Les technologies du passé ont accru la valeur en remplaçant les muscles. Celles du futur, Robots et Intelligence artificielle, se substitueront au cerveau et au sens, au risque d’annihiler la contribution de population active et de renflouer le réservoir de chômeurs.
La fuite des cerveaux n’est qu’un début
La vague massive de digitalisation qu’a connue le monde durant la crise a suscité les craintes des uns et l’espoir des autres. “À court terme, l’agilité et la digitalisation est le maître-mot pour les entreprises”, a affirmé Emna Kharouf, associée Deloitte Tunisie. La digitalisation ne reconnaissant pas les frontières, la suppression des barrières géographiques occasionnée par cette transformation a ouvert la porte large aux entreprises tunisiennes, selon Emna Kharouf. “Les nombreuses plateformes d’e-learning qui ont vu le jour ces derniers mois peuvent désormais toucher une large audience à l’international”, a-t-elle noté.
Cette possibilité d’accéder plus facilement à des marchés à travers le monde doit inciter les entreprises tunisiennes à initier une transformation de leur business model pour en tirer pleinement profit. Majoritairement de petite taille, les firmes tunisiennes auraient plus d’agilité et plus de facilité à transformer leur process que leurs concurrentes européennes. Elles sauraient ainsi s’adapter plus facilement aux besoins du marché, d’après Kharouf. Les opportunités sont tellement importantes, notamment dans le continent africain, que l’experte croit qu’avec l’attrait des entreprises étrangères, la main-d’œuvre locale ne saurait satisfaire les besoins croissants en employés des entreprises. Que faire alors ? “Il est temps que la Tunisie ouvre son marché à la main-d’œuvre subsaharienne pour permettre à nos entreprises de tirer pleinement profit de ce pool important de talents”, a souligné l’experte. “On est dans le déni d’une réalité qui fait qu’on préfère ceux qui travaillent d’une manière informelle à ceux du formel”. Pour elle, il est temps de rompre avec la vision très protectionniste du travail.
Valoriser le talent subsaharien en Tunisie
Faciliter l’accès au marché du travail aux migrants en Tunisie serait la solution à un autre problème de taille qui pourrait se manifester dans les années à venir.
Au fait, grâce à la dématérialisation des lieux du travail, les talents tunisiens auraient la possibilité de travailler pour des entreprises étrangères sans avoir à quitter le pays. Emna Kharouf indique que les principaux changements dans le futur porteront sur les workplaces et les workforces qui seront de plus en plus attirés par des entreprises qui marquent véritablement leur rôle social qui sont perçues comme utiles. Par ailleurs, les entreprises tunisiennes incapables de vendre à l’étranger ne seraient pas en mesure d’offrir les mêmes avantages que les firmes à l’étranger et ne seraient donc pas capables de les concurrencer.
Certes, ceci peut aussi représenter une opportunité, d’après Kharouf, parce qu’une telle transformation permettrait (du moins en théorie, NDLR) aux membres de la diaspora de revenir en Tunisie avec des contrats internationaux. Mais en réalité, les entreprises tunisiennes seraient face à une difficulté encore plus sévère à trouver les compétences dont elles auront besoin. Et c’est là où libérer l’employabilité des migrants subsahariens aurait tout son intérêt, du moins selon l’associée Deloitte Tunisie.
Votre collègue inhumain arrivera demain !
Ces transformations sont loin d’être les seules à toucher le monde de l’entreprise. Car, d’après le rapport sur l’avenir du travail publié le mois dernier par le World Economic Forum, les robots accapareront une bonne partie du marché du travail. “D’ici 2025, les employeurs répartiront équitablement le travail entre humains et machines”, nous informent les auteurs du rapport. Il est ainsi estimé que cette nouvelle répartition du travail entre les humains et les machines perturbera 85 millions d’emplois dans le monde entier.
Si vous êtes dans des domaines tels que la saisie de données, la comptabilité et le soutien administratif, sachez que ces métiers seront de moins en moins demandés “à mesure que l’automatisation et la numérisation sur le lieu de travail se développent”. Ainsi, plus de 80% des chefs d’entreprise sondés par le WEF dans le cadre de l’élaboration de son étude ont affirmé avoir accéléré les projets de numérisation des processus de travail et de déploiement de nouvelles technologies. De leur côté, la moitié des employeurs prévoient d’accélérer l’automatisation de certains rôles dans leur entreprise.
Cette tendance, qui a commencé à pointer du nez depuis quelques années, s’est accompagnée en 2020 par une autre tendance: à cause de ce très cher coronavirus, la création de postes est en train de ralentir au même temps que la destruction d’emplois s’accélère. Au fait, 43% des entreprises interrogées par le WEF indiquent être prêtes à réduire leurs effectifs en raison de l’intégration des technologies contre seulement 41% qui prévoient de recourir davantage à des sous-traitants pour des tâches spécialisées. La bonne nouvelle est que 34% des entreprises prévoient d’augmenter leurs effectifs en raison de l’intégration des technologies. Et même ceux qui ne perdront pas leur emploi ne sortiront pas totalement indemnes. Dans le rapport du WEF, on lit que près de 50% des travailleurs qui conserveront leur poste au cours des cinq prochaines années “auront besoin d’une reconversion liée à leurs compétences de base”.
Ce n’est donc pas bizarre de constater que même au milieu d’une crise mondiale, en moyenne, 66% des employeurs interrogés par le WEF prévoient un retour sur investissement du perfectionnement et de la reconversion des employés actuels dans un délai d’un an. Ces chefs d’entreprise espèrent également réussir à redéployer 46% des travailleurs au sein de leur propre organisation. 84% des employeurs sont prêts à numériser rapidement les processus de travail, y compris en développant de manière significative le télétravail. À l’heure actuelle, cependant, les employeurs affirment ne pouvoir faire travailler à distance que 44% de leurs effectifs. Face à ces changements, environ un tiers des employeurs prévoient de prendre des mesures pour créer un sentiment de communauté, de connexion et d’appartenance parmi les employés, a révélé le rapport du World Economic Forum.