UTICA academy
Par Sahar Mechri
Paroles de la Banque Mondiale : 64.7% des entreprises estiment en 2013 que l’accès au financement est le principal obstacle contre 31.6% pour le Maroc. C’est dire l’acuité de la situation. Le débat sur le financement de l’entreprise et l’investissement reste le sujet d’actualité. C’est autour de ce thème que l’UTICA Academy a organisé une conférence en présence de banquiers et de décideurs économiques, présidée par Ouided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA.
D’entrée de jeu, Ahmed Karam, DG d’Amen Bank et président de l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) avec son franc parler habituel a indiqué les prérequis nécessaires pour faire germer un développement durable.
Il s’agit d’abord d’une administration forte et d’entreprises d’envergure internationale. Il a insisté à cet égard sur l’importance de la transparence et la bonne gouvernance qui sont un élément déterminant dans l’octroi de crédits. Il a précisé, à cet effet, l’importance d’une agence de notation produisant une information fiable, indispensable pour sécuriser les banquiers et qui réduirait les délais de traitement des dossiers dans les banques. Il a également mentionné la nécessité que les banques soient capables de mobiliser des capitaux importants en Tunisie et à l’extérieur.
Le président de l’APTBEF a fait son mea culpa avouant que les banques tunisiennes ont échoué à être présentes à l’étranger quand bien même elles développent des mécanismes permettant d’accompagner les entreprises tunisiennes à l’étranger. Il a cité alors le groupe AMEN qui a racheté une compagnie de leasing panafricaine existante dans neuf pays africains. Enfin, Ahmed Karam a insisté sur les avantages de l’inclusion financière.
Et de préciser : « Nous ne voulons laisser de côté aucune tranche de la population. A ce titre, Amen Bank a créé un crédit syndiqué de 111 millions de dinars avec la participation de 13 banques tunisiennes pour donner un financement substantiel à Enda. Nous faisons indirectement de la microfinance».
Long chemin pour l’inclusion financière
L’inclusion financière était , comme on s’y attendait, au coeur du débat. Une étude de l’IACE sur l’inclusion financière présentée par Majdi Hassen, directeur exécutif de l’IACE et Sami Mouley, professeur universitaire, a été effectuée au deuxième semestre de 2016 couvrant tout le territoire.
Des indicateurs composites d’inclusion financière à l’échelle nationale et régionale ont été établis en fonction de la pénétration bancaire, de l’usage des services bancaires ainsi que de la disponibilité de services financiers. Au niveau régional, c’est le gouvernorat de Ben Arous qui arrive en tête du peloton avec un indice de 0,44 suivi de Tunis scorée à 0,43 tandis que le gouvernorat de Kasserine, qui ferme la marche avec un indice de 0,193, est le plus exclu financièrement.
À noter que l’inclusion est moyenne voire modérée au nord-est et au centre-est, et elle est faible sur tout le reste du territoire. L’étude a également confirmé le fait que l’inclusion financière réduit la pauvreté et que les régions les plus attractives sont celles les moins exclues.
Qu’en est-il du financement de la PME ?
Lors de cette matinée, Slim Feriani fraîchement nommé à la tête de la BFPME a présenté les mécanismes d’intervention de son institution ainsi que les pistes d’amélioration sur lesquelles il a déjà commencé à s’investir. Il a précisé que la BFPME est dotée d’un capital social de 100 millions DT dont 60% sont détenus par l’Etat et qu’elle finance la création et l’extension des PME. « Sur les douze années d’existence de la banque nous avons financé à hauteur de 80% la création de projets », précise-t-il.
Outre le fait que la BFPME n’exige pas des promoteurs des garanties externes, à part la couverture de la SOTUGAR ( Société tunisienne de garantie), elle finance toutes les activités à l’exception du tourisme et de la promotion immobilière. Elle est présente dans tous les gouvernorats. Et d’insister « Nous sommes déjà une banque des régions :
44 % des projets approuvés sont implantés à l’intérieur du pays et 55 % des crédits sont octroyés à des projets implantés dans les zones de développement régional ». Les entrepreneurs ont également la possibilité d’être accompagnés pendant tout le cycle de vie de leur projet : de l’étude à la réalisation en passant par l’évaluation et le financement, a mentionné Slim Feriani.
Celui-ci a fait l’éloge du capital humain de la banque. «Nous ne sommes que 123 personnes mais nous disposons d’une expertise confirmée dans l’évaluation des projets et dans l’accompagnement des promoteurs dans les différentes phases de création », souligne-t-il. Non sans fierté, il a indiqué que la banque dispose d’un système de notation interne évaluant tous les facteurs de risques et qui englobe une note du promoteur- s’il s’agit de Création ou de la Société dans le cas d’une extension, ainsi qu’une note du projet et une autre de la garantie.
Slim Feriani a déploré le fait que 1000 projets qui auraient pu générer 20 000 emplois n’ont pas été réalisés en raison d’un défaut de cofinancement. Les banques commerciales partenaires ont estimé que les projets étaient trop risqués au vu de la prime de risque affectée. Au niveau organisationnel, il estime que l’organigramme actuel qui date de 2009, n’est plus adapté aux exigences modernes des métiers et qu’il peut occasionner une multiplicité des intervenants au détriment de l’efficacité.
En toute lucidité, Slim Feriani a reconnu que la banque n’est pas au bout de ses peines et qu’elle a encore du pain sur la planche pour redorer son image, notamment en matière de délais. Il s’est engagé à recruter et à renforcer l’équipe pour pouvoir traiter les dossiers dans des délais raisonnables.
Vastes chantiers pour faire face à des défis gigantesques !