«Deux chiffres m’ont interpellée dans l’Afrobaromètre. D’abord 56% des personnes interrogées estiment que la lutte contre la violence faite aux femmes est une priorité pour l’Etat et la société. Ensuite, 17% banalisent, donnent raison, aux violences faites aux femmes!», atteste Hanene Benzarti, responsable de l’axe violence au ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Séniors, lors de la présentation, le 4 juillet à Tunis, des résultats de la cinquième vague de l’Afrobaromètre sur l’égalité des chances et la violence faite aux femmes menée par l’institut de sondage One to One for Research and Polling.
Elle souligne que l’Etat n’a pas cessé d’agir, notamment pour la prise en charge des femmes qui ont subi des violences, mais ce que montre l’Afrobaromètre est à la fois perception, réflexion et description du quotidien de ces femmes. Il montre que beaucoup de travail préventif reste à faire, une éducation, une culture pour changer les comportements et les perceptions.
Hanene Benzarti insiste sur l’autonomisation économique des femmes (accès au travail, accès à la propriété de la terre…) comme facteur de risque qui les met en situation de vulnérabilité face aux violences où l’agresseur n’est pas uniquement l’époux, mais peut aussi être le père, le frère, le fils: «Dire que la violence faite aux femmes est une question privée, c’est légitimer cette violence. Nous devons faire preuve d’imagination, ouvrir d’autres pistes d’action pour améliorer la situation alors que les chiffres nous permettent de prendre conscience de la gravité de la situation».
Des unités spécialisées (qui comptent des éléments féminins dans leurs rangs) ont été déployées, mais elles ne sont présentes que dans les districts et qu’il y a amalgame avec les postes de police classiques, car les femmes vont dans le poste le plus proche. La loi stipule une punition pour les agents des unités spécialisées qui incitent les femmes à ne pas porter plainte, mais ce n’est pas le cas pour les autres policiers. «Nous nous en sommes rendu compte et le ministère de l’Intérieur a fait les formations nécessaires. La logique de l’Etat est d’améliorer les choses au fur et à mesure», commente Benzarti.
La sensibilisation est capitale, puisqu’une étude de l’Office national de la famille et de la population (ONFP) montre que 87% des femmes victimes de violence ne vont pas porter plainte parce qu’elles n’ont pas confiance dans les structures de l’Etat. Il s’agit également de s’adresser, non seulement aux hommes, mais à la totalité de l’entourage pour les inciter à faire partie du changement social: «La stratégie du ministère, avec la parution de la Loi 58, compte la prévention, la gouvernance, la coordination… Nous travaillons sur l’exécution des politiques et des budgets (dossier en phase de clarification). Nous nous attelons aussi à la prévention de la violence contre les femmes, les enfants et les personnes âgées avec l’appui de l’Union européenne et du Fonds des Nations unies pour la population, avec les canaux classiques (comme l’affichage urbain) et les nouvelles technologies. Nous devons nous adresser aux différentes générations par de nouveaux messages avec le canal adéquat».