Les plages des îles Kerkennah, situées au large de la ville portuaire de Sfax, sont magnifiques, mais leur beauté est ternie par une réalité invisible: les déchets plastiques qui s’y accumulent. Chaque année, 7 000 tonnes de plastique souillent ces rivages, menaçant la faune et la flore locales.
Dans ce cadre, la marque tunisienne Kerkennah Plast a collaboré avec l’initiative internationale Seaqual, qui s’engage à acheter du plastique marin en vue de créer de la mode à partir de matériaux recyclés, selon un rapport de l’Agence France-Presse (AFP) publié dimanche.
En effet, et en premier lieu, les collecteurs d’ordures informels, connus en Tunisie sous le nom de “barbeshas”, ramassent les déchets plastiques se trouvant le long de la plage. Puis Seaqual achète le plastique récupéré à un prix rémunérateur et stable tout au long de l’année. Ensuite, Kerkennah Plast se charge de compacter et broyer le plastique marin.
Auparavant sans grande valeur économique, le plastique récupéré est désormais transformé en granulés, qui servent à créer la fibre de nylon “Seaqual Yarn”, explique Omar Kcharem, directeur de Kerkennah Plast.
Ce fil de haute qualité est ensuite acheminé vers le Portugal, où il est transformé en tissu denim dans l’une des quatre usines équipées de cette technologie. La marque tunisienne de mode écologique Outa, partenaire de l’usine Sitex (à Ksar Hellal), a choisi ce tissu pour confectionner des robes respectueuses de l’environnement.
Outa, fondée par Anis Montacer, s’est engagée à produire des tissus et des vêtements éco-responsables. En partenariat avec Sitex, un spécialiste tunisien du denim, ils utilisent du fil Seaqual, fabriqué à l’étranger, pour tisser du denim recyclé à 70%. Le processus de fabrication, à 99% basé en Tunisie, est ultramoderne et respectueux de l’environnement. Outa a lancé une première collection haute couture dessinée par la styliste française Maud Beneteau, qui a relevé le défi de transformer ce denim éco-friendly en robes somptueuses. Malgré un coût de production plus élevé, Outa vise à inspirer d’autres entrepreneurs et stylistes à adopter des pratiques éco-responsables dans l’industrie de la mode.
Ce projet est bien plus qu’une simple entreprise de recyclage. En nettoyant les plages pour gagner leur vie, les 15 collecteurs de déchets plastiques impliqués dans le programme Kerkennah Plastic Free contribuent activement à la protection de l’environnement. “C’est une innovation”, a déclaré Jean-Paul Pelissier, du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam), coordinateur du projet. Et d’ajouter: “Il y a quatre ou cinq ans, il était impossible de recycler le plastique marin en raison de sa longue exposition à l’eau salée et au soleil”.
Il est à noter que l’initiative internationale Seaqual est un projet financé par l’Union européenne qui “travaille avec les opérations de nettoyage des océans dans le monde entier pour valoriser les déchets qu’ils récupèrent”, selon le site Internet de l’initiative.