Il fait partie de ces entrepreneurs engagés, passionnés d’environnement. Il n’est pas de ceux qui ont choisi un fleuve tranquille pour s’y appesantir. Les batailles écologiques sont siennes.
Maîtrisard en finance de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis en 2001, Maher Oudira a travaillé pendant plusieurs années en tant que responsable pour le compte d’une multinationale américaine leader dans le recyclage des canettes. C’est d’ailleurs de là qu’est née l’idée de se lancer dans l’aventure du recyclage des canettes en aluminium. Il connaissait à la perfection les règles du jeu avant de devenir entrepreneur et de bousculer l’ordre des choses. « Si vous voulez changer les choses, vous devez vous battre par vous-mêmes, être autonome », dit-il. Jouant la carte verte, il fonde Green ALAFCO. Le projet est basé à El Mnihla au gouvernorat de l’Ariana.
L’utilisation de l’aluminium dont la production très polluante et consommant beaucoup d’énergie, demeure très excessive. Le nombre grandissant de canettes consommées par individu met en exergue l’existence d’un marché de taille. Mais le marché du recyclage donne le tournis ! Chaque année, ce sont environ 5000 tonnes de canettes qui sont jetés. Ces récipients sont associées aux déchets ménagers et la consommation de boissons en cannettes par individu a fortement augmenté ces dernières années. A titre d’exemple, une canette met entre 100 et 200 ans pour se dégrader. Elle est pourtant recyclable à l’infini, prévient Maher Oudira.
Durant ses cinq premières années, l’entreprise a sous-traité le recyclage des canettes à défaut de pouvoir engager un fort investissement initial. Ce n’est qu’à partir de 2016, qu’il a mobilisé ses propres ressources et est passé au recyclage. Aujourd’hui, Maher Oudira exporte les cannettes sous forme de produits semi-finis. Il en revend environ 500 tonnes chaque année. Trier ses déchets est devenu un acte citoyen. Il vise haut et loin et la niaque le connait bien. Maher a d’ores et déjà conquis le Brésil et la Corée du Sud et compte bien étendre son réseau d’exportation.
Pour Maher, âgé de 43 ans, le chemin a été jalonné de difficultés. Jonglant plusieurs mois entre le manque de visibilité et de moyens, il a choisi de se fier à sa persévérance, mère de tous les succès. Maher Oudira dit souffrir d’une trop forte concentration du marché. Il veut obtenir plus de souplesse pour pouvoir étendre la liste de ses fournisseurs. “Pour notre activité, le besoin en fond de roulement est très grand, nous n’avons pas la possibilité d’avoir des crédits fournisseurs”, déplore Maher.
“Le financement offert par Souk At-tanmia nous a permis d’aller de l’avant. Il nous assure un suivi avant et après la création du projet, la formation, le coaching, le mentoring et l’accompagnement. Ce programme nous facilite l’accès aux marchés et met à notre disposition ses relais et ses réseaux : c’est l’initiative tant attendue pour les promoteurs”, a fait-valoir Maher Oudira.
Ayant une aptitude naturelle à pourfendre les usages, il ne compte pas freiner en si bon chemin puisqu’il prévoit d’optimiser le processus de recyclage des déchets des canettes d’aluminium, d’agrandir son équipe et de mettre en place la première fonderie en Tunisie et en Afrique d’ici 2 à 3 ans. Maher entend inscrire ALAFCO dans un projet encore plus noble, celui de l’économie circulaire et en faire un modèle type.
Le marché de collecte étant actuellement majoritairement informel, il compte bien y remédier. Il a commencé en 2015 à travers un partenariat avec la GIZ pour l’intégration structurelle du marché informel. La deuxième initiative que Maher a entreprise seul concerne la mise en place de machines de collecte intelligente pour les citoyens. Ce projet lui tient à coeur au point de se fixer le défi de l’atteindre fin 2018, malgré des coûts très élevés.
Il voit les choses en grand et veut aussi superviser toute la chaîne, du tri à la production: « Mon ambition est de construire un hub pour la fusion et le recyclage des canettes. »