Le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR), la Fondation des femmes de l’Euro-Méditerranée (FFEM) et l’Union pour la Méditerranée (UpM) ont organisé aujourd’hui, 18 septembre, un atelier sur le thème «Économie verte, circulaire et intelligence artificielle: leviers d’entrepreneuriat des femmes de la Méditerranée».
La rencontre a ouvert un espace de réflexion sur la double transition écologique et numérique, et sur la manière dont elle affecte – ou peut dynamiser – la place des femmes dans l’économie régionale.
Vers un dialogue intergénérationnel et inter-rives
L’un des enjeux soulevés a été celui du dialogue entre les femmes des deux rives de la Méditerranée et entre générations.
Soukeina Bouraoui, présidente de la FFEM et directrice exécutive du CAWTAR, a rappelé que la vocation première de la FFEM est de créer des passerelles de coopération. Pour elle, l’avenir passe par la construction d’un espace commun de réflexion et d’action: «Mon rêve, qui reste à concrétiser, est de bâtir un véritable dialogue entre les femmes arabes et européennes, au-delà des frontières méditerranéennes».
Les opportunités et les risques de l’intelligence artificielle
La question de l’intelligence artificielle a également occupé une place centrale. Si elle peut offrir des opportunités en termes de création d’emplois et d’innovation, elle comporte aussi des risques d’exclusion, notamment pour les jeunes femmes diplômées employées dans les secteurs des services financiers. Soukaina Bouraoui a alerté: «Ce ne sont pas les plus pauvres qui seront directement affectés, mais plutôt les jeunes femmes actives dans des secteurs comme la banque ou les assurances». Elle appelle les États à anticiper ces bouleversements afin d’éviter un accroissement des inégalités.
L’importance des données et de l’optimisme pragmatique
L’autre levier mis en avant est celui des données.
Sans statistiques fiables et genrées, il reste difficile de mesurer les avancées vers l’égalité ou d’évaluer l’impact réel des politiques.
«Il nous faut des données de qualité pour éclairer nos décisions», a insisté Soukaina Bouraoui, tout en affirmant son choix de rester optimiste face aux retards.
Un changement de regard sur le rôle des femmes
De son côté, Gemma Aubarell, directrice du département culture, genre et société civile à l’Institut européen de la Méditerranée (IEMed), a insisté sur la nécessité de changer de regard sur la question féminine. Trop souvent perçues comme un groupe vulnérable, les femmes doivent être considérées comme actrices de solutions. «La fondation a voulu travailler toujours sur la vérité du terrain. C’est une valeur ajoutée majeure», a-t-elle affirmé, rappelant que l’intégration de la dimension genre ne doit pas être pensée comme un dossier séparé mais comme «une manière de gouverner autrement».
Une approche intégrée des ressources
Parler d’économie verte et circulaire implique aussi de repenser la manière dont les ressources naturelles sont gérées. Eau, énergie, alimentation et climat ne peuvent plus être envisagés séparément sans risquer de créer de nouveaux déséquilibres.
C’est ce qu’a rappelé Ali Rhouma, professeur en recherche agricole et chargé de projet à la fondation PRIMA, en présentant le concept de Nexus, qui relie ces quatre dimensions. Selon lui, seule une gestion intégrée peut répondre durablement aux besoins croissants, notamment dans les pays du Sud. «Si nous continuons à gérer les ressources en silos, nous n’atteindrons pas les Objectifs de développement durable », a-t-il averti.
Au fil des échanges, une conviction s’est imposée, à savoir que l’économie verte, circulaire et l’intelligence artificielle ne représentent pas seulement des défis techniques ou environnementaux mais bien des enjeux sociétaux et de gouvernance. Leur réussite dépendra de la capacité des pays méditerranéens à inclure les femmes comme actrices à part entière de ces transformations.
Qu’il s’agisse de bâtir des ponts entre générations et rives, d’anticiper les impacts de l’IA, de produire des données fiables ou encore de gérer les ressources de manière intégrée, cet atelier a montré que l’avenir de la région repose sur la manière dont elle saura valoriser l’entrepreneuriat féminin.
C’est un pari ambitieux et indispensable pour un développement durable et équitable en Méditerranée.