Les 5 et 6 avril, le ministère de l’Energie, des Mines et des Énergies renouvelables a organisé, sous le haut patronage du Chef du Gouvernement, Youssef Chahed, une conférence sur “l’accélération de la mise en oeuvre des programmes d’efficacité énergétique”. Cette initiative, menée avec le concours de l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) et avec l’appui du PNUD est destinée à informer sur les projets et objectifs fixés par les pouvoirs publics en matière d’efficacité énergétique, à tirer profit des expériences internationales et à élaborer les recommandations qui s’imposent pour accélérer la mise en oeuvre des programmes.
Martin Luther King disait “Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier” ! L’efficacité énergétique est la principale composante de la Contribution nationale déterminée de la Tunisie. Elle représente à elle seule plus de 50% des objectifs climatiques et environ 40% du besoin en financement. Dans ce domaine, il y a lieu de souligner que la Tunisie dispose d’une reconnaissance internationale qu’elle doit aux efforts consentis depuis plus de 30 ans. Pour cause, dans son rapport de 2017, la Banque Mondiale classe la Tunisie, pour ce qui est de l’efficacité énergétique parmi les 20 premiers pays sur 111.
En Tunisie, la consommation finale d’énergie a atteint 6775 mille tonnes équivalent pétrole en 2016, réparties entre les différents secteurs économiques : Transport 35%, Industrie 32%, Logement 17%, Services 9% et Agriculture 7%.
Simplification des procédures, cadre institutionnel, décentralisation : tout y est !
Le Chef du Gouvernement a annoncé une panoplie de projets, témoignant que la Tunisie prend à bras le corps la problématique. Un programme a été conçu, orienté sur les municipalités : “Alliance des communes pour la transition énergétique” (ACTE). Il vise à aider les municipalités à contrôler et à mettre en œuvre des stratégies locales pour la réalisation des objectifs énergétiques et climatiques. Un projet destiné à soutenir la mise en œuvre du programme ACTE sera mis en œuvre sur une période de trois ans. L’audit de 350 municipalités sera effectué. Sur le plan social, il a été décidé début 2019 de lancer un programme visant à réduire la facture d’énergie des ménages à faible revenu.
Ce projet concerne près d’un million de familles, qui consomment moins de 100 kilowatt-heure par mois. Une première phase sera mise en place dans la région de Tozeur. En avril 2018, un appel d’offres sera lancé pour la production d’électricité à partir des énergies renouvelables et concerne un investissement de près de 1800 millions de dinars, pour une puissance de 800 mégawatts, répartis sur Gafsa, Sidi Bouzid, Tataouine, Nabeul, Kebili.
La simplification des procédures administratives est également au programme ! Parmi les mesures prévues : réduire le nombre de licences à octroyer pour les projets à capacité limitée (moins de 1 MW), clarifier les procédures administratives par la préparation de manuels de procédures numériques (à la bonne heure !), fournir un accompagnement administratif aux investisseurs en créant un bureau d’appui et d’orientation.
La création d’un cadre législatif unifié pour les énergies renouvelables est également prévu. Ainsi que le renforcement des ressources du Fonds de transition énergétique. Il est à saluer les nombreuses actions ciblées, prévues pour renforcer la sensibilisation de la population, telles que les campagnes d’information et de communication nationale, prévues à partir du mois courant dans les écoles.
Les acteurs nationaux mènent également leur barque. Hamdi Harrouch, directeur général à l’ANME a annoncé l’interdiction des lampes incandescentes dès cette année, dans le secteur des bâtiments. Ainsi que le projet d’isolation thermique des bâtiments. Il révèle “en matière de cogénération, nous sommes à 109 MW cette année et l’objectif de 2030 est de passer à 730. Aussi, 2500 contrats-programmes doivent être signés. On recense 1480 signés jusqu’à fin 2017, dont 62% dans le secteur industriel.
Samir Chérif, chef de département à la STEG indique que d’ici 2019 un programme de développement de réseaux électriques intelligents, smart grids, sera en place. Une phase pilote à Sfax sera entamée en 2019, avec l’installation de 400 compteurs intelligents. Un deuxième projet, STEP, concerne le stockage de l’énergie. Pour la gestion de la demande, la STEG a privilégié les systèmes de tarification pour inciter les usagers à économiser de l’énergie. Mais aussi l’appui aux bâtiment avec le programme CES et les toits solaires.
Dans le sens des efforts déployés, Afif Chelbi précise que les secteurs énergivores en Tunisie, tels que les cimenteries et briqueteries ne sont quasiment pas exportateurs. Ils se sont vu assigner comme objectif la couverture des besoins locaux. “Il faut maintenir ces acquis”, précise-t-il.
“A titre d’exemple, si nos dizaines de cimenteries fonctionnaient uniquement au gaz, tout le gaz tunisien , hors production électrique, serait uniquement destiné aux cimenteries”, informe-t-il.
El Kebir Alaoui, représentant résident adjoint du PNUD en Tunisie, révèle que dans certains pays, l’efficacité énergétique est un facteur d’attractivité territoriale. Il insiste sur la nécessaire prise de conscience de tous les citoyens, d’où l’importance de la communication et de la sensibilisation. Il préconise d’avoir recours aux sciences sociales et psychologiques pour changer les comportements.
Une panoplie d’instruments pour le secteur industriel
Slim Feriani, ministre de l’Industrie et des PME rappelle que la part de l’industrie dans la consommation d’énergie est de 37%, avec 6% dans l’industrie de la construction. Les structures d’appui destinées à encourager les opérateurs sont nombreuses et ont fait leur preuve. Il cite notamment le Centre technique des industries mécaniques et électriques (CETIME) et le technopole de Borj Cedria. Ce dernier dispose d’un cluster spécialisé dans les énergies renouvelables. Pour ce qui est des incitations, un programme de mise à niveau pour l’encouragement vers la cogénération et la maîtrise de l’énergie est effectif. Le PNRI octroie également des primes pour financer des projets de recherches en mode PPP. A ce propos, Slim Feriani indique qu’un projet PNRI est actuellement en cours de réalisation par le CETIME, en partenariat avec l’ENIT, la STEG et l’ ANME.
Des privilèges fiscaux sont aussi à disposition des opérateurs. Nous citons l’exonération de droits de douanes et de TVA pour les intrants de chauffe-eaux solaires, les panneaux photovoltaïques et d’isolation thermique. Au niveau de la cogénération, un programme de développement de la cogénération a permis de créer 31 installations de cogénération opérationnelle. Dans le cadre des projets de cogénération, les établissements concernés peuvent bénéficier à travers le Fonds de Transition Énergétique d’incitations financières telles qu’une prime à l’étude de faisabilité allant jusqu’à 70% plafonnée à 30 000 dinars, une prime à l’accompagnement et à l’assistance technique jusqu’à 70% plafonnée à 70 000 dinars.
En ce qui concerne la certification pour le système de management des énergies ISO 50001, l’objectif du ministère est de certifier 300 entreprises d’ici 2020. Enfin, les incitations financières pour les entreprises comprennent une prime à l’accompagnement et la mise en place ainsi qu’une prime à la certification, toutes deux allant jusqu’à 70% et plafonnée à 70 000 dinars. Pour finir, Slim Feriani insiste sur l’importance de concentrer les efforts sur l’innovation; prenant pour exemple une startup tunisienne rencontrée lors du Tunisia Digital Summit la semaine dernière, qui a développé une application permettant de réduire la consommation d’énergie de 30 à 40% ! Il nous rappelle ainsi que le potentiel des jeunes en Tunisie peut représenter une mine d’or pour le secteur de l’efficacité énergétique.