La participation des salariés au capital de leur entreprise, appelée “Actionnariat salarié’ (AS), est une pratique assez ancienne dont les origines remontent au XIXème siècle. Elle a été conçue comme une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme. Initié en Europe, l’AS a, toutefois, connu une évolution assez particulière en France grâce à une forte volonté politique. En effet, les décideurs français, et depuis les années de Gaulle, voyaient dans cette pratique un moyen de réconciliation entre patronat et salariat et un dispositif d’apaisement des tensions sociales.
L’AS consiste à offrir aux salariés la possibilité de devenir actionnaires de leur entreprise à travers l’acquisition des actions à des prix préférentiels, dans le cadre de la distribution d’actions gratuites par l’employeur ou encore suite au versement d’abondement et des primes en actions, etc.
En devenant actionnaires, les employés recevront une partie du bénéfice réalisé sous la forme de dividendes. Ils profitent également des éventuelles valorisations boursières de leurs actions à travers le temps. L’AS est aussi un moyen pérenne pour se constituer une épargne pour la retraite.
Les études montrent que l’AS a un impact positif à la fois sur les salariés et sur les entreprises; une amélioration des performances financières des entreprises, des salariés plus engagés et plus motivés ainsi qu’ une meilleure gouvernance grâce à la représentation des salariés actionnaires dans les organes de contrôle.
L’AS joue aussi en faveur de la protection des entreprises contre les prises de contrôle hostiles. Grâce à l’AS, la France a pu protéger ses entreprises en empêchant leur passage entre les mains d’acteurs extérieurs. En effet, les salariés actionnaires ont tendance à voter contre tout projet de rachat de leur entreprise par peur de perdre leur emploi. L’AS a donc favorisé ce que les économistes ont appelé le patriotisme économique qui continue à jouer en faveur de l’économie française.
L’AS en Tunisie?
En Tunisie, nombreuses sont les entreprises qui seraient en faveur de l’introduction de l’AS. Elles regrettent d’ailleurs l’absence d’un cadre réglementaire favorisant son émergence comme un dispositif à la fois financier et de ressources humaines. Quelques entrepreneurs ont déjà essayé de trouver des tournures légales pour pouvoir attribuer des actions à leurs cadres dirigeants par peur de ne pas les voir partir chez les concurrents.
L’implication des salariés, tous les salariés et non seulement les cadres, dans le capital de leur entreprise pourrait résoudre beaucoup de problèmes. D’abord, l’épineuse question des augmentations salariales. L’AS offre aux salariés une rémunération en actions qui vient s’ajouter à leur salaire fixe. Ceci réduirait la pression mise sur l’employeur lors des négociations relatives aux augmentations salariales.
En devenant actionnaires, les salariés seraient plus soucieux de la performance de leur entreprise. Ils travaillent davantage afin de s’assurer une amélioration de leur portefeuille financier à long terme, mais aussi pour sécuriser leurs postes d’emploi.
En présence d’AS, il y aurait moins de tensions sociales, moins de grèves et moins d’arrêts de production. Les salariés actionnaires auraient tout intérêt à voir leur entreprise fonctionner efficacement.
L’AS pourrait aussi être adoptée dans le cadre des privatisations des entreprises publiques en difficulté. Ces dernières souffrent de problèmes financiers et organisationnels. Le transfert d’une partie du capital aux salariés apportera des fonds frais et les protègera contre tout rachat étranger. Pareillement, et dans le cadre de l’initiative présentée par le président de la République en ce qui concerne l’argent spolié, les entrepreneurs concernés par cette proposition peuvent transférer une partie de leurs entreprises à leurs salariés.
L’introduction de l’AS en Tunisie à travers la mise en place d’un cadre légal avantageux pour les salariés et pour les entreprises offrant des incitations fiscales et sociales… ne peut être que bénéfique à tous les acteurs, y compris l’Etat. L’AS renforcerait le dialogue social à travers une distribution équitable de la richesse créée, améliorerait le pouvoir d’achat et désamorcerait le problème des retraites.