BVMT
Article paru dans le numéro 225 du magazine Le Manager.
Par Hend Falleh
Afin de sensibiliser les investisseurs et les sociétés cotées aux enjeux de la RSE, la bourse de Tunis a organisé, début novembre, une rencontre autour de ce thème, mobilisant pour l’occasion un panel de qualité afin de rendre compte de la nécessité d’intégrer une politique sociale et économique, responsable.
https://lemanager.tn/fet2016-a90b613f7c04
Faisant partie depuis octobre 2015, du fond vert pour le climat (mécanisme financier de l’ONU), la Bourse de Tunis ne pouvait se montrer que favorable à une politique de la RSE. Bilel Sahnoun, directeur général de la Bourse a appelé les entreprises à ne pas se limiter à leurs dimensions économiques, mais d’intégrer également la dimension sociétale et environnementale de leur écosystème. Il a déclaré à l’ouverture de cette rencontre que : « En tant que point de rencontre de grande et de moins grande entreprise qui ont un poids dans l’économie et qui associe le public à leur capital, la Bourse est considérée comme le catalyseur potentiel de la responsabilité sociétale de l’entreprise. »
La RSE est-elle seulement une question d’éthique ?
Peut-on faire partie des pollueurs de la planète et se suffire de construire une école ou restaurer un club pour enfants. Hélas nombre d’entreprises en Tunisie pensent amortir les méfaits de leurs industries en optant pour une action de grâce, survenant en général, à un moment critique de leur existence où leur image se doit d’être redorée.
À cela, Zied Kadhi, directeur de Key consulting répond : « Une démarche RSE doit être une démarche structurée, ce n’est pas parce qu’une société fait des dons par-ci par-là, qu’elle peut se revendiquer comme responsable. Une bonne démarche RSE doit être cohérente avec les impacts de son entreprise sur l’environnement pour éviter le phénomène de “social washing”. Et par environnement j’insinue tout ce qui est en interaction avec elle : population, biosphère, structure sociale, … »
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L’entreprise se doit donc de montrer une bonne image, mais également d’ancrer la démarche RSE dans son quotidien en ciblant de telles priorités et en œuvrant à minimiser l’impact négatif qu’elle peut engendrer.
Zied Kadhi poursuit dans cette logique : « Une bonne politique RSE permet à terme de réduire le business risque à travers l’enjeu international. Lorsque l’on est dans une démarche qui souhaite attirer le plus grand nombre d’investisseurs, nous nous devons de respecter la politique des grandes marques qui exige de leurs fabricants et sous -traitants une totale conformité aux normes de sécurité. Il suffit de faillir à l’une de ces normes pour perdre un client. De là commence une spirale infernale».
La RSE constitue donc un moyen de maîtrise du risque lié à ses parties prenantes, qu’il soit environnemental, juridique, social ou financier.
La RSE : un levier pour les entreprises ?
L’impact financier d’une bonne politique RSE est donc incontestable, à l’heure de la mondialisation, nous devons impérativement nous conformer aux règles étiquetées par les grandes multinationales. Avec une concurrence de plus en plus accrue venant du Maroc et des pays asiatiques, les entreprises tunisiennes n’ont alors plus de choix que de se conformer aux exigences des investisseurs et s’y atteler afin de garantir la pérennité de leurs activités.
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L’impact environnemental est également de mise, puisque la Tunisie a signé en 2015, l’accord de la COP 21 où elle s’engage à faire baisser son émission de carbone de 41%. Amel Jrad, directrice générale du centre international des technologies environnementales de Tunis (CITET) s’exprime sur ce sujet : « lors de la COP 21, nous nous sommes engagés pour une économie plus responsable envers la nature. La COP 22 apportera les appuis financiers nécessaires à ce changement, mais ce que nous ignorons c’est que les fonds seront essentiellement privés. Si nous ne faisons pas preuve de notre implication dans les démarches RSE grâce à des bilans annuels et réels nous ne pouvons espérer que ces donateurs aient foi en nos initiatives. »
Comment mettre en place une stratégie RSE ?
Selon Zied Kadhi, une bonne démarche RSE est une démarche qui se construit sur le moyen et le long terme. Elle doit également être mesurable grâce à des indicateurs de performance.
A vrai dire, une stratégie efficiente commence tout d’abord par le choix d’un référentiel, ce qui n’est pas toujours évident vu l’éventail proposé. Si pour le cas d’une filiale, le choix est rapporté à la politique du groupe, il dépend du besoin de l’entreprise si cette dernière est indépendante. Par la suite, ce référentiel devra être assimilé et adapté aux exigences de la société, ce que Zied Kadhi appelle « l’appropriation en interne du référentiel ».
En veillant continuellement à impliquer le plus grand nombre d’employés et en communiquant efficacement, l’entreprise garantit la réussite et la pérennité de sa démarche RSE. Elle se doit également de comprendre son contexte, et de connaitre les relations qui la lie à ces différentes parties prenantes afin d’analyser leurs besoins et leurs attentes et identifier les risques et les opportunités liés à cela.
Pour finir, la démarche RSE crée un besoin de reporting qui valorise d’une part les efforts fournis et met le doigt sur les lacunes à combler. Un moyen efficace de s’auto-évaluer et d’exposer un bilan transparent aux éventuels collaborateurs.
Afin d’épauler les entreprises tunisiennes dans cette nouvelle aventure, la CITET (centre international des technologies de Tunis) propose plusieurs structures d’accompagnement telles que des formations, pour développer des compétences au sein même des entreprises. La CITET a également mis en place un référentiel privé avec la CONECT et un référentiel national qui cible la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption.
Amel Jrad insiste sur l’importance d’être soutenu par un organisme compétent afin de réussir une transition vers la RSE : « il existe des organismes publics et privés qui viennent assister les entreprises. La mise en œuvre d’un programme RSE n’est pas la seule chose, un suivi est nécessaire, et l’entreprise doit investir pour assurer la pérennité de ses actions et respecter les lois. »
Plusieurs mécanismes d’incitations tels que le FODEP, PROSOL ou encore le FTE et le FODEC soutiennent les entreprises souhaitant adopter une politique RSE et leurs viennent en aide grâce à des financements et un suivi. De nombreuses startups proposent à leurs prestataires un bilan complet de leur consommation d’énergie et une stratégie pour minimiser les dépenses s’y rapportant. Dhia Ben Letaifa en sa qualité de représentant du centre des jeunes dirigeants (CJD) déclare à ce sujet : « en Tunisie il existe des startups qui vous permettent de faire des gains d’énergie de 30 à 40% sur votre facture globale. »
Les difficultés rencontrées ?
Le non-respect des lois est l’une des plus grandes tares qui handicape le système tunisien. Dans ce cas c’est la non-application de la loi qui pose problème. Puisque qu’il n’incombe pas aux pollueurs de payer des taxes, à quoi bon intégrer à leur entreprise des démarches coûteuses dont ils ne voient pas l’intérêt.
Pour l’occasion la Bourse de Tunis a convié trois entreprises cotées afin de parler de leurs expériences en matière de RSE : l’UBCI, la SOTUVER et la SFBT. Tous confirment qu’être impliqué dans une démarche RSE confère une certaine légitimité et permet d’être en phase avec la société et les exigences du moment. C’est aussi un moyen de favoriser les financements et d’améliorer l’image de marque de la société. Être responsable c’est également être rentable et renforcer la stabilité économique et sociétale du groupe.