Textiles
Le développement d’une stratégie d’intégration des jeunes et de l’employabilité dans le secteur du textile et de l’habillement co-construite entre les établissements de formation et les industriels était le thème d’un workshop organisé ce matin à Tunis. L’atelier a été rehaussé par la présence de Slim Feriani, ministre de l’Industrie et des PME, de Saida Ounissi, secrétaire d’État à l’initiative privée, ainsi que de Rita Adam, l’ambassadrice suisse à Tunis. Focus.
Financé par le secrétariat d’État à l’Economie suisse d’une enveloppe de 4 millions de dinars et exécuté par l’International Trade Center, le programme GTEX est un projet d’assistance technique dont le but est de développer le secteur du textile et de l’habillement en Tunisie. D’une durée de trois ans (2018–2020), ce programme s’inscrit dans la continuité du projet d’appui à la Compétitivité de la chaîne de valeur du secteur textile et habillement (COM-TEXHA).
Une cinquantaine d’entreprises, spécialisées dans les filières denim, lingerie et maillots de bain, et vêtements de travail, seront ainsi accompagnées pour assurer leur passage de la sous-traitance/co-traitance vers le produit fini/développement de collections.
GTEX s’intéresse particulièrement aux problématiques liées à la diversification des sources d’approvisionnement des entreprises du secteur, aux défis spécifiques des entreprises du secteur situées dans les régions intérieures, ainsi qu’à l’adéquation entre les programmes de formation des jeunes et les besoins des professionnels.
Et c’est sur ce dernier point, l’intégration des jeunes et de l’employabilité dans le secteur du textile et de l’habillement, que s’est focalisé le workshop organisé ce matin.
Cette rencontre était l’occasion pour les différents acteurs du secteur — professionnels, institutions de formation, ministères, etc. — de présenter les problématiques du secteur et d’essayer de présenter des solutions adaptées.
Mind the gap
Le secteur du textile et de l’habillement est l’un des piliers de l’économie nationale, employant un tiers de la main- d’oeuvre industrielle, soit environ 178 mille salariés, a signifié Slim Feriani dans son allocution d’ouverture. Après une crise prolongée, les chiffres présentés par le ministre semblent indiquer le début de la relance du secteur: un taux de couverture de 123% et une croissance la plus importante dans l’industrie avec un taux de 60%.
Cette relance semble cependant menacée par le manque de main-d’oeuvre qualifiée qui fait que de 10 à 12 mille postes restent vacants dans les entreprises du secteur.
https://soundcloud.com/user-258292533/slim-feriani-ministre-de-lindustrie-et-des-pme
D’après une étude réalisée par l’ITC sur l’adéquation des programmes de formation avec les compétences recherchées dans le secteur, présentée par Sébastien Ioannitis-McColl, chef du projet GTex au Centre du commerce international, plusieurs problématiques liées à la formation ont été constatées. Parmi elles, Ioannitis-McColl a cité cinq principales lacunes:
- Un important écart entre la formation et les besoins de la filière en compétences, notamment pour le textile technique;
- L’obsolescence des contenus pédagogiques et du matériel utilisé dans les centres de formation;
- La défaillance du système d’information des institutions de formation, limitant la participation de certains professionnels aux sessions de formation;
- L’absence de critères de sélection fiables à l’entrée du cycle de formation;
- Et l’indisponibilité de certains profils demandés par le secteur.
Pour essayer de remédier à cette problématique, le gouvernement oeuvre pour la création d’unités d’appui au sein des fédérations et des organisations patronales visant à amorcer le dialogue entre le secteur public de la formation professionnelle et les industriels, a indiqué Saida Ounissi. Le but étant de permettre d’adapter les curriculums aux besoins réels du secteur. La secrétaire d’État a indiqué par la même occasion que le ministère oeuvre pour faciliter l’accès au chèque formation afin de permettre aux entreprises de former ses collaborateurs mais aussi de recruter du personnel compétent en fonction de ses demandes. Et d’ajouter : “Nous avons également facilité l’offre des formations”, a déclaré Ounissi. “Il est aujourd’hui possible d’avoir un certificat de compétences, fortement demandé par le secteur”.
Les besoins des professionnels du secteur restent cependant insatisfaits. Ces derniers proclament ainsi d’être intégrés dans un système de “gestion partagée” du dispositif de la formation professionnelle, a indiqué Ghazi El Biche, président de la commission Formation au sein de la Fédération tunisienne de textile et de l’habillement. Le but est de pouvoir revisiter en permanence le processus de formation afin de pouvoir apporter les modifications nécessaires pour l’adapter aux évolutions du secteur.
Le système même de formation est jugé obsolète par El Biche qui propose de créer un dispositif de formation moderne et approprié à la réalité tunisienne. Il appelle ainsi à délocaliser les bâtisses de formation à l’intérieur des usines, où les industriels seront impliqués directement par la formation qui, elle, devrait être pratique et spécialisée. Les tuteurs et les formateurs doivent eux aussi s’adapter à l’air du temps grâce à des formations continues et à la mise à jour des méthodes pédagogiques.
Mais tout cela sera en vain si les jeunes ne s’intéressent pas au secteur. Pour améliorer l’attrait du textile et de l’habillement chez les jeunes, El Biche recommande de revoir à la hausse la rémunération des apprenants: “Il n’est plus possible d’attirer les jeunes avec une rémunération de 180 dinars”, a-t-il indiqué. Le responsable a demandé également l’arrêt de l’admission automatique des porteurs des certificats d’aptitude professionnelle en formations de BTP. “Nous avons besoins d’ouvriers et nous sommes capables d’ embaucher directement ces dizaines de milliers de jeunes pour nos projets. Il faut arrêter de leur faire perdre du temps”.
Une stratégie du secteur au secteur
La stratégie Jeunesse Textile et Habillement du programme GTEX vise à améliorer l’attractivité du secteur pour les jeunes, identifier les opportunités de formation qui leur permettra d’acquérir les compétences dont le secteur privé a besoin, et les encourager à entreprendre dans le secteur afin de stimuler la diversification de la production.
Pour développer cette stratégie, l’ITC a opté pour une approche de co-construction: “Cette stratégie doit être élaborée par les acteurs du secteur pour les acteurs du secteur”, a insisté Sébastien Ioannitis-McColl.
Cette approche repose sur trois piliers clés. Il s’agit, d’abord, d’identifier les lacunes en matière de compétences, des besoins en termes de formation et des opportunités économiques. Pour ce faire, la collaboration des industriels et des professionnels du secteur est d’une première importance. Une fois les besoins et les opportunités sont identifiés, la stratégie adressera le lancement de nouveaux contenus techniques et professionnels de formation.
Deux principaux résultats sont attendus. Il s’agit de la mise en place d’une plateforme nationale de dialogue tripartite public-privé-jeunesse et de l’élaboration d’un plan d’actions avec des priorités clairement définies.