Avec le temps nous sommes parvenus à comprendre qu’être à la tête d’une société ne consiste pas seulement à diriger d’une poigne de fer ses employés, à avoir un sens aiguisé de l’organisation et du savoir-faire. Mener ses troupes, c’est être à l’écoute, faire de l’humanisme son point fort et du respect le réactif de ce microcosme qu’est l’entreprise.
Pour ce mois de mai, Le Manager rend hommage aux mamans et trace le portrait d’une femme d’exception, qui a su briller en tant que femme d’affaires, tout en préservant son cocon familial. Un exemple à suivre pour toutes les Tunisiennes qui ont soif de succès et qui ne lésinent pas sur les moyens pour y arriver.
Mme Henda Rekik a entamé ses études d’ingénierie à l’Ecole nationale d’ingénieurs de Sfax, surprenant ainsi plus d’une personne dans son entourage.
Elle s’exprime sur ce sujet et sur ce choix qui a modulé sa vie : “Mes parents auraient préféré me voir tenir un poste de professeur ou médecin, voyant dans l’ingénierie un univers purement masculin. Néanmoins, et cela depuis mon plus jeune âge, j’ai compris que pour avancer et réussir dans la vie, il fallait faire ce que l’on aimait, ne tenir compte d’aucun jugement extérieur, d’aucune remarque pouvant nous freiner. Me fixer un but et tout faire pour l’atteindre, c’est ce qui m’a aidée dans ma carrière.”
Et ce n’est pas le palmarès de postes que Mme Rekik a occupés qui dira le contraire. Ayant débuté chez l’un des plus grands constructeurs automobiles, en matière de câblage, le groupe CHAKIRA, cette dernière avoue avoir été très bien accueillie et même choyée pour avoir été la première femme ingénieur tunisienne à travailler dans le groupe.
Ce premier emploi l’a notamment initiée au monde de l’automobile, qu’elle affectionne particulièrement. Ce fut donc un tremplin de carrière mais également une initiation au monde du management.
Portant en elle une curiosité insatiable et l’amour du challenge, Mme Rekik aime renouveler ses expériences, diversifier ses orientations. Son parcours professionnel dénote bien cette verve qui l’habite : chef de projet chez Henkel, directeur général adjoint à Autoliv et Valeo, mais également dans divers secteurs tels que les cosmétiques, l’industrie pharmaceutique, etc.
Sa réputation de femme tenace, persévérante et toujours optimiste a été déterminante dans les diverses opportunités de carrière qui lui ont été offertes, car Mme Rekik conçoit son métier non pas comme une tâche devant être accomplie, mais comme un surpassement de soi, un moyen d’exceller de par son apport à la société.
Elle se confie au Manager avec une surprenante sensibilité et prouve que l’on peut rester femme, même lorsque l’on est à la tête d’une société. Cette force, elle la puise dans les valeurs inculquées par ses parents qui ont toujours cru en elle : “Mes parents m’ont appris une valeur — qui malheureusement se perd de plus en plus — celle du travail, de l’amour du travail. Sans quoi, rien n’aurait de sens dans la vie. L’organisation, le bon agencement des tâches à accomplir, le respect des autres, l’humilité et surtout la modestie sont des valeurs qui m’ont suivi tout au long de mon parcours et pour lesquelles je ne serais jamais assez reconnaissante envers ces deux êtres qui m’ont élevée.”
Le secteur automobile a néanmoins était le péché mignon de notre wonder woman. Entre ses diverses expériences, elle avoue avoir toujours eu besoin de revenir vers ce secteur, s’y ressourcer, y trouver l’esprit d’organisation, de progrès continu qui l’attire tant.
Actuellement à la direction du groupe Faurecia, Mme Rekik a eu, depuis un an, la lourde tâche de remettre sur pied le site de Ben Arous. Le groupe est un acteur majeur de l’industrie automobile à l’échelle mondiale et leader du marché en matière d’équipement automobile — sièges automobiles, tableau de bord, pièces de carrosserie, etc.
À la suite de la Révolution et du climat social et politique instable du pays, l’entreprise avait connu un nombre important de grèves ralentissant, d’une part, la productivité et faisant perdre à la société un grand nombre de marchés au bénéfice de pays concurrents tels que la Roumanie et le Maroc, d’autre part.
Madame la directrice voit la situation d’un œil critique mais non dénué d’optimisme : “La main-d’œuvre tunisienne est excellente. Nous avons des compétences qui sont hélas tentées de quitter le pays pour trouver mieux ailleurs. Nos prix restent également extrêmement compétitifs avec des résultats répondant à toutes les normes internationales. Tout cela tendrait à faire de la Tunisie le leader en matière de fabrication automobile et dans divers autres secteurs. Malheureusement la révolution des esprits est loin d’être entamée, et c’est ce qui, de mon humble avis, devrait être fait en premier. Faire naître dans chaque employé l’esprit de citoyenneté d’une part, et la conscience professionnelle, d’autre part”.
Mme Rekik se distingue donc de ces prédécesseurs étrangers par l’amour qu’elle voue à la patrie, ne cherchant pas à faire de la politique car elle est plutôt d’un naturel à encourager le dialogue, à partager ses expériences et à inculquer les bonnes valeurs.
Son apport à l’entreprise fut d’une importance capitale. Occupant le poste depuis mai 2015, elle s’est immédiatement focalisée sur le capital humain de la société, améliorant ses conditions de travail (vestiaire, réfectoire) et mettant sur pied des cycles de formation afin de sensibiliser les employés au travail et à l’esprit d’équipe. Elle a néanmoins dû faire face à une nouvelle grève au mois d’avril, qui a, hélas, remis en péril le nom du site.
“Un mal pour un bien,” confirme cette dame au grand cœur, “je comprends, désormais, les attentes de mes employés, leur façon de faire. Cette grève a certes causé des pertes immenses, mais m’a permis de mieux cerner l’esprit de Faurecia. Mon but est désormais de prouver au monde entier que la Tunisie peut être digne de confiance, et que le secteur peut très vite renaître de ses cendres.”
Un gage d’optimisme donc et une détermination à toute épreuve, voilà le portrait que nous laisse entrevoir Mme Rekik, femme tunisienne, dirigeante et humaine.