Le secteur de l’automotive, un pilier stratégique en Tunisie, fortement concurrentiel mais aussi capable de fidéliser les partenaires étrangers. Un secteur porteur non seulement grâce à des prix de production compétitifs mais aussi en raison de ressources humaines de qualité dans l’engineering, le design, le savoir-faire…
Aujourd’hui, il est touché de plein fouet par la crise du Corona. Les acteurs attendent que l’État prenne les dispositions nécessaires pour que le secteur continue à rayonner. C’est ce que défend Nabhane Bouchaâla, Président de la Tunisian Automotive Association (TAA), dans cette interview accordée au Manager.
Une base d’équipementiers et d’entreprises qui compte environ 267 entreprises tunisiennes d’envergure internationale, des emplois qualifiés de l’ordre de 80 000 : la Tunisie n’a d’autres choix que de sauver le secteur de l’automotive, un secteur stratégique, fortement concurrentiel et de forte valeur ajoutée dans l’économie nationale.
La crise COVID qui a ravagé le monde entier a, certes, laissé sur son chemin des séquelles difficiles. Ainsi, outre l’effort déployé par ces entreprises en difficulté, l’État a un grand rôle à jouer pour sauver ces firmes et éviter des licenciements qui ne feront qu’aggraver un chômage périlleux dont souffre le pays depuis des années et qui sera de toute évidence accentué cette année. C’est ce qu’a expliqué, Nabhane Bouchaâla, qui était déterminant quant à l’importance du soutien de l’État aux entreprises œuvrant dans le secteur de l’automobile en Tunisie. « L’État doit prendre les choses en main et prévoir des subventions de soutien à ces entreprises », a-t-il avancé.
L’aide de l’État demeure insuffisante
Pour tenir compte des difficultés dont font face les entreprises tunisiennes opérant dans le secteur de l’automobile, l’État a élaboré un plan d’aide qui prend en considération la situation spécifique des entreprises. Ce plan comprend, entre autres, le report des dépôts des déclarations d’impôts sur les sociétés, l’arrêt de toutes les opérations de contrôle fiscal, la réduction de la restitution des crédits d’impôts et taxes, l’amnistie sur les pénalités et les PV douaniers et notamment le relèvement du quota de 30 à 50% pour les entreprises totalement exportatrices, non sans souligner l’aide de 200 dinars par employé qui permettra aux employeurs d’alléger la charge de la masse salariale. Des mesures importantes mais qui demeurent encore insuffisantes pour le président de la TAA. « Il est important que l’État opte pour l’exonération du paiement de la CNSS, de la sécurité sociale, des impôts… », a précisé Bouchaâla.
Il considère que cette aide représente un investissement réel pour l’État tunisien. Et d’expliquer que « En 2020, les résultats seront catastrophiques s’il y aura des pertes considérables d’emplois. Cette perte sera réfléchie sur les chiffres de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) l’impôt sur les sociétés (IS), donc la recette de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS). Ainsi, en fournissant de l’aide à ces entreprises, plusieurs emplois seront sauvés et l’État en fera un investissement pour les années à venir ».
Face à un secteur fortement concurrentiel, capable de fidéliser les partenaires étrangers qui ne cessent de miser sur des atouts indéniables de la destination Tunisie, l’État doit prendre des mesures exceptionnelles et plus profondes afin de sauver ces entreprises que Bouchaâla qualifie de « champions tunisiens dans le secteur de l’automobile » et qui ont réussi à s’installer partout dans le monde tels que les groupes Chakira, OneTech, Misfat, Peck…
Des mesures exceptionnelles sont nécessaires pour sauver le secteur
« Offrir 200 dinars par employé est certes bénéfique mais à condition qu’elle soit généralisée et maintenue pour plusieurs mois. Il faut donc penser à des mesures plus profondes », a appelé Nabhane Bouchaâla. Selon, le président de la TAA, « L’État peut accélérer le déblocage des primes de mise à niveau et des subventions des projets à intérêt national créées par l’Union Européenne au profit de plusieurs sociétés du secteur de l’automobile ». « Cette mesure sera un vrai coup de pouce pour ces entreprises puisqu’elle permettra d’améliorer les résultats, les ratios et les chiffres d’affaires! », a accentué Bouchaâla.
Des procédures administratives, fiscales et douanières accablantes
Dans le cadre de cette crise inédite, l’État est, également, en mesure de porter davantage de soutien aux entreprises opérant dans le secteur de l’automobile notamment en matière de procédures douanières et réglementaires. Bouchaâla a rappelé dans ce sens que « ces procédures entravent le processus d’investissement en Tunisie qui dispose, désormais, de plusieurs atouts faisant d’elle une plateforme attractive pour l’essor de cette activité et la relance économique nationale notamment après la crise COVID ». Améliorer la lourdeur des procédures notamment dans les opérations d’import-export, et ce, au niveau de la Banque Centrale (BCT), de la Direction Générale des Impôts (DGI), de la Direction Générale des Entreprises (DGE), de la Douane… sera d’un grand apport aux entreprises tunisiennes pour qu’elles améliorent leur compétitivité à l’échelle mondiale.
Le rôle important de la Banque Centrale
Encourager à l’investissement demeure également l’une des mesures de soutien que l’État puisse apporter aux entreprises tunisiennes, et ce, via la Banque Centrale de Tunisie (BCT) qui a un rôle assez important dans cette opération de relance. C’est ce que défend Bouchaâla qui considère que la contribution de la BCT à l’action du gouvernement dans sa lutte contre les retombées économiques et sociales de la crise du COVID, est primordiale. « Les entreprises tunisiennes ne peuvent pas investir à l’étranger avec un chiffre qui ne dépasse pas les trois millions de dinars. Il est important que la BCT révise ce plafond et pense, par exemple, à autoriser à l’entreprise une ascension dans son niveau, non sans négliger l’importance de réviser les délais de transactions qui font perdre beaucoup d’opportunités », a expliqué le président de la TAA.
Encourager le développement dans le développement
« Réaliser un bon positionnement par rapport au tissu industriel mondial et devenir une plateforme mondiale capable de rayonner à l’échelle internationale est désormais possible avec l’encouragement de l’État », a confirmé Bouchaâla qui ne cesse d’inciter l’État à encourager davantage les entreprises tunisiennes dans le secteur d’automobile à collaborer avec des bureaux d’études en Europe et à s’y implanter. « C’est ainsi qu’elles peuvent réaliser des exploits en matière de devise, de savoir-faire, d’engineering, de développement et notamment de chiffre d’affaires à l’exportation», a-t-il précisé.
Mise en place d’une task force interministérielle
La mise en place d’une task force d’accompagnement, d’appui et de soutien aux entreprises opérant dans le secteur de l’automobile demeure la requête des acteurs œuvrant dans le secteur pour faire face aux conséquences de la crise COVID. Bouchaâla a, dans ce sens, rappelé que « la mise en place d’une task force interministérielle est une étape importante à réaliser et qui fera participer les gens du métier et prendra en charge d’élaborer un plan de relance économique assez développé pour le secteur automobile en Tunisie ». Encore selon le président de la TAA, « Il est important que le travail de cette task force sera focalisé sur l’élaboration d’une offre d’équipementiers de référence par rapport à l’Europe et d’aider à saisir et profiter au maximum des opportunités offertes aux entreprises tunisiennes suite à la relocalisation de la Chine ». Et d’ajouter que «cette unité doit préparer une offre pour que la destination Tunisie devienne un constructeur d’automobiles électriques. C’est la nouveauté qui va prendre le devant de la scène internationale dans les années à venir. Ainsi, une stratégie nationale doit être ainsi mise en place afin de présenter la solution de rechange pour la Chine et d’attirer davantage les investisseurs européens ». Certes, les mesures dès lors prises par l’État sont considérables et représentent un soutien important aux entreprises tunisiennes œuvrant dans le secteur automobile, mais elles demeurent insuffisantes pour pouvoir les aider à sortir de cette crise avec les moindres dommages. L’État est appelé à consolider davantage cette aide afin de permettre à ces firmes de s’intégrer dans la mobilité et la connectivité afin d’éviter la pire des situations : disparaître !