L’économie sociale et solidaire (ESS) va-t-elle enfin s’ancrer définitivement comme une troisième voie de développement ? Pr Jamil Chaâbouni, de l’université SESAME, est positif : “L’économie sociale et solidaire est devenue un choix politique et, en 2017, une étude stratégique a été lancée pour le prouver. Malheureusement, si nous avons été enchantés par la création d’un ministère, celui-ci n’existe plus aujourd’hui”.
Mobiliser l’intelligence collective
Ce n’est pas le seul sujet de malaise. A ce jour, il n’existe pas de données suffisantes pour évaluer l’ESS. Parmi le peu dont on dispose, il est intéressant de noter que la CNSS n’a enregistré que 11 711 salariés déclarés qui sont dans l’économie solidaire (uniquement 0,8% du total des affiliés). C’est le même ton selon l’UTAP qui affiche juste 8950 travaillant dans cette économie sur ses 35 154 adhérents.
Nous avons ainsi des données éparpillées, donc pas d’image claire de cette économie. Que faire ? Le Centre National de la Statistique a créé un groupe de travail en 22 acteurs pour délimiter le champ du sujet et élaborer un compte satellite : un ensemble de tableaux statistiques en accord avec la comptabilité nationale, puis d’expérimenter ce compte dans un domaine choisi, avant de passer à un autre puis à un autre… La bonne nouvelle c’est que le registre a été créé mais personne ne semble savoir combien il faudra de temps pour collecter les données nécessaires à une évaluation précise. Il s’agit là d’une dimension fondamentale pour mobiliser l’intelligence collective; un processus long terme qui nécessite des transformations fondamentales.
Au centre l’Homme, pas le capital
La tenue des registres n’est pas la seule difficulté. Le colloque a révélé des efforts à faire en matière de création de lois, de mise en place d’un système d’information fiable, l’inscription dans les lois de Finance, la mobilisation des ressources locales, le réseautage, la recherche et la formation, sortir des îlots fermés…
Encore une bonne nouvelle selon Anissa Ayari, chargée du dossier ESS au sein du ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi : un projet de loi élaboré de manière participative est en cours, poursuivant le but de reconnaître l’ESS en tant que troisième voie économique, mettre au point une définition tunisienne de l’ESS, définir le champ de l’ESS et les acteurs (anciens et nouveaux), reconnaître que nous sommes devant un nouveau modèle d’initiative économique où c’est l’Homme, pas le capital, qui est au centre du concept.
Un dernier point central évoqué par Karim Toumi, coordinateur national du projet PROMESS : “Il existe des réticences en matière de financement parce que nous sommes confrontés à une compréhension que l’ESS englobe des entreprises qui ne font pas de profit ; ce qui est absolument erroné”.