A travers notre parcours universitaire ou professionnel, nous avons tous , à un moment donné, entendu parler de RSE. Force est de constater qu’elle prend de nos jours de plus en plus de place dans les discours, les débats politiques, et les préoccupations de la société. C’est une évidence, la donne actuelle impose une nouvelle logique: l’entreprise n’est plus redevable envers ses actionnaires seulement, mais, aujourd’hui, envers tous les acteurs économiques en relation de près ou de loin avec elle. D’ailleurs, la RSE s’érige aujourd’hui et de plus en plus comme une des conditions de la pérennisation de l’entreprise .
La deuxième édition du HEC Finance Forum, organisée par l’association HEC Finance Academy, le 7 mars 2018, s’est pleinement consacrée à cette thématique, afin d’aider à répandre une véritable culture RSE, en commençant par les jeunes. “La Responsabilité sociétale des Entreprises: Enjeux et Perspectives en Tunisie”, sujet du jour, a regroupé un ensemble d’experts et représentants du secteur privé. La Bourse de Tunis était aussi à l’honneur, représentée par son directeur général, M.Sahnoun Bilel. Plusieurs ministres et députés ont également été de la partie: M. Riadh Mouakher, Ministre de l’Environnement et des Affaires Locales, M. Slim Feriani, Ministre de l’Industrie et des PME, M. Zied Laadhari, Ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale , M. Slim Besbes, député et ancien ministre des Finances, et Mme Leila Ouled Ali.
La finance s’y met aussi!
En France, les lois Grenelle I et II imposent un devoir d’information pour les sociétés cotées. Les groupes concernés doivent informer les tiers des pratiques mises en place intégrant les préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités. En Tunisie, nous y sommes aussi ! La BVMT, qui, pourtant, n’a aucune activité polluante ou menaçant l’environnement, est un bel exemple à suivre en la matière. Convaincu que ce sont les grandes entreprises qui doivent donner l’exemple pour créer un effet d’entraînement, M. Bilel Sahnoun a donné quelques exemples des actions entreprises dans ce sens. La Bourse de Tunis, qui a adhéré en 2015 au Pacte des Nations Unies sur le Développement Durable et sur la RSE, a demandé aux entreprises cotées de prévoir, dorénavant, dans leurs rapports d’activités annuels , tout un chapitre sur leurs actions en matière de RSE, outre les rencontres organisées par la BVMT, pour sensibiliser les différents acteurs de la place sur l’impact positif de la RSE. Autre initiative témoignant de l’engagement de l’institution : la Bourse de Tunis est devenue, en octobre 2015, la deuxième place de la région MENA à rejoindre le Sustainable Stock Exchange, regroupant aujourd’hui 70 bourses à travers le monde. Pour Bilel Sahnoun, une entreprise ne pourra assurer sa pérennité qu’à travers la triple performance économique, environnementale et sociale . Il existe indéniablement un lien étroit entre RSE et performance , la “SOTUVER”, un exemple qui est sans doute ignoré de tous, a par exemple généré 470 000 dinars à travers un programme de collecte, et ce, dès la première année. Aujourd’hui ,ce sont les green bonds qui ont la cote auprès des entreprises ! Bilel Sahnoun annonce que le marché mondial des green bonds devrait atteindre les 200 milliards de dollars cette année, contre 155 milliards en 2017.
Communication et implication ne sont pas encore rigueur
“Il faut donner les informations nécessaires sur les réussites des entreprises dans leurs démarches RSE, et il y en a beaucoup dont on n’entend pas parler!” insiste M. Bilel Sahnoun. Et c’est à l’Etat de jouer le rôle de promoteur, en imposant par exemple une politique RSE pour les adjudicataires des marchés publics. “Il faut élargir la RSE au maximum d’institutions, car elle est l’affaire de tous: administrations et institutions de l’Etat, de la société civile, des chambres de commerces, des ordres professionnels… On doit développer un label tunisien et c’est à l’Etat de donner l’exemple, lui qui est à la fois acheteur, vendeur et recruteur” .
La RSE, c’est une question de culture
“ Une démarche RSE, c’est surtout et avant tout une question de croyance et de culture” témoigne M. Abdelkader Boudrigua, expert en économie. Il est d’avis que la question de la RSE renvoie à des questionnements philosophiques, tels que “pourquoi les gens créent -ils des entreprises? Est-ce pour le profit ou cherchent-t-ils autre chose?”. “ Les vrais bâtisseurs créent des entreprises animés par leur foi en des valeurs et des causes et non seulement par la recherche de profit”. Il souligne , par ailleurs , l’importance d’organiser ce genre de rencontres dans les universités, les étudiants étant les managers et entrepreneurs de demain. Les entreprises qui réussissent le mieux sont celles qui adoptent une logique d’alliance dans leur relation avec les employés. Pour cause, une étude a été menée sur les entreprises de la Sillicon Valley, cherchant à mieux comprendre pourquoi sont-elles les plus créatives du monde. Il a été justement démontré que ces entreprises ont instauré comme base une relation d’alliance liant l’employeur au salarié. Il s’agit, selon M.Abdelkader Boudrigua, “d’intégrer la RSE non pas seulement par contrainte légale, mais aussi dans les pratiques managériales, ainsi que dans la stratégie de l’entreprise”.
Serions-nous en marche vers la démocratisation de la RSE
Bonne nouvelle ! Un ensemble d’initiatives semblent se mettre en place, aussi bien par le secteur public que privé. Riadh Mouakher cite notamment·, les formations dispensées par le CITET au profit d’un certain nombre entreprises sur la RSE, la convention signée le 17 juillet 2012 entre le Ministre chargé de la gouvernance et l’INNORPI en vue d’implanter les mécanismes de la gouvernance dans les secteurs public et privé à travers la généralisation des normes relatives à la démarche qualité et à la Responsabilité sociétale et aussi pour adopter le Référentiel National de la Gouvernance — RNGT, le « Label RSE Tunisie » relatif à la promotion de la RSE, conçu et élaboré par la CONECT et ses partenaires (CITET et APII).
L’institutionnalisation serait même en marche; un projet de loi a été proposé, il est en cours de discussion à l’ARP. Il vise, entre autre, l’institutionnalisation du dialogue social à travers la création d’un Conseil National du Dialogue Social. Riadh Mouakher témoigne: “Conscients de l’impact positif de la RSE en tant que composante du développement durable, nous avons opté pour l’élaboration d’une stratégie nationale permettant de créer des synergies entre toutes les initiatives et de promouvoir son intégration par l’entreprise tunisienne, notre rôle en tant que ministère chargé du dossier développement durable est d’inciter les entreprises quel que soit leurs tailles, leurs domaines d’activité, et leurs nationalités à intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans leur gestion quotidienne. Cette initiative contribuera à la mise en application des principes de la nouvelle constitution en matière de droit de l’homme; du développement durable et des droits des générations futures et de bonne gouvernance et la lutte contre la corruption”.