Jeudi matin, un communiqué de l’UTAP paraît, dans lequel celle-ci exhorte les éleveurs de volaille à diminuer la production de 50%. Le syndicat a mentionné le coût élevé de la production d’un kilogramme de poulet vivant. L’organisation agricole a exhorté les agriculteurs à être solidaires et à rejeter les pratiques arbitraires des entreprises qui dominent le secteur et qui leur ont infligé de lourdes pertes. De plus, il y a également eu jeudi matin une réunion au ministère du Commerce pour fixer le prix de la viande de poulet. Ce prix, baissé par rapport au prix original, ne couvrirait pas les coûts de production et ne permettrait pas au producteur de dégager une marge suffisante.
“En un jour, le prix de vente du poulet a augmenté de plus de 15%”
Leith Ben Becher, cofondateur et ancien président du SYNAGRI, actuel vice-président et membre du bureau exécutif, a affirmé que ce matin, il y a eu une réunion au siège du ministère du Commerce pour arrêter le prix du kilo de chair de poulet, avec l’idée de le relever en prenant en considération l’élévation du coût de production. Cette augmentation est liée à celle des deux produits essentiels de l’élevage : le maïs et le soja. Hier, il y avait la manifestation que le SYNAGRI a soutenue qui s’était dirigée vers le palais présidentiel.
La baisse de prix serait inutile puisqu’il y a des problèmes au niveau de l’ensemble de la chaîne. Ben Becher explique qu’il faut changer les prix de toute la chaîne : dès lors que les prix sont fixés en aval à la production, il faut les fixer en amont au niveau des matières premières consommées par les volailles. Dès lors que l’on appelle les agriculteurs à baisser de 10% leur prix, il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau car la filière volaille est détenue à 70% par trois grands opérateurs. Cela biaise toutes les opérations.
L’impact de ces trois opérateurs est tel qu’une décision de l’un d’eux a augmenté en un jour le prix du poulet de plus de 15%. Ben Becher a déclaré que le prix ne s’est pas effondré en raison d’une surproduction. Il y a une semaine, quand l’un de ces trois opérateurs a diminué l’alimentation du marché, les prix ont augmenté de 3,500 dt à plus de 4 dt. Pour lui, la solution est claire : “C’est une question de régulation du marché qu’il faut revoir de fond en comble, avec la remise à plat du rôle du GIPAC (Groupement Interprofessionnel des Produits Avicoles et Cunicoles). Ce groupement n’est pas assez efficace dans son rôle de régulation. Il ne fait que proposer des prix et des décisions qui sont ensuite ratifiés par le ministre de l’Agriculture”
Ben Becher dénonce l’absence de régulation de l’Etat
Ben Becher évoque l’absence d’autorité régulatrice puisqu’il n’y a actuellement pas de ministre de l’Agriculture. “Là où le bât blesse actuellement, c’est que nous n’avons pas de ministre de l’Agriculture. Toute la filière est à revoir. Il y a énormément d’intérêts et d’exigences à respecter. Les prix sont plus ou moins libres à l’importation. Quelques avantages fiscaux sont accordés à certains.”
Ben Becher définit la situation en tant que monopsome, c’est-à-dire un ou deux vendeurs pour une multitude d’acheteurs, pour tout ce qui est élevage de poulet de chair. “Il y a des ententes plus ou moins illicites dans le monde des affaires entre les grands acteurs d’un secteur. Comme indiqué lors de l’intervention de Ferid Belhaj à Midi Show, les premières décisions américaines de la Cour Suprême contre la Standard Oil of New Jersey au début du siècle dernier sont la lutte contre le monopole”
Il appelle l’Etat à intervenir pour réguler la situation difficile du secteur avicole. “Le rôle de l’Etat est d’avoir un rôle régulateur. Contrairement aux années 70 où l’Etat était producteur, nous demandons à ce que l’Etat réglemente le secteur de façon claire. Si on est importateur, il faut limiter l’importation ou la rendre transparente. Si on veut limiter les prix, on ne coupe pas les ailes aux producteurs en bout de chaîne”
Ben Becher a déclaré que la baisse de prix ne doit pas se faire au détriment du producteur, pour satisfaire le plus grand nombre. Quant aux petits producteurs, pour survivre, ils trouvent des solutions de fortune : “Normalement, les grands groupes qui ont des abattoirs n’ont pas le droit de vendre du poulet vivant. Ils doivent tous passer par l’abattoir et rentrer dans le circuit de refroidissement. Pour survivre, les petits éleveurs vendent leur production aux grands abattoirs, à des colporteurs, sur les marchés hebdomadaires ou à des vendeurs ambulants”