Il fut un temps, pas très lointain, où il suffisait, sous nos cieux et pour tout un chacun, d’entreprendre des études, même sans être particulièrement poussées ni particulièrement brillant, pour accéder, sans grands soucis à un emploi. Le jeu était ouvert, l’offre dépassant souvent la demande, au point que le demandeur se trouvait, parfois, face à un embarras de choix.
Autre temps autre mœurs. Les données se sont, depuis, inversées. 15,5% de l’ensemble de la population active est inoccupée soit près de 640.000 sans emplois dont une majeure partie, plus de 40%, est titulaire d’un diplôme d’études supérieures. Paradoxalement les titrés rencontrent plus de difficultés à décrocher un job, amenant certains à sous-évaluer leur formation afin d’accéder à un premier emploi.
Une situation des plus préoccupantes et particulièrement stressante. Un diplômé de l’enseignement supérieur, sans emploi depuis plus de deux années voit ses chances de valoriser sa formation sur le marché du travail, réduites à néant! D’où cette question, inéluctable : les profils recherchés correspondent-ils aux attentes des employeurs que ce soit dans l’industrie, les services ou même dans l’administration ?
Le Baromètre 2018 des entreprises en Tunisie, dans sa 5ème édition publiée par le Cabinet Ernst and Young Tunisie, révèle que 38% des dirigeants d’entreprise citent le manque de compétences requises comme facteur qui explique, le mieux, l’évolution négative enregistrée dans la gestion des ressources humaines, soit 7 points de pourcentage de plus par rapport à 2016.
Un même pourcentage de dirigeants avance les départs, non souhaités, des meilleurs talents comme facteur indiquant le mieux l’évolution négative enregistrée dans la gestion des ressources humaines, soit 13 points de pourcentage de plus par rapport à 2016. Résultat, le marché de l’emploi fait face à un double problème, celui du manque de disponibilité des compétences d’une part et le départ, vers des cieux plus cléments et plus attractifs, des plus talentueux, d’autre part.
Ceci étant, la transition mondiale que nous vivons, avec l’avènement de la quatrième révolution industrielle, celle du passage de l’électronique au numérique, peut présenter une opportunité certaine de faire face à la demande additionnelle du marché, rattraper les retards accumulés et résorber une partie des diplômés sans emplois évitant ainsi de voir grossir leur rang.
C’est là qu’il importe de s’interroger si le cursus éducatif est en mesure, dans son actuelle configuration, de répondre aux besoins et demandes en compétences des employeurs. D’ici à 2030 de nouveaux métiers vont apparaître alors que d’autres n’existeront plus. Ne perdons pas de vue que cette perspective concerne les élèves actuellement au niveau du cycle de l’enseignement primaire !
Il importe donc de s’attacher, sans tarder, à la conception des formations qui conduisent à la maîtrise de ses compétences afin que les apprenants, futurs managers — entrepreneurs-décideurs, soient en mesure de créer de la valeur, quel que soit le secteur d’activité. Ils deviendront alors, dans le même temps et par eux-mêmes les acteurs de l’émergence de nouveaux métiers. Alors qu’il était demandé des têtes bien pleines, la recherche de compétences va porter, dorénavant, sur celle des têtes bien faites.
Ainsi au-delà des différents outils et autres programmes de perfectionnement qui fleurissent régulièrement, MOOC, E-learning, travail collaboratif à distance… c’est bien le statut de la connaissance de base qu’il est nécessaire de remettre en cause, au départ, si l’on veut appréhender, comme il se doit, ce concept de «métiers dits émergents»… les nouveaux métiers.
Les réponses qu’apporteront à ces questions, les universités et écoles d’enseignement supérieur, comme les établissements de formation professionnelle, détermineront l’avenir des demandeurs d’emplois, actuels et à venir!