La semaine dernière, le Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Appui à l’Investissement a déclaré devant la Commission de la Réforme Administrative à l’ARP que la bonne santé des banques prime sur toutes les autres considérations, y compris celles relatives à la recette fiscale.
Ces mots, passés inaperçus, ont un sens. En 2020, les impôts sur les sociétés non pétrolières se sont établis à 1 442 MTND, selon les chiffres de la Loi de Finances rectificative 2020. Le rapport sur la Supervision Bancaire publié fraîchement publié par la BCT a montré que les banques non-résidentes ont payé des impôts sur les bénéfices de 5,247 MUSD, un montant qui reste petit devant les 595 MTND supportés par celles résidentes, soit 41,2% de ce que l’État a encaissé en 2020. Bien évidemment, ce ratio reste approximatif car il convient de l’ajuster en intégrant les acomptes prévisionnels, une information qui nous échappe.
Globalement, l’impôt sur les sociétés consomme 10,9% du PNB du secteur. Ce chiffre montre à quel point toute décision qui touche à l’industrie financière est importante et explique la lenteur du traitement de certains dossiers. Redresser les banques n’est pas de la facilité que plusieurs pensent, surtout quelques acteurs politiques.
Le traitement radical des maux du secteur signifie que l’État doit sacrifier, au moins, une année de recettes fiscales. Nous devons nous rappeler que le calcul du résultat fiscal n’intègre pas toutes les dépenses, surtout celles relatives au coût du risque. Même si les banques veulent passer le cap et traiter la qualité de leurs actifs, cette piste se retrouve refroidie par la liasse fiscale. Toute réforme exige des efforts à supporter conjointement par toutes les parties prenantes, l’État et les actionnaires dans le cas d’espèce.
Au-delà de cette question de bénéfices, le passage rapide à des normes plus strictes risque de provoquer une détérioration non-récurrente dans les bénéfices de tout le secteur. Bien qu’elle soit ponctuelle, les conséquences sur les fonds propres déclencheraient des opérations de recapitalisation dans la plupart des établissements, à commencer par ceux publics. Bien que les ratios de solvabilité soient satisfaisants fin 2019 pour ces derniers (18,2% pour la BNA, 12,6% pour la STB et 11,1% pour la BH Bank), ces chiffres sont calculés avec des règles à mi-chemin de ce qui se passe dans Bâle III. Ceux qui contestent l’arsenal réglementaire de la BCT doivent trouver les ressources nécessaires à ces recapitalisations (banques publiques et privées) avant de réclamer tout changement immédiat.
L’une des solutions serait la consolidation, l’approche qui ne semble pas figurer parmi les pistes envisageables par les banquiers tunisiens. D’ailleurs, son efficacité n’est pas garantie car les syndicats ne vont jamais accepter de procéder aux licenciements nécessaires pour la réussite de toute opération de rapprochement.
Toutes ces contraintes font que les avancées ne peuvent se réaliser que d’une manière progressive. Le secteur bancaire doit fonctionner, car il fournit l’essentiel du financement de l’économie, tout en assainissant son actif. Un équilibre loin d’être évident.