La crise sanitaire et économique mondiale serait révélatrice d’occasions pour profiter des nouvelles tendances mondiales, en l’occurrence la relocalisation et la restructuration des chaînes mondiales et régionales. La course a déjà commencé. Pays, à vos marques !
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement à l’occasion de la pandémie ont conduit plusieurs grandes entreprises à repenser la localisation de leurs sites de production. Les stratégies d’investissement des entreprises européennes étaient marquées par une trop grande dépendance vis-à-vis de l’Asie et plus particulièrement de la Chine.
Dès lors, le nearshoring ou le déplacement des capacités de production vers des pays plus proches des entreprises a le vent en poupe. La Tunisie, tout autant que les autres pays du bassin méditerranéen seraient alors bien placés pour profiter de cette reprise du nearshoring. La Tunisie possède-t-elle alors les atouts pour gagner ce pari, profiter de ce détour de production au regard de son potentiel d’attractivité ? Clairement, la Tunisie dispose d’avantages considérables, notamment en ce qui concerne le rapport qualité-prix de sa main-d’œuvre. La Tunisie pourrait constituer un réservoir de capital humain qualifié pour les entreprises européennes en restructuration, comme l’a précisé Mounir Ghazali, associé EY. Par ailleurs, le site peut également se prévaloir d’une forte propension de s’acclimater au digital et d’utiliser les outils technologiques. Incontestablement, la consolidation de l’infrastructure numérique est une clé du succès du nearshoring.
Et les pays en sont bien conscients ! Certains gouvernements des pays de la région MENA ont adopté à plus grande échelle le numérique et ont mis en place des opérations et des services en ligne pour faciliter les processus d’investissement. Aux Émirats arabes Unis, le processus de création d’entreprises, les droits d’enregistrement, les paiements et la production de documents peuvent être réalisés entièrement à distance dans 50 zones franches. Le Maroc quant à lui a amélioré sa plateforme SMART (système de management des autorisation, reporting et traitements) en matérialisant toutes les formalités et les procédures.
En toute évidence, pour attirer des industriels européens capables de créer toute une dynamique économique, la concurrence avec nos pays voisins est bien sévère. Mohamed Mehdi, associé chez le cabinet BDO précise qu’il est de prime abord primordial de mener les réformes, notamment celles des entreprises publiques et l’activation de la loi de l’amélioration de l’environnement d’affaires afin de figurer dans les champs d’intérêt des investisseurs. De par son expérience en matière d’accompagnement des investisseurs étrangers en Tunisie, il insiste sur l’impératif de faciliter l’investissement et rassurer l’investisseur. Pour ce qui est du climat d’affaire, beaucoup reste à faire au niveau du port de Radès, de l’infrastructure et de la simplification des procédures et des lourdeurs administratives. Autre défi, et non des moindres, il concerne l’attractivité du régime fiscal pour les entreprises étrangères.
L’augmentation du taux d’imposition pour les entreprises exportatrices de 10 à 18% dans le projet de Loi de Finance 2021 s’inscrit à contre-courant. Emna Kharouf, associée Deloitte, estime que ce taux reste toujours attractif au regard des taux européens. Il n’en reste pas moins qu’il nous handicape face à nos voisins. Le Maroc offre un taux de 10% et moins que cela pour les sociétés exportatrices et off-shore.
Un pays est une marque comme les autres
La magie d’une marque c’est qu’elle rassure. Une marque est une garantie. Car elle n’existe que si elle a un pouvoir d’attraction. C’est en partie vrai pour les pays, ils ne peuvent survivre en autarcie. Alors pour attirer des touristes ou les investisseurs, chaque pays doit travailler sa marque nationale. Une bonne marque-pays constitue un effet de levier qui procure de la valeur ajoutée économique et politique. Elle prédispose les consommateurs étrangers d’acquérir son produit et aux investisseurs étrangers d’investir sur son site. Il est temps de s’interroger sur la nature même de la notoriété et de la renommée que l’on veut construire, les valeurs fortes qui vont porter cette marque. L’image de la Suisse serait associée par exemple à des valeurs telles que la qualité ou la précision.
Un travail indispensable doit être élaboré pour savoir d’abord quels atouts devons-nous promouvoir ? Ensuite, quelle cible de clientèle visons-nous ? Cette marque sera nourrie de nos productions, de nos services, de nos infrastructures mais également de notre rayonnement historique, culturel, artistique, sportif, humanitaire. A ce titre, l’exemple du Chili est édifiant. Il a mené une campagne structurée autour de 3 messages : l’attractivité de sa géographie, la rigueur et l’efficience des travailleurs chiliens ainsi que la stabilité juridique. Au bout de quelques années, la réussite de sa stratégie de marque lui a permis de se hisser à la tête du peloton des classements de réputation parmi les pays de l’Amérique latine. Les résultats se sont traduits dans les statistiques de ses exportations. Au-delà de la communication, bâtir une marque nationale exige d’efforts et de la persévérance. Car, elle se construit à force de cohérence entre ce qui est dit, ce qui est communiqué, genre l’expérience touriste ou l’expérience investisseur. Nous ne pouvons promettre ce que nous n’avons pas, auquel cas nous développerons de la frustration qui sera contre productive. C’est pour cette raison qu’il faut d’abord consolider nos fondamentaux.