D’après-vous, y a-t-il des secteurs, à part le tourisme, qui seront appelés à revoir leur modèle économique?
Ce qui est intéressant pour ce post-Covid, c’est qu’il n’y a pas que de secteurs perdants. Les secteurs du numérique, de la logistique, pharmaceutique, du healthcare, les métiers autour de l’entertainment et filmothèque sont plutôt gagnants. En effet, les études montrent que la Covid a changé les habitudes de consommation en faveur d’une accentuation du digital et de l’e-commerce, du redéploiement au niveau des chaînes de logistique. Un pas a été franchi en matière d’edtech avec l’utilisation des canaux numériques pour l’enseignement à distance. Les plateformes d’enseignement à distance devraient alors être développées, intégrées et maintenues. Clairement, des opportunités à moyen et long terme seront alors créées. Une étude a révélé que lors de la première période de confinement, le secteur du e-commerce a fait un gain en termes d’utilisation et de pénétration dans les habitudes des consommateurs équivalent à ce qu’il a connu ces dernières années.
Les secteurs de la banque et des assurances connaîtront également des changements avec une accélération de l’utilisation du canal de l’online banking. C’est autant d’opportunités pour lancer le digital banking ou des offres fintechs pour les consommateurs.
Avec la dématérialisation des réunions et la baisse des voyages d’affaires, pensez-vous que le secteur du transport aérien sera à tout jamais impacté ?
C’est vrai ! Nous constatons qu’aujourd’hui, le télétravail est entré dans les mœurs. Les entreprises s’équipent en plateformes de collaboration, d’échange avec les clients, les fournisseurs, les collaborateurs au sein de l’entreprise. Les procédures sont en train d’être revues pour permettre le télétravail de façon continue en Tunisie ou à l’international. Une démarche qui a pour corollaire la baisse des déplacements professionnels. Pour tout vous dire, il y a deux types de déplacements: ceux qui sont internes, notamment des réunions d’équipe élargies, des événements d’entreprise et ceux qui sont externes destinés à rencontrer des clients, à vendre, à superviser des projets. La première catégorie va connaître une réduction certaine pour des raisons sanitaires et budgétaires. On va privilégier de plus en plus le virtuel. Pour la seconde, qui est attribuée au volet commercial, je pense qu’il y aura un impact beaucoup moindre.
Pensez-vous que l’agri est appelé à prendre un peu plus d’importance pour des considérations de sécurité alimentaire ?
Cette crise a été l’occasion d’un éveil assez douloureux pour plusieurs pays, notamment au sujet de l’autonomie et l’autosuffisance alimentaire. Relent protectionniste ou reconfiguration de la supply chain, chose certaine: plusieurs pays vont privilégier leur marché local et la satisfaction de leurs propres besoins.De toute évidence, un plus grand intérêt des investisseurs, des pouvoirs publics et des fournisseurs sera accordé au secteur agricole. Il n’en reste pas moins que les problèmes restent les mêmes: la fragmentation du secteur, le manque d’approvisionnement des intervenants, la promotion des produits finaux, d’olives, les dattes, les fruits et légumes.
Est-ce qu’il y a des quick wins qui permettent d’appuyer la compétitivité des entreprises à l’international ?
Il est essentiel que le moteur d’exportation fonctionne. Il est vrai que les chiffres du mois de septembre sont encourageants mais il est impératif que la machine de développement et de la promotion d’exportation reparte. Il faut être capable de promouvoir l’image du pays dans la situation actuelle, sans avoir la possibilité de prendre l’avion pour assister à des foires ou aller voir nos clients à l’étranger. Aujourd’hui, les grandes foires internationales sont en train de proposer des versions digitales. Il faut qu’on puisse développer ce genre d’event international virtuel au risque de disparaître du radar. Dans cette situation, il faut parvenir à maintenir le contact avec le marché cible et trouver les moyens d’être présent.
Est-ce que vous pensez que le secteur aéronautique peut avoir de beaux jours devant lui en Tunisie ?
La situation sera indéniablement mauvaise à moyen et long terme pour ce secteur. Mais si les constructeurs européens décident de se redéployer sur la rive sud de la méditerranée dans le cadre d’un mouvement de redéploiement des chaînes de valeur qui se trouvent dans les pays asiatiques, on sera gagnant. Rien que récupérer 5% de volume des carnets de commande fabriqués en Chine est énorme pour la Tunisie. Nous avons estimé le redéploiement de 10% du volume commercial entre l’Europe et la Chine vers la rive Sud de la Méditerranée (Tunisie, Maroc, Égypte) à 50 milliards de dollars pour les industries d’automobiles, d’aéronautique, etc.
Un mot de la fin ?
Aujourd’hui, c’est vraiment l’occasion pour les entreprises tunisiennes de rafraîchir le modèle économique, le portefeuille d’activité et d’injecter plus d’innovation et de collaboration dans leurs modèles économiques. Nous avons remarqué que certaines entreprises ont pu le faire quand la conjoncture l’a imposé. Il faut plus de ce type d’initiatives.