipe de dire et d’assumer lorsqu’ils ne peuvent pas exécuter une tâche. Je suis le premier à m’y tenir.
C’est une forme d’éducation. Une autre qualité que je considère aussi importante est le droit à l’erreur. Je respecte souvent ceux qui assument leurs erreurs et en apprennent. Je les encourage, car ne pas faire d’erreurs revient à ne pas innover et à ne pas sortir des sentiers battus. Et là, je parle des erreurs et non pas des fautes.
Vous voulez dire de la nonchalance ?
Personnellement, je ne confonds pas erreur et faute. La faute est intentionnelle et là il y a un côté de malveillance et de mauvais esprit. Par contre, l’erreur c’est quand on a essayé, on a osé mais on s’est trompé. A ce moment, c’est au manager d’intervenir et de savoir si c’est une erreur ou une faute. Si la personne refait la même erreur une deuxième dois ou essaie de saboter le travail de quelqu’un d’autre , c’est une faute. Là, je suis intransigeant !
Comment concevez- vous votre rôle de CEO ?
Je me visionne à être entraîneur, je cherche à sélectionner, à recruter des gens brillants et excellents, toutefois, ce sont eux qui jouent. Moi, je m’asseois sur le banc et je regarde le jeu. De ce fait, l’esprit d’équipe est très important. Tayara est une petite start-up, tout le monde doit pouvoir aller jouer en position de l’autre si c’est nécessaire.
On gagne ensemble et on perd ensemble. D’un autre côté, quand il s’agit d’une équipe créative, il est important de ne pas s’atteler à plus de trois tâches. Je dis à mon équipe que les idées sont bonnes mais il faut les prioriser. Egalement, il n’y a pas de politique interne chez Tayara. Celui qui veut faire le malin pour monter en grade, n’a pas sa place dans l’équipe.
Il m’est déjà arrivé d’arrêter des collaborations pour des raisons d’attitude. Je peux être hyper bienveillant sur l’erreur, sur la courbe d’apprentissage, mais je suis très intransigeant sur le comportement, en l’occurrence le mensonge. Ce qui est agréable aujourd’hui, si jamais quelqu’un intègre notre équipe et qui n’est pas dans le bon mindset, c’est l’équipe qui va le rejeter. Indéniablement, c’est aux entraîneurs de s’assurer qu’il y a une cohésion au sein de l’équipe et que les bonnes personnes sont au bon endroit.
Il y a une expérience que vous avez en mémoire et qui a changé un peu votre manière de gérer ?
C’est certain qu’il y a eu beaucoup d’erreurs dans mon parcours, mais il y a un article qui a beaucoup changé ma manière de voir les choses. C’est, en effet, la théorie des vecteurs d’Elon Musk. Cette théorie stipule qu’une équipe avance avec une somme de vecteurs.
Si on a deux personnes brillantes, mais que chacune pousse dans un sens, on va créer de l’énergie sans pour autant bouger. Ce qui est important c’est que les vecteurs soient alignés et c’est là que vient le travail du CEO ou du manager. Il doit s’assurer que tout le monde aille exactement dans la même direction. Personnellement, je passe mon temps à m’assurer que tout soit aligné.
Et concrètement, comment ceci se décline-t-il?
Je passe beaucoup de temps à discuter avec les uns et les autres. Je regarde ce qui se passe. On a également un collaborateur RH qui regarde, analyse, et détecte les signaux avant qu’ils ne se traduisent en problèmes. A ce moment, on s’asseoit et on en parle.
Comment voyez-vous l’évolution du rôle des managers ?
La situation n’est plus comme avant, le manager doit être beaucoup plus transparent et plus exemplaire. Il doit admettre ses erreurs et ne pas hésiter à rigoler avec son équipe. Qu’ils ne craignent rien, parce que les jeunes d’aujourd’hui savent faire la différence entre travail et divertissement. Bref, je dirais que lemarché du travail a changé, alors, il ne faut pas attendre de son équipe de changer. Nous devons nous adapter, c’est l’essence même du leadership et c’est plus agréable.