Le 3 avril dernier, ce sont des milliers de Tunisiens qui se sont entassés devant les bureaux de Poste. Pour accéder aux aides sociales qui leur ont été destinées, ils n’avaient d’autres options que de se rendre au bureau de Poste. Heureusement, cette bousculade n’a pas causé la propagation rapide du coronavirus.
Le gouvernement de l’époque s’est donné pour point d’ordre d’éviter de pareilles scènes de se reproduire pour la distribution des aides du mois qui va suivre. Cette fois-ci, le ministère des Finances a mis en place des wallets électroniques qui ont permis aux bénéficiaires de retirer leur argent de n’importe quel distributeur automatique de billets. Plus de bousculades, ni de lignes interminables devant les bureaux de Poste !
Le e-wallet n’était pas la seule solution digitale proposée par le gouvernement lors de la crise : pour actionner les différentes mesures déployées durant la crise, le gouvernement a mis en place plusieurs plateformes électroniques afin d’éviter les déplacements.
Il ne suffit pas de vouloir
Cette tendance à digitaliser les services gouvernementaux n’est certainement pas une spécificité tunisienne, bien au contraire. L’administration tunisienne a résisté pendant de longues années à la digitalisation de ces services, privant le citoyen d’une importante source de gain de temps et d’efforts. Ailleurs dans le monde, en revanche, de nombreux autres pays et municipalités ont mis en place des stratégies d’e-gov. Sous d’autres cieux, il est possible d’accéder en ligne à la majorité des services administratifs.
Cette volonté de digitalisation n’a pas été sans obstacles, notamment la limitation des ressources, le manque d’infrastructure numérique et des compétences nécessaires. Ceci est d’autant plus vrai dans les pays en développement, ont affirmé les auteurs du UN E-Gov Survey. Il s’agit d’un rapport annuel publié par les Nations unies depuis 2001 qui recense l’état d’avancement de la mise en place de l’e-gov dans le monde. Le rapport indique également que parmi les challenges auxquels font face les pays désireux de mettre en place des solutions d’e-gov, on cite des problèmes tels que l’inclusion numérique, la confidentialité des données et la cybersécurité.
Malgré ces challenges, les auteurs du rapport ont noté que, dans toutes les régions du monde, le développement de l’administration électronique ne fait que s’accélérer. Ce constat est fondé sur une amélioration du EGDI, ou E-Gov Development Index. Ainsi, l’Europe garde sa position de leader, avec la plus forte proportion de pays à très haut taux de développement d’e-gov (58%). Le Vieux Continent est suivi par l’Asie (26%), les Amériques (12%) et l’Océanie (4%).
En Afrique, et même si les pays restent à la traîne, le rapport laisse apparaître quelques signes de progrès. Au fait, c’est le continent qui connaît la plus grande croissance en termes d’EGDI. Cela dit, les auteurs du rapport n’ont pas manqué de mettre le focus sur les lacunes persistantes notamment en termes de développement des infrastructures et du capital humain.
Le trio d’or
Lors de l’élaboration de ce rapport, trois pays se sont nettement distingués. Non, la Tunisie n’y figure malheureusement pas ! Il s’agit du Bhoutan, le Bangladesh et le Cambodge. Le Bhoutan est passé du groupe EGDI intermédiaire en 2018 au rang le plus élevé, en partie grâce aux améliorations de son infrastructure de télécommunications. Le pays a étendu la connectivité Internet à environ un millier de bureaux gouvernementaux, d’écoles et d’hôpitaux. Ceci a permis la fourniture de services d’administration en ligne à des millions de citoyens. Les responsables gouvernementaux et les enseignants ont également bénéficié des TIC grâce à l’utilisation de plateformes numériques pour améliorer leurs compétences numériques.
La coopération internationale et régionale a également joué un rôle important dans l’amélioration des performances du pays. L’Organisation mondiale de la santé et l’Institut indien de la santé ont en effet collaboré pour assurer le déploiement d’un système d’information électronique ainsi que d’une base de données centralisée au profit du système de santé national ce qui a contribué à améliorer la qualité et l’efficacité des prestations. Au Bangladesh, la réussite du développement de l’administration électronique du pays est largement due au renforcement de la connectivité en ligne du secteur public, à la fourniture de services en ligne et aux investissements dans la littératie numérique des employés du secteur public, a noté le rapport.
Au cours des dernières années, le pays a réussi à unifier 46 000 bureaux gouvernementaux virtuels et à fournir des informations et des services administratifs de manière agile et efficace. Le pays a également mis en place une plateforme d’apprentissage ouverte afin de permettre aux citoyens d’améliorer leurs compétences numériques et professionnelles. Et à partir de 2020, presque tous les employés du gouvernement central avaient accès à Internet et pouvaient utiliser les TIC dans leur travail quotidien. Qui plus est, le pays exploite un portail exclusif pour éduquer les adolescents aux sciences et à la technologie afin de développer davantage la littératie numérique dans le pays.
Au Cambodge, l’amélioration de l’infrastructure des télécommunications et les taux élevés de pénétration de la téléphonie mobile ont joué un rôle important dans le passage du pays du groupe des EGDI moyen au groupe élevé. En 2020, le taux de pénétration de la téléphonie mobile est de 120% ! Le pays utilise également les réseaux sociaux et des plateformes en ligne, aussi bien nationales que locales, pour impliquer les citoyens dans les processus de prise de décision. En conséquence, le pays a progressé de 42 positions dans l’indice de participation électronique (EPI).
La révolution mobile
Bien qu’ils soient souvent perçus comme des gadgets destinés aux plus riches, les smartphones ont en effet joué un rôle clé dans l’amélioration de l’inclusion digitale. Disponibles à des prix plus accessibles, plus faciles à utiliser et, surtout, ne nécessitant pas d’être constamment branchés à l’électricité, les smartphones ont vite éliminé le besoin de s’équiper d’un ordinateur pour se connecter à Internet.
Au fait, le nombre d’abonnements au haut débit mobile actif pour 100 personnes en Afrique est passé de 29 en 2018 à 37 en 2020. En Océanie, les taux d’utilisation correspondants sont passés de 32 à 40 au cours de cette période.
Les taux d’abonnement pour 100 habitants ont également augmenté de manière significative dans les Amériques (de 68 à 73) et en Asie (de 49 à 62). Comme pour le haut débit fixe, l’Europe est le leader, avec un taux d’abonnement global de 91 pour 100 personnes en 2020, contre 80 en 2018. Globalement, les abonnements ont globalement augmenté de 20% depuis la dernière édition de l’Enquête.
L’impact de cette révolution digitale mobile sur la disponibilité des services gouvernementaux en ligne est clair. D’après les auteurs du rapport, le pourcentage de pays fournissant des informations via des applications mobiles ou SMS a augmenté dans tous les secteurs en 2020.
Le nombre de pays proposant des mises à jour via SMS ou applications a augmenté de 38% en moyenne depuis 2018. L’expansion la plus notable de la fourniture de services mobiles depuis 2018 a été dans le secteur de l’environnement, qui a enregistré une augmentation de 20%. Pour le partage d’informations publiques, les abonnements aux mises à jour mobiles et les applications/SMS se développent dans tous les secteurs, a noté le rapport.Il est clair que le choc qu’a connu le monde en 2020 aura des impacts majeurs qui ne vont certainement pas se dissiper avec le virus. Le développement de services gouvernementaux en ligne ne peut donc qu’accélérer dans les années à venir.