Lobna Dems, lauréate du secteur Agribusiness, prix Tunis RE
L’agriculture bio et le 100% naturel ont déjà pris une place importante dans sa vie et pour cause ! Avant que l’idée ne mûrisse dans son esprit, Lobna Dems a fait la désagréable expérience de l’utilisation des produits chimiques. Convaincue du potentiel que décline l’agriculture bio et plus particulièrement la figue de Barbarie en tant que véritable produit bio, elle s’investit dans une activité axée sur deux secteurs : le cosmétique et l’alimentaire. Objectif premier : valoriser davantage l’huile de figue de Barbarie et la promouvoir à l’étranger. Pour ce faire, Lobna Dems, originaire de Monastir où elle a choisi d’installer son projet Nakawa Bio, se spécialise dans la production des produits bio en y apportant une haute valeur ajoutée. Principal atout : l’attachement à un rêve qu’elle entend réaliser. Elle est de surcroît portée par de fortes convictions et par la passion d’un métier qu’elle explore et exerce. Principale caractéristique: tout est 100% bio et rien que du bio ! Entretien.
Comment vous est venue l’idée de ce projet ?
C’est l’histoire d’une passion. J’ai eu un coup de coeur pour l’agriculture bio qui a été ma motivation première. Ensuite ce sont mes études en doctorat de chimie appliquée qui m’ont orientée vers ce choix, le concept bio. A vrai dire, c’est une expérience personnelle plutôt douloureuse qui m’a conduite jusqu’ici. En effet, j’ai eu des petits problèmes de santé à cause de certains produits chimiques, ce qui m’a fait prendre davantage conscience de l’importance de développer et d’utiliser des produits bio. S’ajoute à cela, le fait que dans ma famille, nous avons toujours baigné dans l’agriculture et cela m’a également confortée dans mon choix.
Parlez-nous davantage des produits de Nakawa Bio ?
Notre entreprise décline deux secteurs: les produits cosmétiques et ceux alimentaires. Notre activité repose essentiellement sur la valorisation de l’huile de figue de Barbarie bio. Il faut savoir qu’il s’agit d’une activité à zéro déchet. Par exemple, le jus de la figue n’est pas nécessaire pour la production de nos produits. Toutefois, nous le fermentons pour le transformer en vinaigre. C’est le même principe pour la poudre des pépins qui peut être utilisée par la suite comme complément alimentaire. C’est d’ailleurs de cette façon que nous avons amorcé notre activité de production alimentaire bio. Quant au secteur des cosmétiques, il décline l’huile végétale ainsi que les dérivés de cette huile utilisés dans toute la gamme cosmétique à base d’argile et de figue de Barbarie.
Pouvez-vous nous expliquer le processus pour obtenir la certification bio ?
En fait, il s’agit d’un long processus. Il faut compter deux ans au cours desquels, vous êtes observés, vous recevez des visites de contrôle au niveau des produits utilisés mais aussi des machines. Il faut être patient mais cela en vaut la peine. Par exemple, parmi la large liste de matières et éléments à proscrire dans toute production bio, il y a les ustensiles en aluminium ou le plastique non alimentaire.
Une fois la certification bio obtenue, voilà que votre projet démarre en trombe, parlez-nous en !
Au départ, et après que l’idée du projet eut pris forme dans ma tête, il fallait penser au budget pour la concrétiser. Je n’avais pas d’épargne ou d’économies sur lesquelles compter sachant que depuis que je me suis diplômée, je n’ai jamais travaillé. Je voulais savoir si en commençant à zéro, en étant complètement désargentée, on peut réellement réussir à réaliser quelque chose en Tunisie ? C’était un défi pour moi. Et c’est ainsi que j’ai démarré. D’abord j’ai élaboré le business plan avec l’aide d’un centre d’affaires étatique à Monastir. Ensuite, j’ai suivi toute la procédure de création de projet étape par étape sans rien négliger. Je me suis déplacée là où il fallait en vue de mettre en place mon projet. En outre, j’ai même effectué une formation en agriculture biologique à Sidi Thabet et je me suis orientée vers la BTS pour obtenir les équipements nécessaires.
Très souvent les jeunes entrepreneurs se plaignent des dossiers qui traînent et qui sont rejetés par la BTS, comment a été votre expérience à ce titre ?
Pour être honnête, en ce qui me concerne, je n’ai pas eu ce genre de soucis. Je préparais tous les documents requis à la demande de la BTS, je les présentais et j’attendais que mon dossier soit traité. Il y avait de l’attente certes mais elle était indispensable.
Justement, quand votre projet a-t-il démarré ?
Le démarrage effectif de l’activité c’était en 2017. Quant à la création du projet, elle date de 2016.
Comment ont été les débuts de votre activité ?
D’abord j’ai installé mes équipements et recruté les techniciens préposés aux machines, et cela a démarré. Je dois dire que j’ai réussi à subvenir à tout besoin par moi-même dans ce projet. La plupart du temps il y a quatre employées qui travaillent avec moi mais durant la haute saison, période de récolte, nous pouvons atteindre la vingtaine qui sont toutes de la région de Jemmal. Le restant de l’année, nous nous attelons à extraire l’huile et à fabriquer nos produits. Nous essayons de valoriser notre gamme de cosmétiques, car jusque-là nous travaillons sur commande.
Passons à présent à votre stratégie d’accès au marché. Comment l’avez-vous mise au point ?
Afin d’accéder au marché, nous avons dans un premier temps participé aux événements tels que les foires et expositions. Dans un deuxième temps, ces événements ont été l’occasion de rencontrer et de nouer des contacts avec les propriétaires de concepts-stores, une nouvelle tendance très en vogue ces derniers temps. Les premières commandes ont donc été déclenchées par ce public de fournisseurs dont les clients ont beaucoup apprécié le produit et en ont redemandé. Aujourd’hui, nous avons des partenariats avec cinq concept- stores à Tunis.
Cela nous amène au volet marketing et à la façon de commercialiser votre produit. Nous voyons que vous avez déjà mis en ligne un site Web. Comment vous y prenez-vous ?
Effectivement, nous avons un site web, nakawabio.com, que nous avons mis en place grâce à la coopération suisse avec qui nous avons pris contact lors d’un concours organisé à l’occasion de la pépinière d’entreprises de l’APIA. Nous avons participé à ce concours que nous avons remporté sur notre région Monastir. D’emblée, nous avons investi dans le packaging et le design. Nous sommes profondément convaincus qu’ils sont essentiels pour la commercialisation aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger.
Et votre projet, comment envisagez-vous de le développer ?
Il se développera de lui-même avec le temps. Pour l’heure, toute recette doit servir à l’acquisition d’un nouvel emballage par exemple ou encore à la création d’un nouveau produit. De même, nous envisageons d’évoluer à l’étranger en exportant nos produits.
Avez-vous mis en place une stratégie de conquête du marché étranger ?
Pour l’heure, nous vendons à l’étranger à travers des intermédiaires. Nous envisageons d’attaquer le marché européen directement. Nous avons pris contact avec le CEPEX et nous avons adhéré à deux chambres de commerce. Nous n’avons toujours pas de plan concret mais nous œuvrons dans ce sens.
Et comment voyez-vous Nakawa Bio dans quelques années ?
Je vois le projet aller très loin. Nakawa pour moi c’est d’abord un rêve, un rêve que je me vois réaliser peu à peu. C’est également un tremplin pour le développement et la promotion de nos produits purement tunisiens et qui sont encore en quête de valorisation.