La décision des distributeurs de bouteilles de gaz domestique d’une grève les 12 et 13 janvier 2026 intervient dans un contexte énergétique déjà sous pression. Elle met en lumière un décalage croissant entre les efforts déployés pour sécuriser l’approvisionnement national et les difficultés persistantes rencontrées par les acteurs chargés de la distribution sur le terrain.
Depuis plusieurs mois, les indicateurs énergétiques confirment une fragilisation structurelle de l’approvisionnement en gaz naturel en Tunisie. Les données publiées en 2025 par l’Observatoire national de l’énergie et des mines montrent un recul continu des ressources locales, composées de la production nationale et des redevances liées au gaz transitant par le territoire tunisien. À fin mai 2025, ces ressources ont reculé de 11%, atteignant environ 809 kilotonnes équivalent pétrole, avant de s’établir autour de 1000 ktep à fin juin, soit une baisse annuelle d’environ 9%.
Ce recul est progressivement compensé par une hausse marquée des importations, essentiellement en provenance d’Algérie. En 2025, les volumes importés ont augmenté de plus de 20% à plusieurs reprises, portant l’approvisionnement global à 1426 ktep à fin avril, puis à plus de 2300 ktep à fin juin, en progression d’environ 10% sur un an. Cette évolution traduit un basculement structurel: la couverture des besoins nationaux repose désormais de manière croissante sur le gaz importé, dans un contexte où la demande intérieure progresse d’environ 10%, tirée principalement par la production d’électricité, dépendante à plus de 90% du gaz naturel.
C’est dans ce cadre que les autorités tunisiennes ont cherché à anticiper les risques liés à l’hiver 2025-2026. Lors d’un comité élargi tenu le 8 décembre 2025 sous la conduite du ministre du Commerce et du Développement des exportations, les différents acteurs publics et privés du secteur se sont engagés à garantir l’approvisionnement en gaz domestique. Le communiqué officiel issu de cette réunion indique que les unités de remplissage de Ben Arous, Bizerte et Gabès fonctionnent à pleine capacité, sans interruption ni difficulté technique, et que des mesures ont été prises en amont pour faire face à la hausse saisonnière de la demande.
Les autorités ont notamment misé sur une importation anticipée, un renforcement des capacités de stockage, des opérations de maintenance préventive et la constitution d’un stock de sécurité. Une coordination renforcée entre les acteurs nationaux et régionaux a également été décidée, avec une attention particulière portée à l’approvisionnement des zones intérieures, considérées comme prioritaires sur le plan social.
Cependant, quelques jours après ces assurances officielles, la chambre syndicale nationale des distributeurs de bouteilles de gaz domestique en gros a annoncé la suspension de son activité pour deux jours, à la suite d’une assemblée générale tenue le 24 décembre 2025 au siège de l’UTICA. Les professionnels du secteur dénoncent une accumulation de difficultés économiques et réglementaires ayant entraîné des pertes financières importantes, au point de rendre la poursuite de l’activité impossible dans les conditions actuelles.
Dans leur communiqué, les distributeurs pointent notamment l’absence de révision du décret conjoint du 4 mars 2022, jugé en partie inapplicable sur le terrain, la non-application de l’augmentation de la prime de distribution pour les années 2023 à 2025, malgré la hausse des coûts, ainsi que l’absence de visibilité sur les augmentations prévues pour la période 2026-2028. Ils évoquent également un litige non résolu concernant les distributeurs affiliés à Agil Gaz, lié à des retenues appliquées sur plusieurs exercices.


