La date du 25 juillet 2021 resterait une date à marquer par une pierre blanche dans l’histoire de la Tunisie post-révolutionnaire. Elle représente un tournant marquant dans la vie politique.
Nous nous sommes entretenus avec Khaled Dabbebi, enseignant chercheur en droit constitutionnel et en Sciences politiques pour nous faire comprendre les fondements légaux de l’initiative de la présidence de la république et décortiquer sa démarche.
L’enseignant-chercheur en droit constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de la démarche suivie par la présidence de la République. Contrairement aux interprétations avancées par plusieurs intervenants de la sphère politique et juridique, il ne s’agit guère d’un coup d’État car le fondement légal de l’initiative prise est bel et bien l’article 80 de la constitution. Il a souligné qu’il y a une différence entre un coup d’État et une démarche qui s’inscrit dans une logique constitutionnelle. Et d’expliquer que l’article 80 de la constitution est conçu pour traiter du cas d’exception.
Dans la gestion des affaires de l’État, pour qu’une situation soit qualifiée d’exceptionnelle, il faudrait qu’elle réponde à deux conditions.
En effet, la première condition est l’existence d’un péril imminent qui menace les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays.
Quant à la deuxième condition est que le péril en question soit en mesure d’entraver le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Ainsi, et comme expliqué par le président de la république, est le seul qui est en mesure d’analyser les circonstances et de juger si le péril constitue une vraie menace aux institutions de l’État et un handicap au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Aucune autre autorité n’a cette prérogative et aucune partie ne peut statuer sur le fondement de l’interprétation du président.
Il a affirmé que la loi prévoit le respect de quatre procédures formelles et qui sont respectivement : la prononciation d’un discours pour informer le peuple et c’est ce qui s’est passé la nuit du 25 Juillet, la consultation du président de l’assemblée de représentants du peuple, la consultation du chef du gouvernement et l’information du président de la cour constitutionnelle.
De son point de vue juridique, la consultation est une procédure qui ne lie pas le président de la république et donc elle n’est pas un effet décisif. En fait, toutes ces formalités sont selon le droit des procédures non substantielles.
Au bout de 30 jours, le prochain devrait-il passer devant l’ARP?
La désignation d’un gouvernement dans le cadre de la gestion de la crise est reconnue en tant que mesure exceptionnelle. Khaled Dabbebi explique qu’il n’y a donc aucune obligation de passer par le parlement pour obtenir la confiance ni avant ni après la période légale de trente jours. C’est-à-dire, les règles de gestion en temps normal ne sont plus appliquées en temps de crise. Toutes les dispositions constitutionnelles sont suspendues et seul l’article 80 qui est le maître de la loi et la référence légale unique pour la gestion des affaires de l’État.
Selon Khaled Dabbebi, au-delà de la période de trente jours, trente députés ou bien le président du parlement pourraient saisir la cour constitutionnelle pour voir si l’état d’exception et ses conditions sont toujours valables. Dans ce cas, la cour constitutionnelle et si elle estime qu’il n’a pas eu raison valable pour décréter l’état d’exception et qu’il faut revenir à l’état normal et reprendre le travail des pouvoirs publics.
Dabbebi a même ajouté qu’au fait que l’effet juridique majeur de la déclaration de l’état d’exception est une sorte de dictature constitutionnelle.
Il s’agit donc d’une dictature qui se base sur des fondements constitutionnels et qui s’inscrit dans le cadre de l’État de droit et de la suspension de l’application du principe de la séparation des pouvoirs.