Dans le cadre du quatrième podcast de la série CJD TALKS 2024, Khalil Laabidi, expert en fiscalité et développement des affaires, examine la loi de finances 2025 en Tunisie. Cette nouvelle loi représente-t-elle un véritable tournant pour relancer l’investissement en Tunisie ?
La loi de finances 2025 reflète un contexte économique complexe, marqué par une stagnation de l’économie, des réformes inachevées et des priorités budgétaires axées sur le social plutôt que sur la relance économique. Le financement de ces mesures sociales repose en grande partie sur l’augmentation des impôts, une solution qui suscite des critiques en raison de son caractère peu durable.
La Tunisie fait face à une pression fiscale déjà élevée, étant parmi les pays africains les plus taxés. Augmenter encore les impôts pour combler le déficit budgétaire risque d’aggraver une situation économique déjà fragile. L’absence d’une réforme fiscale complète, visant à élargir la base imposable et à inclure le secteur informel, est un obstacle majeur. Le secteur formel supporte actuellement jusqu’à 40 % des taxes, tandis que le secteur informel reste largement exempté, ce qui pousse de plus en plus d’entreprises à se tourner vers l’informel, privant ainsi l’État de recettes fiscales essentielles.
L’approche actuelle qui privilégie la fiscalité accrue pour financer les dépenses publiques est jugée insoutenable par Laabidi, qui insiste sur la nécessité de miser sur une croissance durable. Il propose d’exploiter les ressources naturelles du pays, telles que le phosphate et les énergies renouvelables, pour diversifier les sources de revenus. Par exemple, bien que le Plan Solaire Tunisien vise à atteindre 35 % d’énergie renouvelable d’ici 2030, seuls 5 % des objectifs ont été réalisés à ce jour. Un investissement accru dans ce secteur pourrait réduire la dépendance énergétique du pays et économiser les 8 milliards de dinars alloués chaque année aux hydrocarbures.
Le phosphate, autrefois une ressource stratégique, illustre également cette stagnation. Avec une production annuelle dépassant les 8 millions de tonnes, la prévision pour 2025 est de seulement 5 millions de tonnes. Pour relancer l’investissement, Laabidi propose une stratégie qui met en valeur les atouts de la Tunisie, notamment le phosphate, les énergies renouvelables, et l’ouverture vers des marchés tels que l’Europe, l’Asie et l’Afrique subsaharienne.
La relance économique passe par un renforcement de l’investissement public dans des secteurs clés tels que les infrastructures, la digitalisation et les transports. Des projets comme l’extension du réseau autoroutier et l’amélioration des ports et aéroports peuvent jouer un rôle clé pour attirer des investissements privés. Laabidi met également en avant l’importance des partenariats public-privé (PPP), qui, malgré une loi en vigueur facilitant leur mise en œuvre, restent encore sous-exploités.
Pour encourager l’investissement, il est essentiel de simplifier les procédures administratives, digitaliser les services publics et rétablir la confiance en luttant efficacement contre la corruption. Le renforcement des relations économiques internationales, notamment avec des voisins comme l’Algérie et la Libye, et l’ouverture vers l’Afrique subsaharienne, est également une priorité.
En conclusion, bien que la loi de finances 2025 permette de boucler le budget de manière maîtrisée, elle ne constitue pas une véritable stratégie de relance. Pour inverser la tendance, la Tunisie doit se concentrer sur trois axes stratégiques : les énergies renouvelables, la digitalisation de l’administration et le phosphate. Ces secteurs, bien qu’ils nécessitent des investissements initiaux modérés, ont un potentiel significatif pour soutenir la relance économique du pays.