Dans la vie, il y a le Bon grain et l’ivraie. La pandémie nous a révélé l’un et l’autre. Il faudra cependant s’attarder sur le premier. Car, les bons faits et gestes des Tunisiens éclairent sans doute d’un autre jour meilleur, notre quotidien et notre futur. Sans doute, l’un des plus importants enseignements d’une Tunisie confinée en raison du Coronavirus.
Visage tout à fait multiforme que présente la Tunisie par ces temps de coronavirus et de confinement. D’abord, celui d’un pays gagné par la spéculation et la corruption. Avec ces annonces de trafic de denrées alimentaires qui ont disparu des rayons de nos magasins et des arrestations opérées par la police de personnes qui profitent de la situation pour se remplir les poches.
Et les malversations continuent malgré les arrestations donc, les emprisonnements et autres punitions prévues par la loi qui est aujourd’hui en train d’être renforcée afin de dissuader les contrevenants.
Des contrevenants que les médias disent avoir bénéficié du silence sinon de la complicité de certains officiels. Et certains de se demander comment le phénomène perdure après que les dirigeants du pays –dont le chef du Gouvernement- aient rassuré quant à la fin du calvaire. Le mal est-il si profond ? Et les neuf années qui ont suivi la Révolution, n’ont-elles pas vu le pays s’engager sur une piste dangereuse ?
Car calvaire, il y a, pour des pans entiers de la population qui ont besoin, par exemple, de semoule et de farine pour survivre grâce aux « melaouis » et « hlalems » qui leur servent à gagner leur vie le plus honnêtement du monde.
Et de se demander pourquoi les malfrats –car c’est de malfrats qu’il s’agit- sont si puissants pour perturber le marché et rendre le quotidien pénible pour des Tunisiens qui en ont réellement besoin.
Inégalités et passe-droits comme avant
Il suffit d’aller visiter les quartiers populaires et cette Tunisie de l’intérieur, d’où est partie la révolution du 14 janvier 2011, pour se rendre compte de cette réalité qui fait mal à l’heure où le pays, qui a longtemps vécu sous la dictature, des inégalités et des passe-droits s’est ouvert à la démocratie et au règne de l’égalité.
L’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) a dit, à ce propos, avoir« reçu 6238 alertes et réclamations entre le 20 mars dernier et le 14 avril 2020. Dont 33.19% sur l’augmentation des prix et 23.57% sur des spéculations ».
De quoi regretter, pour certains, le temps de la dictature lorsque le despote arrivait à frapper fort quand les démunis souffraient de la spéculation et de la hausse des prix. Et des histoires ne cessent d’être racontées, à ce niveau, comment l’ancien président Ben Ali savait se faire entendre.
Mais s’il est vrai que par ces temps de pandémie la Tunisie savait montrer son mauvais visage, elle sait aussi monter un autre plus reluisant qui éclaire d’un beau jour un pays qui sait souvent être au rendez-vous de l’histoire.
Oublierons-nous de sitôt ces ouvrières qui se sont confinées, dans leur atelier d’une région rurale de Kairouan, pour fabriquer à la chaîne, et jour et nuit, des masques, considérés comme un outil de protection efficace contre la contagion du coronavirus et assimilé par des spécialistes à un médicament ?
Côté masques, oublierons-nous également de sitôt ces centaines de médecins, d’infirmiers, d’aides-soignantes et autres chauffeurs d’ambulance qui s’exposent à tout moment à un virus virulent ?
Oublierons-nous encore de sitôt ces sortants des écoles d’ingénieurs et des Instituts Supérieurs des Études Technologiques (ISET), entre autres, qui se sont mobilisés pour réparer des lits à l’abandon ou encore des machines diverses utilisées dans les hôpitaux.
L’apport de la société civile a été pour beaucoup remarquable. La société civile, dont une partie a été décriée il y a seulement quelque temps, soupçonnée qu’elle est d’être un sous-marin de certains mouvements politiques, a montré comment elle peut se porter au secours de la population.
Et que des élans de solidarité qui se sont faits jour pour atténuer les souffrances d’une bonne partie de la population que les mesures prises de confinement ou celles qui en découlent ne peuvent rendre le sourire et assurer le quotidien.
« Les grandes circonstances font les grands hommes »
En témoignent les chariots de bienfaisance qui ont rempli nos supermarchés et ces jeunes –et moins jeunes- qui se sont déplacés au domicile de personnes à dits risques pour leur apporter notamment les aliments dont ils ont besoin.
Autant de faits et de gestes qui nous incitent à penser autrement. Et dès à présent. En clair, il est aujourd’hui possible d’exploiter tous ces bienfaits pour construire autre chose que notre quotidien.
C’est le grand philosophe français, Régis Debray, qui dit que « les grandes circonstances font les grands hommes ». On pourrait sans doute également le dire concernant les peuples. Des anthropologues ont longtemps expliqué que parce qu’ils ont fait les guerres et connu les souffrances que certains peuples se sont aguerris.
Quoi qu’il en soit, les faits et gestes racontés plus haut ne doivent pas être oubliés de sitôt. Mais être mémorisé par tous les Tunisiens tant ils peuvent nous faire voir la Tunisie autrement.
Car, il suffit souvent d’y croire pour réussir. Et sans tomber dans le rêve, il faut estimer que tout est possible. D’autant plus que la Tunisie a beaucoup investi dans ses ressources humaines. Tout récemment, un coopérant français, qui a longtemps vécu en Tunisie, nous disait que la Tunisie a besoin de pas beaucoup de choses pour qu’elle réussisse. Evoquant un récent témoignage d’un médecin sur une radio française, RTL pour ne pas la nommer, au sujet de la compétence des médecins tunisiens dans les hôpitaux français.
Car, à la base de tout, il y a toujours la nécessité de réveiller une conscience. Une conscience qui veut que chacun, comme par ces temps difficiles de pandémie, croit en sa bonne étoile.
Synergies
Par ces temps difficiles encore, la Tunisie s’est réveillée, par exemple, à la nécessité d’aller de l’avant sur la voie du digital. Télétravail et télétravail sont, à ce niveau, devenus des leitmotivs pour construire un autre quotidien.
Mais qu’est-ce qui empêcherait les Tunisiens de creuser ce sillon sur cette voie ? Sommes-nous du reste conscients que nous n’avons pas toujours pu continuer sur les voies que nous avons quelquefois tracées bien avant tant d’autres ?
La Tunisie a été dans les années quatre-vingt-dix le premier pays arabe et africain à avoir fréquenté Internet. Mais depuis, nous n’avons pas continué sur cette lancée laissant aux autres une place que tout le monde pouvait nous jalouser.
Et évidement, que d’occasions perdues. Nos administrations et nos entreprises n’ont pas su en faire un réel adjuvant. Au contraire, d’autres pays que l’on surclassait tiennent le haut du pavé avec des administrations dotés de mécanismes qui permettent, par exemple, de suivre, à partir de chez eux, et en se servant de leur ordinateur, le traitement un dossier dans les dédales d’une structure.
Et l’ouverture de l’université sur le monde de l’entreprise, n’a-t-on pas, du moins en Afrique et dans le monde arabe, parmi les premiers à avoir ouvert cette brèche ? Qu’en est-il aujourd’hui de cette exigence des temps modernes ? Pour l’essentiel, les universitaires et leurs étudiants restent assez éloignés du monde du travail.
Des synergies combien nécessaires et que les derniers développements dans notre pays peuvent rendre possibles.