Une agriculture permanente, durable, respectueuse de l’environnement et en harmonie avec l’écosystème naturel, c’est ce qu’on désigne par le terme “Permaculture”. Ce concept proposé par Mollison en 1978 est synonyme de “permanent-culture”. Il signifie tout simplement une ” Agriculture Naturelle” selon les mots de Masanobu Fukuoka, un philosophe et agriculteur japonais.
La permaculture se présente comme une science, ou encore une philosophie comme préfère la définir Bill Mollison (1988) “La permaculture est une philosophie de travail avec la nature plutôt que contre elle”.
Elle se repose sur une éthique, des principes, des stratégies et des techniques d’application. En associant des méthodes culturales à l’esprit de l’écosystème naturel, la permaculture se veut un ensemble cohérent d’agrosystèmes productifs.
Ses principes sous-jacents sont un respect de la biodiversité, du patrimoine génétique des écosystèmes, collecte et gestion de l’eau, agroforesterie, association de cultures, une mécanisation réduite au minimum, absence d’intrants chimiques, fertilité naturelle du sol, optimisation de l’espace, etc.
La permaculture a été conçue pour remédier aux dégâts des modèles agricoles industrialisés et pour atténuer les dommages causés par des décennies d’exploitation débridée. Conscients des conséquences ravageuses de l’agriculture mécanisée et chimique, plusieurs acteurs issus, principalement des pays développés, ont fait le choix de se tourner vers la permaculture. De nombreuses associations, institutions et centres de permaculture ont ainsi vu le jour. Des initiatives et des programmes ont été lancés dans le but de sensibiliser et d’éduquer les populations autour des principes et pratiques de la permaculture.
Ce “mouvement” a abouti à l’émergence des législations et des cadres règlementaires partout en Europe. Par exemple en France, une loi a été adoptée en 2020 permettant l’échange des semences paysannes entre les agriculteurs.
Paradoxalement, les pays en voie de développement continuent à défendre un modèle agricole qui a déjà montré ses limites dans les pays qui l’ont initialement créé. Par dépendance, ou par faiblesse, nous continuons à nuire à nos économies, à faire du mal à nos terres et à compromettre l’avenir des générations futures.
La permaculture en Tunisie, où en est-on ?
La permaculture est très peu connue en Tunisie. Nous recensons un nombre très limité d’exploitations permacoles. Nous remarquons également l’absence de structures dédiées au développement de la permaculture. À l’exception de l’Association de Permaculture, qui fait comme elle peut pour promouvoir les pratiques permacoles, nous n’avons pas encore un écosystème pour la permaculture tels que les centres, les collectifs, les institutions, les syndicats, des coopératives, etc.
Toutefois, l’État continue à encourager l’agriculture biologique de “luxe”. Une bio industrielle, destinée prioritairement à l’export qui se fait au détriment de la petite paysannerie et exerce une pression sur les ressources naturelles. Le choix de l’agriculture bio s’inscrit dans le cadre d’une politique agricole exportatrice et exclusive dont les conséquences sur l’économie nationale et sur les ressources naturelles sont déviatrices.
Les choix et les orientations de la Tunisie ont été faits depuis les années 2000 (la première loi pour l’agriculture bio date de 1999) au profit d’une agriculture bio. La Tunisie occupe la première place en Afrique en termes de surfaces consacrées aux exploitations bio (336000 hectares de terre bio en 2018 selon la direction de l’agriculture biologique). Un système agricole basé sur la monoculture (absence de cultures variées au sein de la même parcelle) et totalement dépendant de l’irrigation en eau. Son seul objectif est d’atteindre une productivité maximale qui répond aux certifications et aux normes « bio » imposées par le marché européen.
L’absence d’une volonté et d’une stratégie nationale représente un handicap majeur face au développement de la permaculture en Tunisie. Il est primordial à ce qu’une prise de conscience nationale ait lieu sur les vertus et les bienfaits économiques et écologiques de la permaculture en tant qu’une approche alternative.
Quelques recommandations
Il est important de démocratiser la permaculture en Tunisie. Pour ce faire, il faudra mettre en place une politique nationale où gouvernement, agriculteurs et société civile joueront un rôle fédérateur à travers:
- L’ajustement de la politique agricole actuelle (par exemple, la conversion des surfaces bio en surfaces permacoles).
- Des campagnes de sensibilisation autour des principes et pratiques de la permaculture.
- Des systèmes de formation en permaculture. Des cours doivent être dispensés dans les établissements d’enseignement (par exemple, introduction de la permaculture dans les cursus).
- La création d’un Institut de Permaculture comme c’est le cas dans plusieurs pays.
- Les exploitations existantes et les exploitations pilotes doivent recevoir les jeunes pour des ateliers d’initiation à la permaculture (permaculture appliquée).
- La création de centres urbains pour la permaculture (périurbain).
- Des systèmes de subventions et d’aide financière (crédits à taux zéro,…) foncière (attribution de petites surfaces et des micro-fermes) doivent être mis en place au profit des entrepreneurs en permaculture.
- Des initiatives et des programmes d’appui pour accompagner les permaculteurs dans leurs projets.
Pour conclure, la permaculture pourrait être une voie pour une agriculture responsable et inclusive. C’est une approche qui joint le bien-être humain au bien-être naturel. Comme le souligne Ferguson (2012) “La Permaculture c’est répondre aux besoins humains tout en améliorant la santé de l’écosystème ».