En 2011, les Tunisiens se sont soulevés pour en finir, entre autres, avec la corruption qui sévissait dans le pays. Aujourd’hui, elle reste l’un des facteurs qui entravent la réussite de la transition démocratique ainsi que le bon fonctionnement des rouages administratifs et institutionnels. Comment juger l’évolution de ce fléau ? Le citoyen peut-il dénoncer aux autorités toutes ces pratiques illicites, sans encourir de risques ? Mais le plus important, comment perçoit-il ce risque en cas de dénonciation ? Des questions débattues, lors d’une rencontre organisée à Tunis, le lundi 1er octobre, par l’institut de sondage One to One for research and pooling, pour présenter la troisième vague de l’Afrobaromètre sur la corruption en Tunisie.
La rencontre qui a été rehaussée par la présence de Mohamed Ayadi, membre du conseil de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, Sahbi Ben Fredj, vice-président de la commission de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption à l’ARP, l’activiste Houda Cherif, ainsi que le président de IWatch, Achref Aouadi.
Les Tunisiens sont globalement insatisfaits
Les chiffres dévoilés,ayant trait à la perception du Tunisien concernant ce phénomène, sont on ne peut plus révélateurs. En effet, selon Youssef Meddeb, le président de l’institut de sondage, pour 7 Tunisiens sur 10 le niveau de la corruption a augmenté depuis l’année dernière. Pour 55% d’entre eux la corruption a même trop augmenté, alors que ce chiffre n’était que de 42% en 2015.
Plus encore, 64% des Tunisiens perçoivent les actions entreprises par le gouvernement pour la lutte contre la corruption comme inefficaces (contre 67% en 2013). Seuls 25% des Tunisiens jugent la lutte du gouvernement contre la corruption comme efficace.
En outre, 3 Tunisiens sur 10 estiment que ce sont les fonctionnaires du gouvernement et les membres du parlement qui sont les plus corrompus. Les magistrats sont perçus comme étant les moins impliqués dans des affaires de corruption, 16% seulement affirment que la majorité est corrompue.
Quel est le rôle du citoyen ?
Reste à savoir ce que peut faire le citoyen au cas où il s’aperçoit d’une affaire de corruption. Les résultats révèlent qu’environ 6 Tunisiens sur 10 approuvent le fait qu’un citoyen puisse dénoncer une affaire de corruption. Ceci dit, la même proportion de la population affirme que les dénonciations peuvent porter préjudice à leurs auteurs.
Par ailleurs, près de 41% des Tunisiens estiment que les autorités concernées peuvent passer à l’action et mettre fin aux pratiques dénoncées. Toutefois, environ la même proportion n’est pas confiante ! Affirmant ainsi que ces dénonciations sont inutiles et que les autorités ne vont pas agir.
L’étude démontre aussi que 17% de la population affirment avoir déjà soudoyé des agents de police au moins une fois. 10% disent avoir donné des pots-de-vin dans le but d’obtenir des documents d’identité, 11% pour des services médicaux, et 8% pour des services de la part de l’école publique.
Pour finir, une proportion conséquente de la population tunisienne estime que la classe riche et la classe moyenne peuvent soudoyer, utiliser le réseau de contacts pour éviter de payer les impôts, d’être poursuivis en justice ou encore d’inscrire des terrains ou des propriétés en leurs noms.
Unanimes, les panélistes ont évoqué la nécessité de prise de conscience face à ces résultats. Une révolution mentale est aujourd’hui urgente. A noter que lors du Forum économique mondial, la Banque mondiale a souligné que la corruption est classée 3e obstacle entravant le climat des affaires, après la bonne gouvernance et le chômage en Tunisie. Les résultats parlent d’eux-mêmes.