Le financement de la petite entreprise, une thématique au cœur des préoccupations du gouvernement et des professionnels, qui a été débattue sous toutes ses coutures par d’éminents représentants des structures d’appui et des institutions de financement mais aussi par des entrepreneurs de la région.
La conférence, organisée par le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, avec l’appui du PNUD, du gouvernement nippon, de l’ODS et de la BTS dans le cadre du projet de renforcement de l’écosystème entrepreneurial dans le Sud tunisien, était l’occasion pour célébrer la Journée des micro- entreprises et des petites et moyennes entreprises. Partage d’expériences et propositions étaient à l’ordre du jour. De quoi élever à son plus haut niveau le débat si essentiel.
La conférence s’est tenue à Tozeur aux confins du désert au mois de juillet, en plein été. La chaleur n’a point fait se désister les organisateurs ni altéré leur détermination et leur enthousiasme. Fait significatif : cette démarche cohérente pour aborder la thématique du financement de la petite entreprise comme un levier de développement durable local.
Devant un parterre de plus de 100 personnes, Saida Ounissi, secrétaire d’Etat à la Formation professionnelle, a affirmé avec toute la force du terme qu’au niveau de l’Etat, le modèle de la fonction publique a atteint ses limites. Et pour bien marquer ce changement de cap et de modèle, elle a insisté sur le besoin d’aider les PME à accéder au financement et à installer leur projet. Cette impérieuse nécessité doit être au cœur de l’approche du développement durable.
Kabir Alaoui, représentant résident adjoint du PNUD, abonde dans le même sens. Il atteste que la Tunisie, qui avance à pas sérieux et sereins dans la voie de la transition économique et sociale, a les atouts nécessaires pour aller vers le développement durable.
Le focus de la conférence a porté sur la petite entreprise, celle employant entre 3 et 9 salariés. Partant du constat que cette dernière a fait preuve de résilience, notamment dans les zones les plus vulnérables, Saida Ounissi a affirmé non sans conviction que la micro et petite entreprise est le premier maillon de la chaîne économique.
D’où l’intérêt, si ce n’est la nécessité, d’une évaluation du cadre juridique et fiscal ainsi que des dispositions institutionnelles et des capacités humaines. Et pour cause, les 23000 entreprises dans cette catégorie emploient plus de 110 000 salariés. Indéniablement, la conférence vient consolider l’engagement du gouvernement tunisien dans le cadre du programme d’action d’Addis-Abeba de juillet 2015 incitant les gouvernements à réaliser « un développement durable dans ses trois dimensions, à savoir la croissance économique pour tous, la protection de l’environnement et l’inclusion sociale ».
La mise en œuvre ne s’est pas fait attendre en Tunisie. La stratégie nationale de promotion de l’initiative privée, développée par le secrétariat d’Etat à la Formation professionnelle et à l’initiative privée, en faisait l’écho tout en mettant d’emblée en avant la difficulté d’accès au financement bancaire pour les petites et moyennes entreprises ainsi que les difficultés administratives que rencontrent les investisseurs.
A cet égard, Mohamed Mounir Jaballah, chargé de la planification et des statistiques au sein de l’Office du développement du Sud, a rappelé que depuis sa création en 1984, son institution n’a pas épargné les efforts pour élaborer des stratégies de promotion de l’investissement privé au niveau national, sectoriel ou régional en concertation avec tous les acteurs. Il a exprimé sa reconnaissance au PNUD qui lui a permis d’engager des actions pilotes à l’échelle nationale et régionale.
Un financement plus adapté
A ce titre, Boutheina Ben Yaghlane, directrice générale de la Caisse des dépôts et consignations, a d’entrée de jeu mentionné que sa mission est principalement d’appuyer les politiques de l’Etat. « Nous sommes appelés à participer à des projets économiquement viables dans une optique de long terme. Nous agissons généralement dans des secteurs pas suffisamment couverts par des investisseurs privés, c’est notre rôle et notre côté démonstratif», a-t-elle avancé.
Elle a explicité les quatre axes d’intervention de la CDC, facilitant le financement de la micro, petite et moyenne entreprise. D’abord, une intervention directe dans la mesure où la Caisse a pris des participations dans 18 sociétés à la fois publiques et privées.
Ensuite, la CDC entre en lice indirectement à travers les lignes de financement. Et de spécifier : « Nous avons deux lignes de financement, dont une ligne budgétaire au profit des PME. Rien qu’en 2016 nous avons donné notre accord pour 23 projets dans les régions ». La deuxième catégorie d’intervention indirecte consiste à mettre en place l’infrastructure nécessaire au développement des PME.
«Nous avons aussi pour objectif en tant que caisse d’orienter et d’encourager le développement de filières, c’est ce qui explique notre participation dans l’actionnariat de Zitouna Tamkeen ». Le quatrième volet que Ben Yaghlane a évoqué, non sans fierté, est le programme d’appui à l’investissement. Fort convaincue que le problème des porteurs de projets est loin d’être uniquement une question de fonds ou une question d’accompagnement mais qu’il a plutôt trait au développement de tout un écosystème propice. La caisse a alors mis en place un réseau d’apporteurs d’affaires qui ont contribué à réaliser le sourcing nécessaire des projets permettant la création d’un programme d’incubation en partenariat avec l’APII.
A ce titre, elle a appelé de ses vœux à l’adresse de Mohamed Larbi Dabki, directeur à la direction générale du financement au ministère des Finances, la possibilité de créer un fonds de garantie pour soutenir la micro-entreprise. Incontestablement le concept développé par Zitouna Tamkeen, première institution de microfinance islamique en Tunisie, agit dans le sens de l’inclusion économique des populations défavorisées. Nabil Kasraoui, directeur central chargé des partenariats à Zitouna Tamkeen, explique que la capacitation économique — concept en parfaite synergie avec la thématique de la conférence — s’intéresse aux filières afin d’identifier les possibilités de création de valeur dans les différents éléments de la chaîne de valeur.
« Par la suite, nous développons le projet pour nos futurs bénéficiaires que nous ne connaissions pas jusque-là. C’est le projet de Zitouna Tamkeen et de ses partenaires. Une fois que nous avons réussi le montage du projet, nous allons recruter des bénéficiaires, pour qu’ils s’installent à leur propre compte », a expliqué Nabil Kasraoui.
Zitouna Tamkeen a tout, selon ses dires, d’une banque d’affaires mais pour les personnes défavorisées, elle a déjà signé un premier partenariat « hlib el khir » avec Délice Holding. Ce projet prévoit la formation et l’accompagnement de 3500 éleveurs, le financement de 2500 éleveurs et la création de 1250 microprojets dans l’élevage. Un deuxième partenariat vient d’être signé avec Iris Technology dans le domaine de l’apiculture.
Au Maroc la garantie est un réel levier de financement
La garantie, sujet de perpétuelles doléances des investisseurs tunisiens, serait a priori un levier de financement en faveur des PME au Maroc, si l’on en croit Taoufik Lahrach, secrétaire général à la Caisse centrale de garantie (CCG), créée depuis 1949 au Maroc. Avec énormément de pédagogie et sur un ton convaincant, il a commencé par expliquer aux porteurs de projets et experts présents que le crédit n’est pas un droit.
« Ce n’est pas parce que vous avez un business plan, un dossier, des simulations, que vous avez le droit au crédit », a-t-il lancé. Il poursuit son argumentaire pour dire que le crédit est une marque de confiance. « Quand une banque vous prête de l’argent, c’est dire qu’elle vous fait confiance pour utiliser l’argent de ses épargnants ».
A vrai dire, la garantie facilite cette confiance, c’est un levier puissant pour le crédit. Il explique que moyennant 100 unités monétaires, vous pouvez servir à travers un effet de levier 5 voire 6 ou 7 fois le montant initial une population en faisant le pari que sur les entreprises que la CCG va garantir et que les banques vont financer, le un dixième ne va pas être remboursé. Ces 10% de sinistralités seront supportés par le contribuable. « D’emblée, on part sur une logique de consommation des ressources publiques qui vont être mobilisées sous forme de dotation de garantie pour produire de la valeur ajoutée ».
Revenant de nouveau sur l’expérience marocaine, il dira que sur 1.4 milliard d’euros, des moteurs de calcul évaluent le risque à 10 millions d’euros qui sont déposés avant la production du premier accord de garantie. C’est une dotation a priori. Il précise également que le montant de la garantie dépend du profil de risque de l’investisseur qui est essentiellement fonction du cycle de vie de l’entreprise.
Plus l’investisseur s’éloigne de la phase de création, plus le risque s’estompe, indépendamment des secteurs. Pour Taoufik Lahrach, le succès de cette démarche tient également à la transparence de la procédure et à la digitalisation des process : « Aujourd’hui nous utilisons zéro papier », souligne-t-il. A titre de vulgarisation, il affirme que sur chaque dirham de dotation de garantie confié à la caisse, l’Etat récupère en impôts, en emplois et en flux actualisés 2,8.
En guise de conclusion, au-delà des enseignements que la secrétaire d’Etat s’est engagée à prendre en considération et à intégrer dans son plan d’action, les deux jours ont été un véritable hymne à la gloire de l’entrepreneuriat jusque dans sa plus simple expression. Ils ont constitué un temps fort pour un véritable plaidoyer au motif de faciliter l’accès au financement de la micro, petite et moyenne entreprise et permettre son intégration dans le secteur formel. Avec pour ultime finalité : promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable.
Vaste programme !