Bien qu’on associe généralement l’Afrique à la sécheresse et aux zones arides, le continent est riche en ressources maritimes. La mer contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 200 millions d’Africains et procure des revenus à plus de 10 millions de personnes. En outre, l’industrie maritime africaine est estimée à environ 1 milliard de dollars par an et 90% des échanges commerciaux des pays africains transitent par la mer.
Et pourtant, l’Afrique n’est pas en train de protéger comme il se doit ses ressources maritimes, a noté Leila Ben Hassen, directrice générale de l’Africain Blue Economy Forum (ABEF). Les 2 millions de tonnes de déchets jetés dans l’océan chaque année en est, selon l’experte, la preuve. “Paradoxalement, ce sont parfois les secteurs qui profitent le plus de la mer qui sont parmi les plus grands pollueurs”, a indiqué Ben Hassen. Le tourisme, notamment de croisière, la pêche et l’extraction offshore du pétrole et du gaz en sont de parfaits exemples.
La sensibilisation quant à l’importance de protéger les ressources maritimes et les opportunités que ces dernières offrent font donc partie des principaux objectifs du forum sur l’économie bleue.
“Lors de la préparation de la première édition à Londres, nous avons constaté que le concept de l’économie bleue était mal compris voire méconnu”, a reconnu Ben Hassen. “Il s’agit d’utiliser les ressources maritimes de manière durable afin de protéger l’environnement et l’écosystème marin tout en ayant un impact économique tel que la création d’emplois, et social tel que la lutte contre la pauvreté”, a-t-elle expliqué. Et d’ajouter: “Elle englobe, entre autres, la lutte contre la surexploitation de la mer, et ce, en faisant respecter les quotas et les espaces préservés ainsi que les périodes de pêche …”. La disponibilité et la gestion des informations jouent elles aussi un rôle important pour l’adoption d’une économie durable.
L’étendue de l’économie bleue est de ce fait ample. Dans la pêche, par exemple, elle touche aussi bien l’infrastructure portuaire que l’industrie de la construction des bateaux, la logistique, la protection des pêcheurs, etc. Des activités comme les plateformes offshore, les mines sous-marines, les produits cosmétiques issus des algues font aussi partie de l’économie bleue. Le tourisme aussi. Ce dernier joue un rôle important dans l’économie mondiale et sa contribution à l’économie de la Méditerranée s’élève à plus de 11% du PIB, selon l’experte !
“À Londres, les experts ont étalé une liste de recommandations visant à accélérer le développement de l’économie bleue en Afrique,” a expliqué Ben Hassen. “C’est d’ailleurs sur la base de ces recommandations que nous avons mis en place le programme de l’édition 2019”, a-t-elle indiqué. Si Tunis abrite cette année la deuxième édition de l’ABEF, c’est en quelque sorte pour essayer de trouver les moyens et les outils nécessaires à la concrétisation des recommandations de la première édition, notamment par l’investissement et les partenariats.
Surfer sur la vague de l’économie bleue
Le taux de sécurité maritime en Afrique ne dépasse malheureusement pas 1%. “Le manque de conscience et la corruption font que le non-respect des normes de la sécurité maritime pourrait entraîner de graves conséquences non seulement sur les populations mais aussi sur les équilibres écologiques des océans”, a indiqué Ben Hassen.
Ainsi, il est important de mettre en place un cadre juridique très strict pour protéger les ressources maritimes africaines et lutter contre la pêche illégale, non reportée et non réglementée. Sur ce volet, les gouvernements africains, qui seront représentés par de nombreuses délégations, sont appelés à jouer pleinement leur rôle. Mais de l’aveu même de Ben Hassen, le cadre législatif ne peut à lui seul suffire. “L’importance du respect de l’économie bleue doit être intégrée dès l’école primaire pour sensibiliser les jeunes”, a-t-elle indiqué.
A ce titre, les Seychelles et l’île Maurice offrent de bons exemples à suivre : les deux pays ont mis en place des ministères dédiés à l’économie bleue. “Leur principale mission est de coordonner entre les différents ministères concernés, de près ou de loin, par l’économie bleue”. Ceci englobe, entre autres, les ministères de l’Environnement, du Commerce, du Tourisme, de la Défense, ou encore de la Santé …
Pour la Tunisie, l’économie bleue devrait figurer dans la liste des priorités du gouvernement, a indiqué Ben Hassen. “Elle peut considérablement contribuer aux efforts de création d’emplois pour les jeunes ”, a indiqué l’experte. L’aquaculture et la valorisation des déchets pour la lutte contre la pollution sont, selon elle, parmi les secteurs les plus prometteurs. Sans oublier l’évolution et l’innovation des technologies dans les différents secteurs de l’économie bleue. Désormais, aujourd’hui l’économie bleue est le business de tout le monde.