Votre internet doit-il être neutre ? Attention : la réponse peut bouleverser l’économie mondiale. Neutralité du net, c’est le thème d’un workshop organisé par L’Instance Nationale des Télécommunications (INT) et réhaussé par la présence de Hichem Besbes, directeur général du régulateur et Habib Debbabi, Secrétaire d’État de l’Économie numérique.
“Les services de Viber et Skype seront bloqués sur les réseaux mobile en Tunisie dès octobre prochain.” C’était l’objet de nombreux articles parus en septembre 2014. Fort heureusement, il ne s’agissait que d’une rumeur rapidement démentie par les opérateurs de la place. Le régulateur des télécoms a même publié à l’occasion un communiqué, rassurant le public que “l’INT veille à ce que les opérateurs de télécommunications respectent impérativement les conditions stipulées dans les conventions de licences et surtout en ce qui concerne la neutralité du net”.
Neutralité du net ?
Le principe de la neutralité du net est simple : toutes les données acheminées via le réseau doivent être traitées sans discrimination aucune. Ainsi, les opérateurs et les fournisseurs d’accès n’ont pas le droit de favoriser/défavoriser l’accès à un site en dépit/au profit d’un autre.
Le blocage des services de la Voix par IP ou VoIP (tel que Skype et Viber) est donc contraire à cette règle. D’où l’intervention de l’INT.
Mais il n’y a pas que les services du VoIP. Les applications sur internet ne cessent de se multiplier avec l’apparition de nombreux services dont certains très gourmands en bande passante, tel que Facebook et YouTube. Avec une concurrence acharnée et des utilisateurs de plus en plus exigeants, les opérateurs se trouvent dans l’obligation de multiplier les investissements dans l’infrastructure. Ils demandent des mécanismes obligeant ces services, dits Over The Top ou OTT, de payer leur contribution ou de limiter l’accès des consommateurs.
To neutralité or not to neutralité ?
“Nous sommes pour la neutralité du net et nous ne laisserons pas les opérateurs bloquer ou brider l’accès à certaines applications”, a déclaré Hichem Besbes, Pdg de l’INT. “Nous voulons expliquer aux opérateurs qu’ils sont en train de vendre de la data aux consommateurs. Et la data ne se limite plus à la consultation des sites web. Internet est aujourd’hui composée de plusieurs services”.
Pour Habib Debbabi, Secrétaire d’État de l’économie numérique, la règle est simple: “mêmes services, mêmes règles”. Si une application permet aux utilisateurs de passer des appels, alors elle doit respecter les mêmes règles que les opérateurs téléphoniques.
“Si par neutralité de l’internet on parle du droit d’accès au réseau et l’information, ceci est déjà garanti par la Constitution, dans son 32ème article. Mais si par cette neutralité on entend l’utilisation ‘gratuite’ de l’infrastructure par des tiers, nous sommes contre ces pratiques qui n’ont rien à voir avec la neutralité”, a précisé Debbabi au micro du Manager.
Le net est-il neutre en Tunisie ?
Sur le plan réglementaire, la Tunisie dispose d’un cadre légal en faveur de la neutralité du net. Il s’agit de l’article 26 du code des télécommunications.
L’INT a également instauré plusieurs règles afin de s’assurer du respect de cette neutralité du réseau. Ainsi, le fournisseur doit livrer au moins 80% du débit annoncé à ses clients. Le régulateur a par la même occasion mis en place des seuils pour la latence du réseau afin de garantir la non-dégradation de la qualité et, surtout, la non-priorisation du trafic.
Dans la pratique, en revanche, la neutralité est relativement appliquée : l’INT a pu détecter plusieurs dépassements de la part des FSI.
Parmi les pratiques détectées par l’Instance : diminution des débits par plages horaires, bridage ciblé des flux vidéos, ou encore injection de parasites dans les paquets du protocole RTP pour la dégradation de la qualité des communications sur VoIP (Skype, Viber, …) !
Plan d’action de l’INT
Pour encore plus d’efficacité dans son rôle de régulateur, l’INT lancera plusieurs projets durant l’année 2017. Un système permettant de mesurer la qualité des services du réseau fixe sera disponible à partir du mois de juillet. Il sera accompagné d’une application mobile permettant aux utilisateurs de sonder la qualité de leur réseau. Ce projet devrait créer 500 nouveaux postes.
La régulation devrait elle aussi être mise à jour. Des services nationaux tels que la santé et l’éducation pourraient ainsi profiter, exceptionnellement, du zero-rating (gratuité de la data consommée).