Par Mounir Zalila
Ceux qui, peut-être, n’en ont pas entendu parler vont certainement se questionner sur ce barbarisme linguistique en se demandant de quoi il s’agit.
Tentons donc une approche de l’explication et remontons le temps.
Il y a environ 160.000 ans l’homo sapiens commençait ses premiers pas sur la Terre. Il est devenu, après tout ce temps passé, ce que nous sommes maintenant à savoir “d’avides consommateurs de produits appelés à rendre la vie plus agréable et plus pratique”.
Seulement voilà, alors qu’au début des années 1800 la Terre abritait 1 milliard d’individus, elle en comptait trois milliards en 1960 laquelle population a doublé au début du siècle. Elle atteint aujourd’hui 7,4 milliards d’habitants et connait une progression arithmétique supérieure à 200.000 âmes quotidiennement.
Alors imaginons ces 7,4 milliards d’habitants vivant aujourd’hui sur cette Terre, devenir 8,2 milliards en 2030 et près de neuf milliards en 2050 qu’il faudra nourrir, habiller et soigner. Cela signifie une production de masse qui va nécessiter de plus en plus de ressources, de beaucoup plus de ressources à puiser de cette terre.
C’est à ce niveau que se situe tout le problème et toute la difficulté qui pointent.
Durant toutes ces années passées nous avons continué à exploiter les ressources de la Terre sans penser, ou alors très peu, à leur possible réutilisation. Ceci nous a amenés face à un problème potentiel: à ce rythme un jour viendra où nous aurons à faire face à une pénurie de ressources avant que la plupart d’entre nous n’aient eu le temps de le réaliser.
L’autre préoccupation se situe dans le traitement des déchets car la majorité des entreprises travaillent encore selon le système industriel que nous connaissons: Prendre-produire-jeter.
Bien que conçus avec soin les produits sont jetés à un rythme sans cesse croissant et à une vitesse bien plus supérieure qu’auparavant.
Il y a là un besoin clair et net de réagir face à ces problèmes; en attirant, de plus en plus, l’attention de la plupart des fabricants et des consommateurs.
Deux stratégies peuvent alors être indiquées:
la première est la stratégie qui consiste à minimiser: utiliser de moins en moins de matières, utiliser de moins en moins d’énergie grâce à l’efficacité des nouvelles technologies.
Hélas cette stratégie ne fera que retarder l’échéance de la pénurie de ressources car malgré la réduction de leur exploitation la population mondiale, elle, continuera d’augmenter et, avec elle, le volume de la demande en produits de consommation.
Cette approche est connue par son cycle consistant à “Réduire-Réutiliser-Recycler”. C’est le propre de l’économie circulaire!
Même si c’est là un bon début, cela demeure “être moins mauvais” qu’auparavant !
La seconde stratégie est celle qui consiste à “Repenser la façon dont on produit et utilise les matières positivement”.
Ce n’est plus alors être moins mauvais, comme adopté par la stratégie précédente, mais devenir meilleur et 100% BON !
C’est pousser le recyclage à son extrême selon la vision “Déchets = intrants” ou “Déchets = Nutriments”.
C’est ce que l’architecte américain William McDonough et le chimiste allemand Pr. Michael Braungart ont préconisé en cofondant le concept de “Cradle-to-Cradle”, C2C, littéralement, en français “du berceau au berceau”.
Ainsi si l’on a bien commencé avec la réduction de la consommation de matériaux et en minimisant l’énergie utilisée dans la vie d’un produit, le C2C pour sa part :
- maintient toutes les matières en cycle fermé ;
- stimule uniquement l’utilisation de l’énergie renouvelable ;
- célèbre la diversité ;
Cela nécessite alors une approche d’éco-conception tout à fait différente.
Le design ou la conception d’un produit peut être optimisé au niveau de ses fonctionnalités, de son esthétique et de sa qualité pour répondre aux besoins et exigences du consommateur.
Mais, de plus, le design devrait également s’attacher, dès la première conception, à connaître comment désassembler le produit et comment les composants et matières utilisés peuvent avoir de la valeur pour la nature ou pour être réutilisées dans la conception de nouveaux produits.
Avec le “Cradle-to-Cradle” chaque partie de produit est alors conçue, au tout début, avec l’intention d’être retournée soit dans un cycle technique: Produire-Utiliser-Retourner-Désassembler-Produire, soit dans un cycle biologique: Production-Utilisation-Décomposition-Nutriments biologiques
Cela revient à imaginer, dès le départ, que l’on n’utilise plus de matières mais, qu’à la place, on les emprunte pour les réutiliser dans une boucle fermée !
Alors finis les déchets qui n’existeraient plus et tout intrant devient ainsi réutilisable à l’infini !
Pour ce faire le “Cradle-to-cradle” s’intéresse également à deux importants aspects qui s’intègrent dans le processus :
1.
Stimuler uniquement l’utilisation d’énergie renouvelable, car il importe de savoir que le soleil irradie chaque jour plus d’énergie que le monde n’en a utilisée depuis que le temps a commencé. N’utiliser que l’énergie renouvelable signifie qu’on peut l’utiliser indéfiniment.
2.
Célébrer la diversité.
En regardant autour de nous, en regardant la nature nous avons le meilleur exemple de ce qu’est la diversité !
En effet la flore et la faune s’adaptent aux situations locales et exploitent au mieux les ressources du lieu et du moment. Plus la diversité fonctionnelle des espèces était importante plus l’écosystème était productif et résilient face aux perturbations.
Une leçon de la nature qui devrait inspirer les producteurs!
Une telle démarche participe à la réduction des coûts et ajoute de la valeur dont vont bénéficier à la fois les producteurs et les consommateurs et c’est cette façon de faire qui, revisitée, va permettre à nos enfants et aux enfants de nos enfants de profiter des mêmes qualités de vie, voire meilleure.
Un tee-shirt, un jean confectionnés 100 % bio-dégradables éco conçus à partir de coton 100 % bio et des colorants naturels ? Une chaussure exclusivement composée de produits naturels transformée en compost ?
Fallait y penser!
Il existe même aujourd’hui un label déposé, le Cradle to Cradle (C2C).
Ainsi de 2005 à 2015, aux États-Unis, en Allemagne et en Hollande, près de 150 industriels, pour environ 2000 produits manufacturés ont obtenu la certification C2C (jeans, meubles de bureau, savon, matériaux de construction…).
Mieux encore une ville aux Pays Bas, Venlo, a entrepris, voilà quelques années, de devenir entièrement “Cradle to Cradle” et la tendance s’est répandu à travers tout le pays au point que la Hollande parle de devenir 100 % “Cradle to Cradle” en 2020.
Toutefois le chemin à parcourir reste encore long pour arriver à une industrie 100% propre et à un monde 100% recyclable… indéfiniment. Le passage semble inéluctable si l’on veut préserver les ressources de cette terre afin qu’elle soit en mesure de nourrir ceux qui l’habitent aujourd’hui et d’accueillir, dans les meilleures conditions, ceux qui y vivront demain..
Rappelons-nous ce proverbe africain, cité en 1939 par Antoine de Saint Exupéry dans Terre des Hommes :
Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants !
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