Créances douteuses
L’ARP a voté hier un projet de loi permettant aux banques publiques de résoudre le problème des créances. Le texte vient modifier et compléter la loi n° 2015–31 du 21 août 2015 relative au renforcement et à la solidité financière de la BH et de la STB. Une avancée en matière de gestion bancaire publique mais des questions restent cependant en suspens.
L’article premier évoque le remplacement de la mention “Banque de l’Habitat et la Société tunisienne de banque” telle que figurée à l’intitulé de la loi n° 2015–31 du 21 août 2015 par la mention “les banques publiques”.
Soumises jusque-là aux restrictions de l’article 96 du Code Pénal sanctionnant la concussion dans le public, les banques publiques sont formellement interdites d’abandonner ne serait-ce qu’un millime du montant demandé, tant au niveau du principal que celui des intérêts de retard. Elles sont également sujettes à l’article 25 de la comptabilité publique obligeant de passer par une loi pour l’abandon des droits et créances revenant à l’Etat !
Le texte prévoit donc la mise en place d’un comité de contrôle de la réforme administrative et structurelle et des politiques de recouvrement et d’audit. Les conseils d’administration ou conseils de surveillance des banques publiques définissent et approuvent la politique de recouvrement de créances, délimitent les prérogatives des structures mandatées pour statuer sur les arrangements de compromis et décident des procédures à suivre, ainsi que des politiques et modalités d’arbitrage.
Ils approuvent les transactions relatives à ces créances avec les clients concernant l’abandon partiel ou total des créances portant sur le principal, les intérêts conventionnels et les intérêts de retard. Ce projet de loi vient donc pallier l’asymétrie jusqu’ici en vigueur avec les banques privées.
Luttons à armes égales !
Selon des experts de la place, l’objectif premier du projet de loi serait de permettre aux banques publiques de disposer des mêmes instruments que ceux des banques privées en matière de créances accrochées. Le secteur bancaire étant fortement concurrentiel, il n’est pas normal que les banques publiques soient lésées dans cette concurrence. Il faut avoir les mêmes armes.
En effet, pour les experts, on ne peut pas parler de solidité financière et reprocher aux banques publiques de ne pas être performantes, si d’un autre côté, on les prive des conditions qui le permettent. La bataille de la performance nécessite de ne pas être handicapé sur le terrain de la concurrence et donc de jouer à armes égales.
Les banques publiques, à travers cette loi, bénéficieront d’une certaine souplesse pour pouvoir se débarrasser des créances accrochées.
La crainte de la corruption
D’un autre côté, les craintes du régulateur et du citoyen persistent sur les risques de corruption relatifs à l’effacement des dettes de certaines entreprises. Il faut que la justice puisse jouer son rôle. A noter que le présent texte exclut les dettes qui sont traînées en justice. Par ailleurs, dans le cadre de ce que l’on appelle les contrats de performance entre le ministère de tutelle et les banques publiques, les experts indiquent que dans l’ensemble, il y a un respect des objectifs définis dans ces contrats-performances, mais grâce à ce projet de loi, les choses peuvent s’améliorer davantage.
Un texte qui s’inscrit pleinement dans la matrice des bailleurs de fonds
Le projet de loi figure dans la matrice des bailleurs de fonds et notamment le FMI, indiquent les experts. Il représente un signe pour rassurer les bailleurs de fonds sur l’assainissement du secteur financier.
Rappelons que l’annulation des créances douteuses des banques publiques est avancée comme une priorité par Moody’s lors de son dernier rapport sur la Tunisie estimant qu’une restructuration complète des banques du secteur public sera limitée jusqu’à ce que les problèmes de prêts puissent être réduits. Selon le rapport de l’agence, les banques publiques devraient être autorisées, en 2018, à abandonner les réclamations sur les créances douteuses, à l’instar des banques privées.
L’Agence avait recommandé aux autorités de trouver une solution pour restructurer complètement les portefeuilles des dettes accrochées, qui représentaient environ 22% du total des prêts des banques publiques en décembre 2016, contre environ 10% pour les banques du secteur privé. Moody’s précise que les créances improductives continueront de baisser légèrement en 2018 dans le cas de l’alignement des politiques d’abandon des créances entre les banques publiques et privées. Maintenant que c’est chose faite , espérons que le prochain rapport révélera des signaux positifs !