Enfin ! Après de longues semaines de confinement, le gouvernement a dévoilé, mercredi dernier, son plan de déconfinement graduel. Certes, le retour à la normale est encore un rêve lointain mais l’activité économique reprendra, peu à peu, son rythme.
Pour Karim Trabelsi, universitaire et directeur du département des études à l’UGTT, les modalités et les mesures d’accompagnement et de mise en oeuvre ne sont pas encore claires. “Ceci concerne particulièrement la limite de 50% de la capacité des moyens de transport en commun et les dispositions de protection des salariés sur leurs lieux d’emploi”, a-t-il précisé. La situation est encore plus floue pour le secteur informel, peu ou pas contrôlé.
Le flou règne encore
Trabelsi a aussi noté le manque de visibilité en ce qui concerne les mesures sociales au profit des employés qui ne seront pas en mesure de reprendre leur travail pour le mois de mai. “Il ne faut pas oublier que les mesures de soutien aux salariés en chômage technique annoncées précédemment ne concernent que le mois d’avril”, a-t-il indiqué.
Le responsable syndical a également rappelé que l’UGTT a signé un accord avec l’UTICA, le 14 avril dernier, à travers duquel la centrale patronale s’est engagée à verser la totalité des salaires d’avril aux employés du secteur privé ― avec une prise en charge de 200 dinars par l’État. “Malheureusement, cet accord n’a pas été respecté”, a-t-il déploré. Ajoutant : “D’après une étude publiée par l’IACE, 50% des entreprises n’ont pas respecté cet accord, ce qui correspond à 60 et 70% des salariés”. Pis encore, plusieurs grandes entreprises disposant des ressources suffisantes étaient parmi celles qui n’ont pas respecté l’accord, d’après Karim Trabelsi.
Dans ce cadre, le responsable syndical a assuré que l’UGTT continuera à défendre les intérêts des travailleurs pour assurer le respect des dispositions de l’accord. Il a en revanche indiqué qu’aucune information n’est actuellement disponible quant au renouvellement de l’accord vu “le manque de visibilité par rapport à la propagation de la maladie”, a-t-il précisé.
Peut-on espérer un retour à la normale ?
Certes, la crise semble commencer à rétrécir, mais le retour à la normale tardera de plusieurs mois, a souligné Karim Trabelsi. Car même si le travail va reprendre à 50% des effectifs, la production sera, elle, à 30 ou à 35% de la capacité normale. Aussi, la production va coûter plus cher, parce que les entreprises ne bénéficieront plus d’économie d’échelle. “Ceci aura un impact important aussi bien sur la compétitivité des entreprises, mais aussi sur les prix des produits pour les consommateurs”, a-t-il signalé. D’autre part, les entreprises devraient faire face à des chaînes d’approvisionnement et des réseaux de distribution impactés par la crise et dont la réhabilitation prendra certainement du temps.
“Plusieurs industriels estiment que le retour de la production ne sera automatiquement pas suivi par l’écoulement de la production sur le marché”, a averti Trabelsi. Selon lui, bon nombre d’industriels envisagent l’augmentation de la part de la production destinée au stockage, dans l’attente de la réhabilitation des circuits de distribution. Le ralentissement de l’activité économique induirait certainement des pertes d’emploi. “L’envergure de cette vague massive de chômage est encore inconnue, vu que nous n’avons pas encore d’estimations claires”, a indiqué le syndicaliste. “Mais puisque la Banque Mondiale et le FMI estiment un taux de récession pouvant atteindre les 4%, on peut s’attendre à une perte d’au moins de 50 mille emplois”, a-t-il précisé. Et d’ajouter : “Je crains que les emplois les plus précaires seront les premiers à être sacrifiés”.
La relation employeur-employé connaîtra certainement une évolution dans le monde post-Covid. Et, d’après Karim Trabelsi, les bons exemples ne manquent pas. Selon lui, ce sont les entreprises qui ont instauré un dialogue social avec leurs travailleurs qui s’en sortent le mieux. “Les relations de travail sont conditionnées entre autres par le niveau de dialogue et de confiance mutuelle au sein de l’entreprise entre les partenaires sociaux”, a-t-il indiqué. Et d’ajouter : “Malheureusement, la situation au sujet de l’accord du 14 avril n’est pas un bon signe”. Par ailleurs, Trabelsi a rappelé que des discussions ont démarré l’année dernière entre l’UTICA et l’UGTT pour la mise en place d’une assurance perte d’emploi. “Cette crise présente une occasion pour aller de l’avant dans ces discussions”, a-t-il souligné.