Une bonne table est un vrai moment d’évasion. Des hôtes professionnels se sont confiés à nous pour qu’ils nous fassent découvrir leur art. Deux figures emblématiques de la gastronomie tunisienne nous font pénétrer dans leur monde et nous dévoilent les plaisirs et les exigences de leur métier.
La Gastronomie, cet art qui tient ses racines de l’expression « faire bonne chère » renvoie à des savoir-faire multiples de l’accueil aux habiletés culinaires. Il s’agit aussi de savoir coordonner des harmonies non seulement gustatives, mais aussi visuelles et olfactives en mariant les mets et les boissons d’accompagnement. Mais encore, de veiller à la qualité du service, d’oser innover et créer des tendances et des modes même éphémères … pour en faire des plats d’exception revisités. La gastronomie est également considérée comme une culture qui se réfère à un lieu, à une histoire, à des rituels, à des liens sociaux, au partage, à l’ouverture sur l’autre et sur l’ailleurs. En effet, la gastronomie se réfère aux règles et à une charte qui diffèrent d’un pays à un autre, selon les régions et selon les époques. Elle est le reflet d’une civilisation, d’une éducation, des traditions, des valeurs, des savoirs …, en un mot, d’une Histoire !
La gastronomie raffinée de Luxe : une exigence sans faille !
Une question qui se pose d’elle-même : Peut-on parler de haute gastronomie en Tunisie ? OUI, c’est possible ! À la lumière des différentes facettes de la gastronomie, il est évident que la Tunisie possède sa propre gastronomie et une richesse culinaire incontestable, à travers d’innombrables recettes variées, riches, appétissantes, élaborées, innovantes, évolutives, etc. Mais qu’en est-il, alors, de la haute gastronomie ? Selon Nebil Sinaoui, pour parler de haute gastronomie, il faut d’abord une bonne qualité des matières premières et un bon niveau technique des chefs cuisiniers, devenus aujourd’hui artistes, innovateurs et créateurs.
Il citera, de surcroît, une évolution dans la gastronomie : le changement des codes. La vision traditionnelle a longtemps stipulé l’utilisation d’un certain « dress code », pour les tables des restaurants gastronomiques avec des chefs étoilés, où l’on retrouve d’élégantes nappes, des verres en cristal transparents, de la porcelaine blanche, des couverts en argent. Désormais, la table s’habille d’un style épuré répondant aux standards du luxe des temps modernes.
Pour illustrer ces propos, une référence en Tunisie qui se doit d’être citée est le restaurant gastronomique “L’ASTRAGALE”. Plus qu’un restaurant, une enseigne qui respecte les codes de la haute gastronomie et qui maîtrise la vraie hôtellerie. C’est un lieu, où l’on y jouit d’une expérience alliant service, qualité et esthétisme des plats, il devient une « parenthèse enchantée ». Son gérant, Riadh Boussena, ne cesse de revendiquer le caractère classique de leur établissement, où les convives sont invités à déguster « lentement » des recettes raffinées pour faire durer le plaisir.
L’expérience de “SIGNATURE TRAITEUR” met en relief l’importance du capital humain dans ce secteur. Son fondateur Nebil Sinaoui a investi dans la formation et le know-how et il a misé sur le haut de gamme en recrutant un chef français qui a été étoilé dans les années 90. Celui-ci a travaillé pendant 18 ans chez le meilleur traiteur – bicentenaire since 1889- en Europe. Toujours selon Nebil Sinaoui : « Il faut arrêter de parler d’indisponibilité de la main d’œuvre car les entrepreneurs devraient investir dans la formation : formation continue, technique, culinaire, gastronomique pour le service ». Ce dernier estime qu’il se différencie en ayant recours à des matières premières locales et étrangères de très grande qualité. Il ne lésine pas non plus sur les efforts pour mettre en valeur les produits et pour les présenter d’une manière originale. Soucieux des détails de présentation de ces mets, “SIGNATURE TRAITEUR” a ainsi développé une charte couleur pour les serviettes en choisissant la couleur noire, signe de sobriété et de raffinement ; serviettes que l’entreprise a dû importer de l’étranger vu son indisponibilité en Tunisie.
Au diapason des dernières nouveautés et face à la révolution qui a eu lieu par les chefs, spécialement les chefs français et européens, Nebil Sinaoui ne cesse de faire rêver au-delà des attentes des clients, en l’occurrence à travers la fusion des cuisines, etc… « Innover en continu dans les recettes, suivre les dernières tendances technologiques dans le management interne de l’équipe du travail : innovation de produit + service + procédé. »
Un potentiel sur fond de patrimoine
Le secteur de la gastronomie demeure un secteur à fort potentiel dans un pays qui dispose de consommateurs à la quête des services avec les standards du Luxe. Il n’en reste pas moins que le potentiel est encore énorme. En effet, le marché est vierge où il y a tout à faire et où la demande existe selon Nebil Sinaoui. Il faudrait mettre en avant et valoriser notre culture, nos plats et nos mets tunisiens. Nos régions offrent une cuisine riche et des préparations diversifiées. Nous avons, à titre d’exemple, une trentaine de recettes de couscous. Des matières premières au goût très savoureux sont aussi au bénéfice de la cuisine tunisienne.
Des interrogations valent alors le détour : verra-t-on un jour des concours pour nommer des chefs étoilés tunisiens ? Comment les chefs peuvent être reconnus et devenir étoilés ? Quels organismes peuvent être mis en place pour octroyer des labels ?
Un RÊVE surgit, celui de voir un jour la gastronomie tunisienne reconnue en tant que patrimoine à l’UNESCO représentant ainsi la cuisine du terroir si riche et savoureuse.