Le nombre de projets bloqués en Tunisie est estimé à plus de 439 projets. Leur coût est estimé à 1 122 million de dinars, selon des données publiées par le m
inistère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale. Les raisons à l’origine de l’échec de la mise en œuvre de projets étaient au cœur de la discussion entre les panélistes du webinar organisé par l’Institut de Project Management (PMI Tunisie), le 5 décembre 2020, dans le cadre des journées virtuelles du Project Management en Tunisie 2020.
Des études ont déjà montré qu’entre 2/3 et 3/4 des grandes entreprises ont du mal à mettre en œuvre leur stratégie selon Nazir Lajdel, VP Finance à PMI Tunisie, ce qui rend le sujet très crucial aujourd’hui.
Les défis de mise en œuvre des stratégies sont multiples. D’entrée de jeu, Lobna Jeribi, ancienne Ministre auprès du Chef du Gouvernement responsable des grands projets nationaux et fondatrice de Solidar, Tunisie a évoqué les problèmes de coordination entre les différents acteurs des projets à la fois au niveau vertical et horizontal. Un cas très récurrent entre l’administration centrale, au niveau régional et interdépartemental.
Les institutions qui ont été dédiées à la gestion des projets comme les PMO manquent d’efficacité et d’efficience pour implémenter la stratégie par rapport à l’accélération des projets. En outre, Skander Naija, DG AMI Assurances, a déclaré que celles-ci sont nécessaires et doivent avoir les moyens de leurs ambitions. Il a insisté que ces entités doivent être proches du top management et assurer la gouvernance de ces projets ainsi que la prédiction des problèmes qui peuvent émerger.
Par ailleurs, les panélistes affirment qu’il y a un manque d’outil de monitoring et de reporting dotés d’indicateurs concrets et mesurables tout au long de la vie des projets de développement et de transformation. Les acteurs, les décideurs et les bénéficiaires n’ont pas un accès facile aux informations sur le mapping des projets, sur les taux d’avancement, le listing des obstacles, … La faible accessibilité des données aux différents acteurs résulte dans la complexité de l’accélération des projets. Par ailleurs, l’analyse des acteurs, leur croyance et leur organisation est primordiale. Selon Ouissem Ghorbel, fondateur de Matine Consulting, cette analyse permet de capter les problèmes afférents au changement et une certaine croyance que les habitudes actuelles sont les meilleures.
Toute transformation stratégique nécessite des ressources et des outils supplémentaires. Les personnes qui conçoivent les stratégies peuvent négliger l’implémentation de ces moyens. En Tunisie, le manque de ressources humaines présente un grand obstacle.
Il est impératif d’intégrer toutes les parties prenantes dans la conception de stratégie et les associer à la discussion autour d’elles ce qui la rend plus réalisable, a insisté Jeribi. Ces tactiques aident à ancrer les stratégies de changement et à avoir des agents qui mènent les mêmes valeurs de top management pour éviter les décisions projetées.
D’un point de vue de politique publique, Jeribi affirme que les partenaires internationaux sont des acteurs majeurs. Leur assistance technique n’arrive pas à venir à bout des difficultés de mise en œuvre de l’administration et à activer la synergie nécessaire entre l’ensemble des acteurs. D’un autre côté, l’instabilité politique aggrave l’absence de capitalisation et empêche la continuité dans les projets de développement, de réforme et de transformation.
On doit changer et innover même si la stratégie actuelle est fonctionnelle parce que le monde innove toujours, ce qui demande parfois de se positionner autrement, indique Naija. Les projets sont faits pour l’innovation et le changement, or c’est de l’opérationnel qui est mis sous forme de projet pour faire vite. En revanche, les risques, l’échec et les difficultés font partie du changement.
Quid des solutions ?
Les panélistes ont proposé la mise en place, dans ce contexte changeant, d’outils de gouvernance et de management adaptés et agiles dans le cadre de politique publique. En effet, il faut impliquer les parties prenantes dont la société civile et le secteur privé, pas seulement au planning mais tout au long du cycle de vie des projets.
Pour eux, il est extrêmement important d’assurer l’intérêt de ces parties prenantes afin de “construire un rêve commun et inclusif”. Ghorbel a donné l’exemple de la STB. La banque était la 6ème ou 7ème au terme du PIB. Avec son équipe, ils ont visé le top 3 des banques. Et aujourd’hui, elle a pu monter sur le podium. Le travail a été d’analyser les freins et de recréer un environnement de confiance.
Une deuxième recommandation a concerné les responsables de la gestion des projets. Ceux-ci doivent être assurés par des professionnels de project management dans des cellules de PMO (Project Management Office) dont le rôle est de contrôler et de suivre. Les PMO sont de plus en plus attirés par le secteur privé, public et même associatif. Ils assurent la coordination entre les projets et la veille sur les stratégies. C’est une entité clé pour le programme de la transformation et l’organisation des parties prenantes afin d’assurer leur contribution dans les projets.
Les journées virtuelles de Project Management en Tunisie 2020 se sont tenues du 21 novembre au 5 décembre 2020, sous le thème « Gestion de projet dans un monde en mutation ». Organisées par l’Institut de Project Management, elles ont offert tout au long des deux semaines 15 sessions, traitant de multiples sujets comme l’agilité, l’innovation, la stratégie et le leadership. Les participants ont eu l’opportunité de faire du networking, d’améliorer leurs connaissances techniques en project management grâce à l’expertise des intervenants et gagner des prix en participant à des quizzes.