A la base de tout principe économique se pose la question fondamentale de la rareté, car dans un monde de rareté, il n’y a pas de buffet à volonté ! Pour les économistes, la rareté est un problème économique universel car nous partageons bien une même planète ! Au-delà de ce simple constat, comprendre que la rareté des ressources implique une vision et des stratégies politiques transversales est une tout autre histoire. C’est à l’occasion de la 4ème édition du Tunisia Economic Forum, organisée le 27 juin, que le débat a été lancé, en présence de hauts représentants du Gouvernement, d’experts, économistes, et de représentants du secteur privé. Tous réunis autour d’une même thématique «Les politiques économiques et la contrainte des ressources rares en Tunisie».
C’est en présence du Chef du Gouvernement et de grands commis de l’Etat réunis pour l’occasion que l’IACE a présenté les résultats d’un nouveau modèle d’équilibre partiel visant à impulser et soutenir les efforts de valorisation et de rationalisation des ressources rares en Tunisie, un problème social mais aussi et surtout économique.
Les ressources d’eau disponibles sont de l’ordre de 450 m³ par habitant/par an, alors qu’à l’échelle mondiale le seuil de pauvreté est de 1000 m3/par an selon les données présentées par Nefaa Ennaifer, membre du comité directeur de l’IACE. Ces chiffres et bien d’autres ont de quoi secouer les esprits les plus avisés comme les moins. Aujourd’hui la rareté des ressources qui concerne à la fois l’eau, la terre, les sols mais aussi les talents, ne peut faire l’impasse d’une vision et d’une stratégie nationales. Les répercussions sont multiples: stagnation ou déclin économique, migrations vers des zones mieux loties, instabilité sociale, pour ne citer que celles-là.
Saviez-vous que ?!
L’empreinte eau de consommation de la Tunisie est de 2217 m3/an/hab soit 60% de plus que la moyenne mondiale ! La valorisation de l’eau n’est pas le point fort de la Tunisie à en juger par les chiffres puisqu’un m3 d’eau produit environ 14,38 $ selon les données présentées par Raoudha Gafrej, experte en gestion des ressources en eau. Des pays comme le Ghana, l’Ethiopie et le Maroc nous dépassent largement.
Sous la casquette d’acteur majeur dans le secteur du textile, Nefaa Enneifar nous révèle qu’un secteur comme le textile consommerait pour un kg de coton brut 8500 litres d’eau. Actuellement, pour fabriquer un T-shirt, il faut 2000 litres d’eau, dont 85% de coton est importé, un jean nécessite 20 000 litres d’eau. Précisant que des pays en sont déjà à adopter des politiques volontaires et réfléchies d’importation des marchandises intensives en eau pour leur permettre d’optimiser l’emploi de leurs propres ressources. A bon entendeur…
Des origines du challenge au modèle d’équilibre partiel
D’un côté, la rareté des ressources, de l’autre, des modèles de production fondés sur l’abondance, c’est là tout le challenge auquel est confrontée la Tunisie. La gestion de cette rareté s’impose donc côté offre et côté demande. Selon l’étude présentée par l’IACE, seule une valorisation et une réaffectation de la ressource en eau permettra de conjuguer avec la rareté.
Le modèle d’équilibre partiel élaboré a pour objectif la maximisation de la fonction objective qui est la somme des valeurs ajoutées des activités prises en compte (agriculture, tourisme et textile) sans les contraintes des activités des ressources. Considérons leur consommation en ressource qui est, à titre indicatif, de 4 mètres cubes par nuitée pour le secteur du tourisme, de 18 000 mètres cubes par ha de palmiers, le modèle en déduit que la valeur économique de l’eau devrait égaliser 3,5 DT/m3. Plus clairement, c’est la Valeur Ajoutée que devrait apporter un m3 d’eau bleue utilisée par ces activités.
A noter que les cultures ayant une bonne valorisation des ressources en eau sont l’olivier pluvial, l’olivier hyper intensif, le blé dur, les tomates du Nord et la pomme de terre du Centre.
Qu’apporterait une réaffectation des ressources ?
Selon le modèle élaboré par l’IACE, l’optimisation des ressources en cas de réaffectation apporterait un gain potentiel de 12,8% en cas d’amélioration des autres secteurs avec les mêmes ressources.
L’effort additionnel en termes de valorisation de la ressource eau engendrerait 3800 Millions de dinars de valeur ajoutée et une économie d’eau de 429 millions de m3. Cet effort mesuré en apport en pourcentage par rapport à la valeur ajoutée actuelle oscille entre 6,9% pour les agrumes du Cap Bon et 52,6% pour les pommes du Nord. Beaucoup d’efforts restent à faire !
Toujours selon l’étude, l’amélioration des activités existantes passe par l’augmentation du rendement physique et monétaire et la réduction de la consommation à travers les backstops. Ces objectifs restent toutefois théoriques puisqu’ils ne pourront être réalisés qu’en tenant compte d’autres objectifs et priorités tels que l’export, l’emploi, et le développement régional, et en intégrant le dossier de l’ALECA.
Dans ce cadre, Majdi Hassen, directeur exécutif a rappelé qu’une étude réalisée à l’occasion du Tunis Forum de l’IACE, en 2016, a abouti à la conclusion que les négociations autour de l’ALECA ne porteront leurs fruits qu’en atteignant un taux de valeur ajoutée en agriculture de 13% et en augmentant les terres arables de 228 000 ha. En amont, les politiques industrielles adoptées devraient tenir compte de l’aspect territorial et de l’intégration dans les chaînes de valeur globales.
Cette construction n’apportera ses effets, recommande l’IACE, que si elle se fait dans une approche de dialogue public-privé.