Les chiffres avancés par les nombreuses études réalisées sur l’entrepreneuriat féminin dressent un tableau pas très rose: les entrepreneures peinent, plus que leurs collègues du sexe opposé, à financer leurs projets. Mais est-ce vraiment le cas?
Sur 100 entrepreneurs tunisiens, seulement 12 sont de sexe féminin, d’après une étude réalisée en 2017 par l’International Finance Corporation ! Ce faible taux serait principalement attribué à des disparités en termes d’accès au financement entre les deux sexes, selon une étude réalisée par le Centre des Nations unies pour l’Afrique.
De ce fait, toujours d’après l’IFC, 63% des femmes entrepreneures indiquent ne pas avoir accès au réseau traditionnel des banques et des institutions financières. Il en résulte un déficit de financement de 300 millions de dollars pour les femmes entrepreneures tunisiennes.
D’après l’IFC, le marché des femmes représente une opportunité en or pour les banques pour accroître leurs parts de marché avec une clientèle qui représente le meilleur taux de fidélité et de ventes croisées. En effet, en Tunisie, selon les mêmes sources, 18% des PME formelles appartiennent à des Femmes en Tunisie, soit 972.
Pour un meilleur accès aux banques
En l’absence d’un fonds de garantie à l’initiative des femmes en Tunisie, plusieurs banques de la place ont déployé des programmes visant à améliorer l’accès des femmes porteuses de projets au financement.
Sur ce volet, la Banque tunisienne de solidarité a réussi à atteindre un taux de parité de 47% pour les 13 mille prêts qu’elle a accordés en 2017, a annoncé Riadh Hanchi, chef division contrôle de gestion à la BTS. Et pour 2018, la Banque vise à atteindre la parité totale dans la distribution des 15 mille prêts prévus pour l’année. Pour sa part, la Société tunisienne de banque a noué plusieurs partenariats avec des associations d’entrepreneuriat féminin, dont le Centre international des femmes entrepreneures (CIFE) ou encore la Chambre nationale des femmes chefs d’entreprise de l’UTICA.
La Banque de l’Habitat, de son côté, a décidé d’adhérer au programme Women Banking Champion de l’International Finance Corporation. Ce programme régional vise à renforcer les capacités des institutions financières pour les aider à devenir la banque de choix pour les femmes. Pour Fatma Fourati, entrepreneure dans l’agribusiness, le problème ne provient pas des banques: “Je n’ai jamais rencontré de difficultés dans les banques liées à ma féminité”, a-t-elle déclaré. Pour Fourati, c’est plutôt au niveau des mécanismes d’appui de l’État que les femmes rencontrent plus de discrimination.
Est-ce différent pour la finance alternative?
“Les taux varient légèrement d’une région à une autre, mais grosso modo, nous avons réussi à atteindre la parité homme-femme pour les projets que nous finançons”, s’est félicité Mohamed Taha Allani, directeur des opérations à Taysir Microfinance. Et pourtant, l’institution financière ne dispose d’aucun programme ou initiative dédiés aux femmes!
L’interlocuteur reconnaît cependant que la parité inter-genre se limite au nombre de crédits accordés; en termes d’encours, la gent masculine se taille la part du lion. Les femmes, explique-t-il , ont tendance à lancer des projets de taille moindre, souvent informellement. Le même constat a été relevé par Yassine Housseini, du département marketing de Enda Tamweel où, en 2017, 62% des clients sont des femmes mais qui ne perçoivent que 55% du montant des crédits accordés.
De plus en plus d’entrepreneurs font appel à des fonds d’investissement pour financer la création ou le développement de leur projet. Là aussi, les chiffres montrent une prépondérance des projets portés par des hommes, indique Karim Ghenim, PDG de Biat Capital Risk. Et pour cause : “Nous recevons moins de projets portés par des femmes que de projets pilotés par des hommes”, explique-t-il.
Et d’ajouter : “Ce qui importe le plus pour l’investisseur c’est la rentabilité du projet; nous privilégions les profils avec lesquels nous pouvons collaborer et travailler pour développer le projet, qu’il soit homme ou femme” a confirmé Mohamed Salah Frad, general manager de UGFS-NA. Et d’ajouter: “Par contre, nous avons remarqué qu’il y a un manque d’initiative féminine”. Pour pallier ce décalage, le general manager d’UGFS-NA propose d’adapter les initiatives d’accompagnement et les agences d’appui public afin de mieux servir les femmes entrepreneures.
“Discrimination positive”
Alors qu’une bonne partie de la population féminine réclame un accès plus facile au financement, certaines indiquent qu’elles profitent au contraire d’un traitement privilégié. “Je peux prétendre que grâce à ma féminité, j’ai pu accéder à des évènements de networking qu’autrement il m’aurait été impossible d’atteindre”, a indiqué Ameni Mansouri, cofondatrice de Dabchi.com. Et de conclure : “Pour réussir, tout comme les hommes, les femmes doivent lutter et travailler aussi dur que possible. C’est la seule formule pour réussir”.