Designer pour des marques telles que Louis Vuitton, La Redoute, Vista Alegre, ou encore Hennessy, Sam Baron a été, pendant dix ans, le directeur créatif du département design de Fabrica, le centre international de recherche en communication basé en Italie. Il est diplômé de l’École des beaux-arts de Saint Etienne et de l’École nationale des arts décoratifs de Paris et vient de recevoir en 2019, le Prix Spécial du Salon PAD – Paris.
Et ce n’est pas sa première consécration. Il a reçu en 2009, le Grand Prix de la Création de la Ville de Paris dans la section Designer confirmé. Et il a été nommé en 2010 par Philipe Starck comme l’un des designers les plus importants de la décennie. Aujourd’hui, ce féru de design partage son temps entre le Portugal et la France où il a récemment pris part à la plateforme créative de Thinkers & Doers. Interview exclusive.
Ici ou ailleurs, comment revisitez-vous le traditionnel ?
Le traditionnel est avant tout une source d’inspiration pour un designer. C’est dire que pour dessiner des objets de demain, il nous faut être attentifs à ce qui existe déjà et ce qui nous entoure. Le fait de voyager et de rencontrer des cultures différentes nous offre la possibilité de poser notre regard sur des détails et habitudes différentes.
Cela permet également de reconnaître des similitudes telles qu’une anse de pichet ou de théière, un motif tressé en paille ou brodé sur tissus ; et tout cela fait partie de ce que l’on nomme les arts décoratifs, qui d’une manière académique sont définis comme l’embellissement de nos besoins quotidiens.
Parlez-nous de l’évolution du design au cours de ces dernières années ?
Le design se doit d’être en phase avec l’époque dans laquelle il est produit et devient aussi un vecteur de communication dans la société actuelle.
Les objets “signés” des années 70 ou 80 étaient presque conçus comme des sculptures. Nous sommes passé à des objets utiles et “visionnaires” qui doivent nous “servir”.
Demain les objets qui nous parleront ou plutôt dans lesquels nous nous reconnaîtrons seront ceux que nous aurons voulus, car les hauts et les bas de la prospérité de nos différentes sociétés nous font nous concentrer sur ce qui nous identifie.
Le design permet de se créer un environnement, un entourage d’objets utiles et aux “personnalités” différentes qui, associés à notre façon, nous ressemble. Par exemple, un pichet traditionnel peut cohabiter avec un plateau en métal contemporain sur lequel sont posés quelques verres à thé anciens différents.
Quelles sont les personnalités qui vous ont inspiré ?
Je dirai des gens divers par leurs styles et par leurs pratiques artistiques.
Je pourrais nommer par exemple le designer italien Andrea Branzi qui rend hommage à la nature et la place au centre de ses objets, nous “forçant” ainsi à la regarder autrement et à y faire attention. Il y a aussi Phillipe Starck qui a promu le métier de designer à une échelle globale et l’a rendu accessible en dessinant tout autant une brosse à dent, que des hôtels dans lesquels on vit des expériences locales et uniques, ou encore en créant une bibliothèque ambulante pour les personnes délocalisées dans les camps de migrants.
Je citerai aussi le street artist et graphiste eL Seed avec qui nous avons l’honneur et la chance de collaborer pour les États généraux des entreprises citoyennes à Essaouira, qui sait de façon unique donner à la calligraphie arabe une présence sculpturale et contemporaine assumée.
Vous considérez-vous un citoyen du monde ?
Oui, je pense que ma curiosité naturelle et mon envie de découvrir me permettent d’assumer cette qualification de citoyen du monde. J’ai travaillé pendant une décennie en Italie, à Fabrica qui est un centre de recherche en communication et design dans lequel nous sélectionnions et recevions des artistes et designers du monde entier. Cette opportunité de mettre autour d’une table les différents continents de notre planète pour créer des projets singuliers fut très enrichissante. Aujourd’hui, le “monde” nous est devenu accessible de façon digitale ou physique, mais c’est surtout la manière dont on le regarde et ce qui nous semble important de comprendre, de préserver et de chérir qui est primordiale. Que cela soit à 2 000 km de distance ou juste chez l’artisan dont l’atelier est au bout de notre rue.