La Tunisie se trouve actuellement dans une stratégie de rupture totale et de refonte de son dogme politique.
Nouvelle Constitution, nouveau paysage politique, nouvelle politique étrangère; bref, une remise en cause totale de son mode de fonctionnement et de ses alliances.
Dans le domaine économique, et c’est le plus important, on demeure dans l’attente de pas concrets et de la mise en place d’une nouvelle stratégie.
L’Afrique demeure un espace économique et politique mal exploité par la Tunisie.
Dans sa politique des visas, seuls 13 pays en sont exemptés en Afrique, dont ceux du Maghreb: Algérie, Maroc, Mauritanie et Libye.
Pour l’Afrique subsaharienne, seuls le Gabon, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, les Comores, la Guinée équatoriale, le Bénin et la Guinée sont exemptés du visa d’entrée en Tunisie, et ce, dans le cadre de la réciprocité.
Pourquoi uniquement ces pays et pas les autres, notamment ceux qui pèsent économiquement, comme l’Égypte, le Nigeria, le Ghana, l’Éthiopie ou l’Afrique du Sud?
Aucune réponse ou logique n’a pu être donnée par le ministère des Affaires étrangères, qui se cache toujours derrière le ministère de l’Intérieur, qui fixe réellement la politique des visas et de l’accès au territoire national.
On pose toujours le problème sécuritaire, le terrorisme, la migration illégale; or, des pays comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Nigeria ou le Ghana ne constituent nullement un danger sécuritaire ou migratoire, étant anglophones et majoritairement chrétiens.
Les ressortissants des pays du Sahel, où les mouvements terroristes sont actifs, comme le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, peuvent entrer en Tunisie sans aucune gêne. Ce qui démontre que l’argument sécuritaire ne tient pas.
La Tunisie a tout à gagner avec la refonte de sa politique de visas, et ce, en supprimant l’exigence de visas pour tous les pays africains ou en instaurant au moins une plateforme digitale de e-visa.
Car la Tunisie ne dispose en Afrique que de 12 ambassades; or, pour qu’un Togolais puisse avoir un visa, il doit se déplacer au Congo RDC ou en Côte d’Ivoire, ce qui bloque les étudiants, hommes d’affaires, malades ou simples touristes pour aller en Tunisie.
La conséquence de cette politique est de deux types: cela rend très difficile le déploiement des Tunisiens et notamment des hommes et femmes d’affaires dans ces pays, qui exigent, et c’est leur droit le plus absolu, des visas, parfois complexes et coûteux.
A titre d’exemple, pour avoir un visa pour visiter le Congo RDC, il faudra produire entre autres un bulletin n°3, trois extraits bancaires, une réservation d’hôtel et une lettre d’invitation d’une entreprise installée en RDC, validée par le ministère de l’Intérieur et surtout s’acquitter de la somme de 600 TND comme frais de dossier.
En outre, la RDC ne délivre qu’un visa avec une seule entrée et 3 mois de validité, comme réponse à la politique de la Tunisie.
La seconde contrainte, c’est la limitation des visites des hommes d’affaires, des étudiants, des touristes et des personnes voulant se soigner en Tunisie.
Il faut savoir que nos compétiteurs en matière de services, telle la Turquie, dispensent la majorité des ressortissants africains de visas d’entrée.
Idem pour le Maroc, qui octroie en outre pour les étudiants subsahariens une carte de séjour de 3 ans, avec possibilité de travailler au Maroc durant leurs études.
Récemment, l’Égypte s’est positionnée en Afrique avec la refonte de sa politique d’entrée, et ce, en mettant en place son service e-visa et en octroyant aux étudiants africains plusieurs bourses d’études. Elle vient juste d’octroyer 300 bourses annuelles à des étudiants mauritaniens, dans le cadre d’une convention signée entre les deux pays.
On espère que la nouvelle politique de rupture opérera un changement vis-à-vis de notre continent africain.