Devant l’ARP, le Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, accompagné par les responsables des banques publiques, a bien défendu le bilan des trois établissements de crédit « à participation publique » selon les termes de Monsieur Kooli.
Il faut dire qu’aujourd’hui, les états financiers des trois banques affichent des indicateurs encourageants. Les fonds propres ont été largement consolidés après des années de bénéfices et de rétention de dividendes. Au niveau commercial, il y a des performances à saluer, comme les PNB 2020 : +4,5% pour la BNA à 683,716 MTND, +3,1% pour la BH Bank à 508,356 MTND et +0,9% pour la STB 606,576 MTND. Ensemble, les banques publiques affichent une croissance de 2,8% en rythme annuel contre 0,1% pour celles privées cotées à la Bourse de Tunis.
Mais ce qui inquiète le plus c’est la qualité des bilans car la grande différence avec les banques privées réside en ce soutien apporté aux entreprises publiques. Ces dernières considérées comme totalement safe grâce à la garantie de l’État, ne sont pas réellement dans une bonne situation. Aucune entité privée avec les mêmes équilibres financiers n’aurait pu avoir un seul dinar de n’importe quelle banque.
Les derniers chiffres audités de 2019 montrent que la BNA est engagée à hauteur de 2 748 MTND envers les entreprises publiques dont 1 805 MTND envers l’Office des Céréales, 152 MTND envers la STIR et 110 MTND envers l’Office des Terres Domaniales. L’ensemble des garanties obtenues s’élève à 2 221 MTND. Pour la BH Bank, les engagements des entreprises publiques totalisent 831,438 MTND. Dans le rapport des Commissaires aux Comptes, certains « engagements d’entreprises publiques présentant des difficultés financières et qui ne sont pas couverts par des garanties suffisantes n’ont pas été provisionnés » vu « le caractère stratégique de leurs activités et par l’engagement implicite de l’État à garantir la stabilité financière de ces entreprises ». En ce qui concerne la STB, l’enveloppe des garanties accordée par l’État s’élève à 430,160 MTND fin 2019.
Aujourd’hui, et après la décision de la BCT de constituer des provisions collectives au titre de ces entreprises, ces trois banques devraient voir leurs coûts de risque s’envoler. Pour les équipes dirigeantes, c’est une sorte d’injustice car elles sont en train de payer le prix des politiques d’allocation de ressources des dernières décennies. Elles sont face à un dilemme : soit prendre les bonnes décisions techniques avec les lourdes conséquences sociales et politiques, soit poursuivre ce soutien illimité au risque de supporter un bilan difficile à défendre.
L’amélioration définitive de la situation de ces banques passe donc par celle des entreprises publiques. Si ces dernières se redressent, les établissements de crédit retrouveraient de la flexibilité pour aller chercher les bonnes affaires et prendre les bons risques. Sinon, il leur faut encore des années de nettoyage de cet héritage.