Impossible de ne pas penser à Don Quichotte quand on suit attentivement les débats de la 8e Conférence RSE, ce roman où Cervantès parodie les mœurs de son époque et l’idéal chevaleresque, critiquant une société rigide à la limite de l’absurde. Car Tarek Cherif, président de la Conect et maître d’œuvre du label RSE, s’est mis à ressembler à un chevalier errant après toutes ces années de résultats quasi insignifiants. Le simple bilan du haut du panier le prouve: au sein de la Bourse de Tunis, sur les 90 sociétés cotées, seule une vingtaine est en RSE et, sur cette vingtaine, seules deux ont adopté le guide Reporting de la BVMT ! En même temps, nous sommes classés 69es sur 72 dans l’indice de progrès social reconnu comme mesure des performances-pays.
Tout le monde sait, en Tunisie, que nous sommes en recul en matière de RSE et que cela impacte très négativement l’image du pays. Une plaisanterie à deux faces circule dans les coulisses. La première face fait rire: «Ce n’est pas de notre faute, ce sont les autres qui avancent !». Et la seconde fait pleurer: les calculs montrent que le passage de la Tunisie vers l’économie verte coûterait 33 milliards dinars! Une utopie qui nous projette en plein dans le monde de l’irréalisable où les moulins à vent sont des géants.
« Beaucoup de paroles, peu d’actions »
Pourtant, Tarek Cherif remet encore une fois l’ouvrage sur le métier. Car il faut beaucoup de courage à sa Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) et à ses partenaires pour organiser, le 26 octobre 2022, sa 8e Conférence nationale sur la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), levier de l’économie circulaire et de l’investissement durable.
Il s’efforce de créer l’événement en faisant miroiter l’opportunité pour les entreprises de capitaliser sur tout ce qu’elles font en faveur des 3P (Profit/People/Planet) en le traduisant par le label distinctif RSE qui, dit-il, fait la différence avec leurs concurrents en renforçant leur avantage compétitif sur les marchés.
La Conect et ses partenaires offrent une notion partagée beaucoup plus au niveau des paroles que des actes, mais nous persistons pour l’avenir de notre pays, car la RSE (contribution des entreprises aux enjeux du développement durable) est assortie de grands défis pour faire converger les actions en faveur de la préservation de l’environnement, la promotion et le soutien de l’entrepreneuriat vert et circulaire. Des notions partagées dans toute l’Europe, notre premier partenaire», confesse-t-il.
La part de Tarek Cherif dans ce devoir de convergence, via le département RSE de la Conect, est le projet Cluster4Green de soutien à l’investissement durable mis en œuvre par le programme ENI CBC MED avec l’appui de l’UE. Avec le triple but de promotion des investissements durables, développement des synergies existantes, création d’une alliance entre partenariats divers et variés.
Des débats entre lanceurs d’alerte !
Il a fallu deux panels pour animer le débat. Le premier sur la RSE et l’économie verte et circulaire, au profit du développement durable. Le second sur Cluster4Green national sustainable investment frameworks et la manière d’en structurer l’appui aux entreprises.
Deux sujets que les débats ont largement dépassés. Des attaques se sont suivies contre la loi ad hoc, la rareté des banques qui financent les projets RSE, l’absence de cartographie des risques sociétaux, les intérêts contradictoires qui empêchent de tourner rond, les grands blocages, le manque de sensibilisation, les complications de duplication de certaines pratiques, les craintes en matière de labellisation, les retards de la formation, les certifications, l’amalgame entre la RSE et les sujets alarmants (climat, eau…) vitaux pour l’avenir…
Les experts ont tenté d’apporter des éléments de réponse mais l’ambiance était électrique dans la salle, peut-être à cause des non-dits que certains ont survolés comme le nécessaire engagement du niveau politique, spécialement pour mettre sur pied un conseil national de la RSE qui s’avèrera de plus en plus nécessaire pour dialoguer avec l’Union européenne.
Lui, était là jusqu’à la fin des débats. Car, si à la fin, Don Quichotte rentre chez lui et abandonne la chevalerie, Tarek Cherif semble plus que jamais attaché à la RSE. Une utopie? Non, disent les connaisseurs, parce que derrière la RSE se resserrent les rangs de l’économie circulaire qui comprend l’économie verte, l’économie de l’usage, l’économie de la fonctionnalité, l’économie de la performance et l’écologie industrielle. Cette économie en boucle, réparatrice, abolissant la notion de «déchet» pour lui substituer celle de recyclage.