CONECT International
Si déficit commercial il y a, c’est sans doute d’abord parce que le niveau des exportations est faible, ajouté à l’important volume des importations. Quelles sont les entraves à l’export ? Comment peut-on y remédier ? Ces problématiques ont été au cœur du débat organisé hier, 30 mai 2018, par la CONECT International en partenariat avec l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ), sous la responsabilité du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) dans le cadre du projet « Promotion des activités d’export créatrices d’emploi vers de nouveaux marchés africains (PEMA) ».
Au menu de la soirée fut la présentation d’une étude réalisée par le cabinet Prodata sur un échantillon de 300 entreprises. En Tunisie, 16.3% des PME ont tenté l’aventure d’export alors que 1.3% uniquement sont totalement exportatrices. Plus saisissant encore, 63.3% des entreprises, qu’elles soient exportatrices ou pas, n’envisagent pas de nouveaux marchés d’export. Fait significatif : cette activité cruciale pour la création du dynamisme économique, est une route jalonnée d’embûches. Entre autres, des obstacles d’ordre psychiques forçant l’entrepreneur à être récalcitrant quant à la prise de risque ainsi que des freins liés à l’environnement, local et international, de l’entreprise, sachant qu’il s’agit du premier indicateur contribuant à drainer les entrepreneurs.
De prime abord, force est de constater les anomalies du secteur de la logistique. En effet, les aéroports et les ports ne sont pas adaptés aux activités exportatrices. Rappelons à titre d’information, que le port de Radés, principal port de commerce au pays assurant 79% du tonnage des marchandises conteneurisées, vit dans une situation de congestion qui empêche les acteurs économiques d’en tirer pleinement profit. Cette congestion n’est pas sans coût pour l’économie nationale : l’attente en rade des navires a fait perdre, rien que pour le mois d’avril 2018, 4 milliards de dollars.
Par ailleurs, on signale que le pays n’a pas une stratégie claire au niveau de l’export qui pourrait éclaircir au futur exportateur les étapes et les démarches à suivre. Ce flou est indéniablement accompagné par d’autres facteurs.
Réglementation et financement : chevaux de la bataille
Les indicateurs qui rendent l’environnement local des entreprises peu favorable sont notamment, une réglementation dépassée et des structures de financement non engagées.
L’Etat, admettons-le, n’assume pas une responsabilité qui est censée être la sienne, celle de la facilitation des procédures. A titre d’illustration, Tahar Denguezli, PDG de Land’Or pointe du doigt la difficulté à trouver un accompagnement financier pour les implantations commerciales en Afrique et la restriction qui fixe, selon les circulaires de la BCT, un plafond limité des budgets à octroyer. L’idée est confirmée par Ramzi Sandi, DG des laboratoires SAIPH-Société Arabe des industries pharmaceutiques qui indique que pour exporter vers la Côte d’Ivoire, le coût d’investissement a franchi la barre de 20 Millions d’euros alors que la BCT n’autorise que 1M d’euros.
Quant à Abdelaziz Makhloufi, fondateur et PDG de Cho group, il a mis l’accent sur le niveau du taux d’intérêt. «Les taxes payées en Tunisie sont cinq fois plus que celles imposées dans les pays européens, principaux concurrents du secteur de la production des huiles d’olives. », a-t-il regretté.
Il y a lieu de souligner par ailleurs, que chaque secteur a ses propres spécificités. L’absence des stratégies par filière a été évoquée par Ramzi Sandi qui témoigne avoir vécu une mauvaise expérience de dialogue public-privé étant donné qu’il opère dans un domaine autre que le secteur agricole.
Le ministre du Commerce, Omar Behi, ne dément pas : « L’Etat fournit des efforts pour venir à la rescousse des entreprises exportatrices. Cependant, les subventions ne sont octroyées qu’aux exportateurs des produits agricoles.»
Outre cette anarchie pénalisant l’activité d’export, l’étude a montré que la Tunisie ne bénéficie pas d’un branding autour du «Made in Tunisia». Abdelaziz Makhloufi a mis en exergue l’énergie déployée en vue de hisser sa marque d’huile d’olive au niveau actuel : 1ère au canada et 3ème en France. Les moyens pour y parvenir, selon ses propos, sont au nombre de deux. Il faut incontestablement mettre les clients en confort, et ce, en préparant un stock sur place pour délivrer dans les délais. Il est également essentiel de s’installer à proximité pour défendre sa marque et s’imprégner de la culture de la cible.
Mais des efforts s’engagent…
Bien que ce secteur soit marqué par des défaillances, l’Etat franchit quand même des pas remarquables en vue de les surmonter.
Le ministre a profité de l’occasion pour énumérer les actions menées en faveur des entreprises exportatrices. L’énergie déployée par l’Etat consiste tout d’abord à doubler le budget dédié aux subventions d’exportations pour passer de 40 millions de dinars en 2018, à 80 millions de dinars en 2019 et à 100 millions de dinars en 2020. En sus, à l’issue de la première réunion du Conseil supérieur d’exportation, une batterie de mesures a été entreprise. Le chantier de la digitalisation des procédures déjà en cours aura pour effet, entre autres, de lutter contre la corruption, dans la mesure où il fera éviter le contact entre l’administration et les opérateurs.
Il a également mis sous la lampe la stratégie adoptée pour grimper de 35 milliards de dinars d’exportations en 2017 à 50 milliards de dinars en 2020. Elle consiste à se concentrer davantage sur l’Afrique, et ce, en adhérant aux organisations régionales, à savoir le Marché commun de l’Afrique orientale et australe COMESA et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest CEDEAO. Notons qu’une deuxième réunion se tiendra cet été, signe de conscience de la gravité de la situation.