Alors que la Bourse de Tunis s’apprête à accueillir Maghrebia Vie, le nombre des sociétés cotées ne cesse d’être réduit. Actuellement, deux offres publiques de retrait sont en cours: Adwya et Cerealis. Cela sans compter les tentatives d’offres publiques d’achat qui n’ont pas abouti, comme Monoprix. Il semble que l’objectif d’atteindre 100 sociétés cotées s’éloigne, du moins pour les quelques années à venir.
Cette tendance devrait continuer. D’ailleurs, un bon nombre d’entreprises, notamment celles qui continuent à figurer dans le compartiment «S», n’ont pas de place dans le marché. Si elles ne parviennent pas à trouver des solutions à leurs difficultés de trésorerie et d’insuffisances de fonds propres, ou à respecter les exigences de communication financière, c’est qu’elles doivent quitter la cote. Leur présence est plutôt néfaste et contribue à faire désister les investisseurs locaux et étrangers.
Sur ces dernières années, le marché s’est mieux organisé. Il y a eu un nouveau règlement de parquet et les obligations de gouvernance sont montées d’un cran, surtout en ce qui concerne les indépendants et les représentants des minoritaires. En Tunisie, cela est rarement vu d’un bon œil par les émetteurs. Bien qu’ils ouvrent leur capital au public, la gestion reste toujours classique. Nous avons encore des conseils d’administration largement dominés par les membres de la famille. L’intégration de deux administrateurs indépendants au vrai sens du terme est une pilule difficile à avaler. Ils seront considérés comme des étrangers et ne pourront pas jouer convenablement leur rôle. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste des sociétés qui ne sont pas encore parvenues à nommer ces administrateurs et tentent, en vain, d’organiser des assemblées générales électives pour les minoritaires pour comprendre à quel point c’est délicat de trouver «les bons profils» du point de vue des actionnaires de référence.
L’entrée de ces sociétés en Bourse est souvent motivée par deux facteurs. Le premier est la volonté de bénéficier de cinq exercices avec un impôt sur les sociétés à 10% seulement. De plus, les holdings peuvent obtenir une exonération d’imposition sur les dividendes historiques, idem pour les plus-values sur les cessions. Rien donc de vraiment économique. Le second est l’amélioration des fonds propres pour réduire les ratios d’endettement dans le but de signer de nouveaux prêts auprès des banques. Normalement, entrer en Bourse signifie le recours aux fonds propres à la place de l’endettement. A la tunisienne, ce n’est pas le cas. C’est pour cela que plusieurs sociétés n’étaient pas réellement prêtes pour le marché et devraient plutôt passer par une première phase d’entrée d’un investisseur institutionnel avant de se diriger vers la Bourse.
Le rythme des IPO devrait rester modeste en 2023. La hausse des taux et des primes de risque a un impact négatif sur les valorisations. A notre avis, la priorité actuelle du régulateur et de la Bourse est de mieux organiser le marché, converger davantage vers les normes de gouvernance les plus strictes et veiller à ce que les entreprises les respectent. Une place financière avec 50 entreprises transparentes et en bonne santé financière apporte mieux à l’économie que celle à 80 sociétés dont la moitié souffre.