Hier, 26 décembre 2024, le président de la République a évoqué en conseil des ministres des projets de loi et d’amendement du code du travail, concernant l’activité de sous-traitance.
En effet, la sous-traitance, bien qu’elle soit un levier important pour certaines entreprises, soulève plusieurs questions, notamment en ce qui concerne les conditions de travail et les droits des employés.
Pour mieux comprendre les enjeux de cette question, nous avons pris contact avec l’avocat Maher Snoussi, qui a exprimé des réserves importantes sur le modèle de la sous-traitance tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en Tunisie. Selon lui, ce système est non seulement juridiquement contesté mais aussi humainement inacceptable. “C’est un modèle contesté d’un point de vue juridique et humain. Ce qu’on reproche à cette pratique, c’est que l’employé est exploité en tant que service”, explique-t-il. En d’autres termes, la sous-traitance transforme l’employé en une sorte de ressource interchangeable, souvent mal rémunérée, dont les conditions de travail ne sont pas parfois adéquatement protégées par la législation en vigueur.
Tout d’abord, pour définir l’activité de sous-traitance, on peut dire que « c’est une relation tridimensionnelle, entre l’entreprise qui demande le service, une société intérimaire, et l’employé ». Dans ce contexte, l’entreprise signe un contrat commercial avec la société intérimaire pour engager temporairement un employé dans le cadre d’un contrat de prestation de services. La relation de travail, quant à elle, est conclue entre la société intérimaire et le salarié. Il convient de rappeler que les sociétés de sous-traitance de personnel sont régies par le Code du travail tunisien, qui encadre leurs pratiques et leurs obligations vis-à-vis des employés et des autorités sociales.
Le problème majeur en Tunisie réside dans l’exploitation des travailleurs sous un contrat précaire, les réduisant à une simple marchandise. Cette situation empêche de garantir une protection adéquate, tant sur le plan financier que social. Les travailleurs sous contrat de sous-traitance se retrouvent souvent dans une situation de grande vulnérabilité, avec des conditions de travail insatisfaisantes et des garanties sociales insuffisantes. Un autre phénomène alarmant est celui des licenciements abusifs. Un exemple notable est celui des 26 chauffeurs et accompagnants de la Société régionale de transport de Sfax, qui ont été licenciés sans raison valable, mettant en lumière l’injustice que subissent certains employés dans le cadre de la sous-traitance.
Me Maher Snoussi, avocat, a souligné que « le système en place en Tunisie est un système féodal » qu’il convient de réformer. Une telle réforme serait bénéfique pour l’économie, pour la stabilité sociale et pour les droits des travailleurs.
Selon lui, au lieu d’éliminer les sous-entreprises, il serait plus judicieux de réglementer le secteur pour garantir les droits des employés et mettre fin à l’exploitation abusive. En effet, la suppression des sous-traitants pourrait aggraver la situation du chômage et compliquer la tâche des entreprises dans leur recherche de main-d’œuvre. Il est donc essentiel de trouver un équilibre qui permette aux entreprises de recourir à la sous-traitance tout en assurant la protection des travailleurs.
Me Snoussi a également précisé que le problème ne réside pas dans le cadre législatif en soi, mais plutôt dans la pratique de la loi. Il estime qu’il est nécessaire d’intervenir législativement pour humaniser cette pratique et la rendre conforme aux normes internationales en matière de travail.
En Tunisie, l’activité de sous-traitance concerne principalement le secteur privé, après l’interdiction, par la présidence, de la signature de nouveaux contrats de sous-traitance à partir du 23 février 2024.